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Les USA laiseront-ils tuer un million d’Irakiens pour voler leur pétrole?

Les USA laiseront-ils tuer un million d’Irakiens pour voler leur pétrole?

Les USA savaient depuis 2007 que le barrage de Mossoul se trouvait dans une situation critique.

Tandis que personne ne réalise ce qui se trame, l’administration Obama pense-t-elle avoir trouvé le crime parfait lui permettant de s’emparer enfin des immenses richesses pétrolières irakiennes ? Si ce que je sens se préparer ces dernières semaines sur le plus grand barrage hydroélectrique d’Irak, le barrage de Mossoul, est vrai, Washington a planifié de le laisser se dégrader, ou même de le faire sauter secrètement, ce qui libérerait assez d’eau pour inonder le sud jusqu’à Bagdad et détruire la grande centrale électrique irakienne, l’agriculture et la production de pétrole. Si je ne me trompe pas, ce pourrait être le moyen le plus grotesque de garantir les objectifs géopolitiques de Wall Street, des majors pétroliers et de Washington depuis le Vietnam. J’espère me tromper.

Un thème a lentement émergé depuis quelques semaines dans la grande presse de l’Ouest. Il concerne le danger de la rupture du plus grand barrage irakien qui, en inondant la campagne de la région de Mossoul sous plusieurs mètres d’eau, pourrait tuer près d’un million cinq cent mille Irakiens, surtout les Kurdes et les agriculteurs établis le long de la fertile vallée du Tigre. La structure du barrage de Mossoul retient plus de 12 milliards de mètres cubes d’eau. Celle-ci est cruciale pour l’irrigation des régions agricoles de la province de Ninive, à l’ouest de l’Irak. Depuis son achèvement dans les années 1980, le barrage de Mossoul (alors barrage Saddam Hussein) exige un entretien régulier impliquant l’injection de ciment pour colmater les fuites.


Travaillant avec des équipes irakiennes, le régime US a récemment investi 27 pitoyables millions dollars dans son « suivi et réparation ». Combien de centaines de milliards Washington a-t-il dépensé avec son occupation militaire de l’Irak depuis mars 2003 ? Jusqu’à présent, au moins deux mille milliards de dollars, selon une étude de 2013. Quelque chose d’important se trame autour du barrage de Mossoul et il semble que ce n’est pas du tout sympathique.

Le « briefing glaçant » de Samantha Power

Le 9 mars, Samantha Power, ambassadrice d’Obama à l’ONU, a pondu le « Tweet » suivant après avoir assisté à une séance d’information spéciale à l’ONU sur le danger et les conséquences de la rupture du barrage de Mossoul, le plus grand d’Irak :

(( [Je viens] juste de sortir du briefing glaçant sur le barrage de Mossoul en Irak ; sa rupture pourrait laisser la ville de Mossoul sous 15 mètres d’eau en seulement quelques heures. (Samantha Power (@AmbassadorPower) 9 mars 2016)...

« En cas de brèche, il est possible qu’en certains endroits une vague de crue faisant jusqu’à 14 mètres de haut balaye tout sur son passage, y compris les gens, les voitures, les munitions non explosées, les déchets et les autres matériels dangereux, »))

Quand Samantha Power, la bouchère de Benghazi, sonne l’alarme à propos d’une catastrophe humanitaire, il est temps d’examiner de plus près les choses. Power, alors en position clé au Conseil national de sécurité d’Obama, avec Hillary Clinton, alors Secrétaire d’État, furent décisives dans la décision de 2011 d’Obama – contre la recommandation de son Secrétaire à la Défense, du directeur de la CIA et du président des chefs d’état-major – de bombarder la Libye au (faux) prétexte que Kadhafi se livrait à un génocide ethnique à Benghazi. Ils n’en avaient aucune preuve. Ensuite, naturellement, il fut démontré que c’était faux.

Le 17 février, Outlook New Eastern a publié un article que j’ai d’abord écrit pour mentionner les avertissements d’alarme de Washington sur la fragilité du barrage de Mossoul. C’est la première fois que je suis devenu conscient de l’énorme signification géopolitique du barrage pour tous les acteurs de la stratégie de contrôle des immenses réserves de pétrole au Moyen-Orient. Depuis un siècle, depuis que l’accaparement du pétrole fut poliment appelé Première Guerre Mondiale, le pétrole est l’enjeu de toutes les guerres dans la région, ainsi que des printemps arabes de Washington.

