04-05-2024 11:42 PM Jerusalem Timing

En Egypte, les hommes d’affaires à l’assaut du Parlement

En Egypte, les hommes d’affaires à l’assaut du Parlement

Le parti des "Egyptiens libres" comptent de nombreux candidats, dont la plupart sont des anciens membres du parti dissout du président déchu Hosni Moubarak

Devant des électeurs enthousiastes tirant des feux d'artifices à un meeting au Caire, Ahmed Mortada Mansour multiplie les promesses populistes à l'avant-veille des élections législatives qui débutent dimanche.
   
"Je ne crois pas aux programmes électoraux, mais je sais ce dont vous avez besoin: je vais vous construire un hôpital moderne, de première classe, et une école pour vos enfants", tonne le candidat de 34 ans, sous les applaudissements nourris d'environ 200 personnes dans un quartier pauvre de sa circonscription, dans l'ouest de la capitale.
   
Vêtus de tee-shirts à l'effigie du candidat, des enfants se précipitent pour embrasser M. Mansour, membre du parti de centre droit "Les Egyptiens libres", qui soutient ouvertement le président Abdel Fattah al-Sissi.
   
Pour les observateurs, les législatives, sans surprise, vont installer à l'Assemblée nationale une majorité fidèle à M. Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué en 2013 le président islamiste élu Mohamed Morsi et fait réprimer violemment toute opposition.
   
Fondé par le multimilliardaire copte Naguib Sawiris, le parti "Les Egyptiens libres" présente 231 candidats au scrutin qui se déroulera du 18 octobre au 2 décembre à travers le pays.
   
Parti de milliardaires

Et les cadres du parti l'avouent sans complexe: la plupart des candidats sont des anciens membres du Parti national démocrate (PND), la formation dissoute de l'ex-président Hosni Moubarak renversé en 2011 par une révolte populaire après 30 années d'un pouvoir autoritaire et corrompu au plus haut niveau.
 
"Nous nous sommes assurés que ces candidats n'étaient pas impliqués dans des affaires de corruption", jure Mohamed Farid, un jeune responsable du parti.
   
Depuis la destitution de M. Morsi, plus de 15.000 personnes, des islamistes mais aussi des figures laïques et libérales de la révolte de 2011 croupissent en prison dont le président renversé.
   
Mais, dans le même temps, les caciques du régime Moubarak, l'ex-président et ses fils en tête, ont été blanchis par la justice ou remis en liberté après des peines relativement légères.
   
Outre M. Sawiris, à la tête d'un empire multinational dans les télécommunications, le bâtiment et les médias entre autres, le parti compte parmi ses donateurs des hommes d'affaires influents, tel que Raouf Ghabbour, qui dirige un puissant groupe de concessions automobiles.
   
Sans surprise donc, la formation veut se concentrer sur la libéralisation de l'économie, mise à mal par les crises politiques à répétition qui ont chassé touristes et investisseurs étrangers depuis 2011.
"Notre conviction est qu'une économie de marché libre et un secteur privé vibrant, soutenus par une volonté politique, vont éradiquer la pauvreté en Egypte", martèle M. Farid, alors que 26% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
   
Il explique que son parti est favorable à une baisse drastique des coûteuses subventions publiques, qui permettent de vendre à bas prix le carburant et le pain, mais engloutissent plus de 30% du budget de l'Etat.
   
'Pas fâcher le régime'

En tout état de cause, pour les experts, les 596 députés du Parlement ne risquent guère de s'opposer à M. Sissi en matière de droits de l'Homme.
"Sawiris, le big boss, a ses propres calculs pour faire avancer ses affaires. Il ne va pas fâcher le régime. Il est libéral, dans les limites du contexte égyptien", ironise le professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, Hazem Hosni.
   
De fait, le régime Sissi a éradiqué toute opposition. Dans les mois qui ont suivi la destitution de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1.400 de ses partisans. Et des centaines, dont M. Morsi, ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.
   
Et la répression s'est élargie aux mouvements de la jeunesse laïque et de gauche.
"Les droits de l'Homme, les réformes politiques, il n'y aura pas beaucoup d'appétit pour discuter de ces sujets" au Parlement, estime ainsi H.A. Hellyer, un expert au Brooking Center for Middle East Policy.