29-03-2024 10:09 AM Jerusalem Timing

Lacunes de l’acte d’accusation : fondé sur des hypothèses (2)

Lacunes de l’acte d’accusation : fondé sur des hypothèses (2)

La deuxième partie de cet article qui interroge un expert en télécommunications sur les lacune de l’acte d’accusation du TSL

Selon l’expert libanais en télécommunications Ryad Bahsoune, ce sont les services de renseignements britanniques,  en collaboration avec des parties libanaises, qui ont élaboré le dossier des télécommunications, qui constituent la colonne vertébrale de l’acte d’accusation du procureur général Daniel Bellemare.

Il rappelle à cet égard la mission de Wissam Eid, le colonel au département des renseignements des FSI, lequel était chargé du dossier avant d’être tué : «  justement avant sa mort, Eid travaillait sur l’analyse des datas de communications en collaboration avec une société britannique  désignée par la commission d’enquête. »
L’expert souligne qu’Eid a été tué lorsque Bellemare a pris ses fonctions, ou a fortiori après l’avoir rencontré.

Les erreurs de Bellemare dans  sa sélection colorée.

Bellemare a divisé ceux qui ont participé au crime selon qu’ils l’ont préparé, arrangé, coordonné, ou l’ont exécuté, en fonction de leur numéro de téléphone portable, et de leurs contacts téléphoniques. Ce genre de procédé est utilisé dans les crimes importants pour mettre les choses au clair pour le public.

Mais d’après Bahsoune, le procureur général du TSL «  a départagé et coloré ces groupes d’une façon hypothétique, en attribuant arbitrairement les numéros à un groupe ».
Et d’ajouter : «  par exemple le fait de dire que Moustafa Badreddine ne possédait qu’un seul téléphone secret qui revient au groupe vert, alors que les sept numéros restants sont ordinaires, et le fait de dire que c’est Badreddine qui commandait son groupe sont des informations étranges ».

 

Quant à Salim Ayyache, pourtant considéré par Bellemare considère comme étant le coordonnateur, il avait quatre téléphones secrets (des groupes rouge, vert, bleu et jaune), tandis que chacun des deux autres accusés à tort, Enayçi et Sabra n’avait qu’un seul numéro secret du groupe bordeaux, chargés de fourvoiement médiatique.

Ce qui veut dire qu’Ayache chargé de la mission de coordination ne détenait pas de téléphone de leur groupe. Selon Bellemare, pour communiquer avec ces deux-là, Ayache se devait donc de contacter une tierce personne qui à son tour communiquait les ordres à ces deux hommes. Or cette personne tierce n’existe pas dans l’acte d’accusation. Ce qui est donc impossible !

Une deuxième chose est aussi impossible, poursuit Bahsoune. Le fait que Bellemare puisse détenir les datas des communications à la seconde près, sans présenter les enregistrements sonores des appels répertoriés.
Selon lui, les enregistrements sonores existent bel et bien mais ont dû certainement être occultés par Bellemare parce qu’ils révèlent que les téléphones reviennent à d’autres personnes que celles qu’il veut accuser !

L’expert libanais estime qu'il semble fort que les numéros de portables ont été arbitrairement attribués aux accusés à tort.
«  Les accusés ont été désignés au préalable avant de découvrir les numéros. Il y a une grande différence entre le fait de savoir l’identité de l’interlocuteur d’un téléphone et entre le fait de designer au préalable un nom, comme celui de Badreddine par exemple, et de chercher par la suite un numéro pour le lui adosser », souligne-t-il.
Selon lui, le fait d’appeler cette technique «  la concordance spatiale » ne veut rien dire car elle n’existe pas dans le monde de télécommunications.
Il explique : «  le procureur général a estimé que la présence de deux téléphones dans un même endroit et le fait de les avoir utilisés en même temps montre que les deux numéros reviennent à une même personne ».

C’est de la sorte que Bellemare a conclu arbitrairement que Sami Issa n’existe pas, et qu’il n’est autre que Moustafa Badreddine !

De plus, ajoute Bahsoune, le terme «  même endroit » désigne une zone spatiale qui s’étend de 250 mètres à 30 Km. Sachant que le critère utilisé pour désigner la concordance temporelle pour que l’appel puisse être réceptionné par les antennes n’a pas été désigné.

Bahsoune cite l’exemple suivant pour mieux expliquer : «  supposons qu’un agent israélien veuille impliquer X dans un crime. Il peut solliciter l’aide d’un autre agent qui travaille dans une société de télécommunications, comme c’est le cas de Tarek Rabaa. Il lui demande de l’informer instantanément à quel moment ce X effectue ses appels et dans quels endroits. Il suffit que Rabaa le contacte pour l’informer qu’il vient de parler du quartier d’Ashrafiyé, pour qu’il s’y rende sur le champ, et effectue son appel à son tour. Il suffit que l’opération se répète à plusieurs reprises pour que le téléphone de l’agent devienne selon la logique de Bellemare  celui de X. Si cet agent israélien contacte les membres d’un groupe qui se prépare pour perpétrer un crime, il en conclut que c’est X qui les contacte ».

«  Ceci n’est pas un indice ! Je peux assurer qu’il existe des centaines de cas similaires, dans toutes les régions, Bellemare sait très bien qu’il n’en est pas un, Fransen a lui aussi émis des doutes… », conclut Bahsoune.  
 

Propos recueillis par Nader Ezzeddine

Traductions: Leila mazboudi

A SUIVRE