17-05-2024 12:02 PM Jerusalem Timing

Démission du directeur financier d’EDF,signe des déboires du nucléaire français

Démission du directeur financier d’EDF,signe des déboires du nucléaire français

Greenpeace a qualifié lundi les réacteurs de Hinkley Point d’"investissement trop lourd et trop risqué pour EDF.

Le secteur nucléaire français traverse une crise profonde illustrée par la soudaine démission du directeur financier du géant de l'électricité EDF, en désaccord avec son PDG sur un projet de construction de deux réacteurs EPR en Angleterre.

Confronté à un environnement énergétique déprimé en Europe et de plus en
plus concurrentiel, le groupe, détenu à 84,5% par l'Etat français, a confirmé
ce lundi la démission de Thomas Piquemal, sans fournir d'explications. Il sera
provisoirement remplacé par Xavier Girre, 47 ans, directeur financier pour la
France de l'électricien depuis l'an dernier.

Ce départ brutal masque, selon une source proche du groupe, un désaccord de
fond sur le projet controversé de construction de deux réacteurs nucléaires de
type EPR à Hinkley Point, en Angleterre.

Selon le quotidien Financial Times, Thomas Piquemal estimait que ce
gigantesque projet de 18 milliards de livres (23,2 milliards d'euros) risquait
de compromettre la situation financière du groupe et plaidait pour un report de
trois ans.

Les syndicats d'EDF avaient exprimé les mêmes craintes et également demandé
le report du projet. Ces tiraillements à la tête du groupe ont inquiété la Bourse de Paris où l'action EDF a dévissé de plus de 8% en début de matinée. Son cours a fondu de plus de moitié en un an.

Le gouvernement français soutient pleinement la direction du groupe et le
projet Hinkley Point en Angleterre, a déclaré lundi le ministre de l'Economie,
Emmanuel Macron.

Investissement trop risqué
  
Le groupe français avait conclu en octobre 2015 un accord commercial avec
l'entreprise publique chinoise CGN, qui doit supporter un tiers du financement
des deux réacteurs de troisième génération.

Mais il est en attente d'une décision finale d'investissement, ultime étape
avant que le projet, auquel la France et la Grande-Bretagne sont attachées, se
concrétise. En dépit des objections soulevées, le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy a
réaffirmé lundi que la décision finale était "très proche".

Les syndicats font eux valoir qu'aucun des EPR en construction dans le
monde (Flamanville en France, Taishan 1 et 2 en Chine et Olkiluoto en Finlande)
n'est encore en fonctionnement. Il faut attendre "de bénéficier pleinement du
retour d'expérience" de leur démarrage, estiment-ils.

D'autant qu'EDF, qui affichait une dette nette de 37,4 milliards d'euros à
la fin 2015, compte d'autres investissements importants, en premier lieu la
maintenance de ses 58 réacteurs français, estimée à environ 50 milliards
d'euros.

Le groupe doit aussi gérer la fermeture  de la centrale de Fessenheim
(est), doyenne du parc nucléaire français, promise par le gouvernement et
fermement réclamée par l'Allemagne et la Suisse.

L'électricien devra enfin financer le rachat de l'activité réacteurs de la
société française en difficultés Areva, tout en poursuivant son objectif de
doubler ses capacités de production d'énergies renouvelables à l'horizon 2030.

Greenpeace a qualifié lundi les réacteurs de Hinkley Point d'"investissement trop lourd et trop risqué pour EDF". Le fait que Piquemal jette l'éponge montre "que la situation financière d'EDF est alarmante et que l'entreprise ne peut plus investir des sommes colossales dans des projets nucléaires dont la rentabilité n'est pas garantie", a déclaré Cyrille Cormier, chargé de campagne énergie au sein de l'organisation écologiste.

La démission du directeur financier est aussi un nouveau coup dur pour
l'EPR, produit phare de la filière nucléaire tricolore, qui accumule déjà
d'importants déboires à Flamanville, où sa mise en service a été reportée à fin
2018. La construction du réacteur finlandais a elle aussi pris un très grand
retard.

Piquemal "n'est pas un antinucléaire,(...) et pourtant il dit ce que
nous disons depuis 15 ans, c'est-à-dire que l'EPR est une impasse économique,
industrielle et commerciale", a lancé l'écologiste Jean-Vincent Placé,
récemment entré dans le gouvernement socialiste.