Le 22 janvier, lors d’une interview à CNBC, Ashton Carter, Secrétaire à la Défense, a déclaré que les USA ont l’intention de vaincre le plus grand des bastions de l’État islamique : la ville irakienne de Mossoul. La déclaration de Carter est venue un mois après que le vice-président Joe Biden, qui semble toujours surgir là où les néocons de Washington planifient leur prochaine guerre, est allé à Ankara pour rencontrer Recep Erdoğan, le dictateur turc mentalement instable. Biden a dit à Erdoğan et au Premier ministre Davutoğlu, que Washington voulait que la Turquie et l’Irak « se coordonnent » à un plan militaire US émergent visant à reprendre la ville irakienne de Mossoul à Daesh ou au soi-disant État islamique.

Malgré tout, l’amour n’est absolument pas perdu entre le Premier ministre d’Irak, le Chiite al-Abadi, et les Frères musulmans sunnites liés à Erdoğan. Les pourparlers avec Biden ont été tenus quelques semaines après la véhémente protestation du Premier ministre irakien contre la présence militaire turque illégale en Irak, à proximité de Mossoul. Un fonctionnaire de l’administration Obama a décrit la prochaine attaque US contre Mossoul comme une étape « déterminée du planning », mais non imminente.

Le 28 janvier, trois jours après que Biden ait quitté la Turquie, Sean MacFarland, lieutenant général de l’US Army, chef de la coalition étasunienne contre Daesh en Irak et en Syrie, a déclaré que l’US Army était sur le site du barrage de Mossoul pour évaluer « la possibilité » d’effondrement. S’il devait être détruit, il enverrait un déluge d’eau dans la vallée densément peuplée du Tigre, a-t-il déclaré. « La probabilité d’effondrement du barrage est une chose que nous essayons de déterminer en ce moment … tout ce que nous savons, c’est que quand ça arrivera, ça va vite se passer et c’est mauvais. »

Le 29 février, exhortant les gens à être prêts à évacuer, l’ambassade US à Bagdad a émis une alerte disant que le risque d’effondrement du barrage de Mossoul est « sérieux et sans précédent ». Ils ont ajouté que si le barrage cédait, les eaux de crue pourraient tuer 1,47 millions d’Irakiens vivant le long du fleuve Tigre.

Depuis lors, le thème de l’effondrement probable du barrage de Mossoul est de plus en plus devenu un mantra de la grande presse. À présent, Samantha Power en parle aussi. Comme je l’ai dit en février, quelque chose pue vraiment à propos de tout ce que dit et fait Washington autour du barrage de Mossoul. Depuis mon article de février 2016, parlant avec des ingénieurs expérimentés et creusant pour savoir ce que pourrait être la gravité du scénario catastrophe du barrage de Mossoul, j’ai acquis beaucoup d’expérience. C’est très sérieux. Mais pas de la façon rusée dont le décrit la propagande US. L’US Army a eu pleinement conscience de la gravité de la menace du barrage depuis peu après que ses troupes aient bombardé et occupé en permanence l’Irak.

Aux États-Unis, on savait depuis 2007

En septembre 2007, il y a près de huit ans et demi, l’US Army Corps of Engineers’ Geotechnical and Structures Laboratory a publié un rapport détaillé sur les fragilités géologiques du barrage de Mossoul. Il concluait, « Le barrage de Mossoul, en Irak, a été construit dans les années 1980 sur un soubassement géologique fait de matériaux solubles. Du fait de la solubilité de sa fondation et des piliers, l’entretien de l’enduit de jointoiement a commencé immédiatement après la construction et se poursuit toujours. L’US Army s’inquiète de la stabilité du barrage, et du possible impact militaire et politique qui accompagnerait la rupture du barrage.

Le barrage de Mossoul, dans le nord de l’Irak, entre Tall ‘Afar et Dohouk, inonderait entièrement la vallée du Tigre vers le sud jusqu’à Bagdad, dévastant les infrastructures pétrolières et tuant environ 1,5 millions d’Irakiens.

Le barrage ayant été mal construit par les ingénieurs de Saddam Hussein dans les années 1980, Washington sait depuis plus de huit ans qu’il faut s’attendre à un accident. Aussi, on peut se demander pourquoi, soudainement, tant d’attention est accordée au barrage aujourd’hui, alors que Washington n’a pratiquement rien fait depuis huit ans pour changer la situation ? Si le barrage était balayé – ou fait sauter, ce qui, me disent des ingénieurs expérimentés, serait très facile à faire par une démolition cachée dont personne ne pourrait identifier l’origine –, cela changerait potentiellement toute la dynamique de la longue guerre US au Moyen-Orient pour prendre le contrôle du pétrole irakien et syrien. Cela pourrait arriver au moment où la ville de Mossoul, à environ 72 kilomètres au sud du barrage, est tenue par Daesh, au moment où les Kurdes irakiens reprennent la majorité des territoires dans la région, et au moment où Washington encourage « la Turquie et l’Irak à s’occuper » de Daesh à Mossoul.

Seulement maintenant, en mars 2016, Haider al-Abadi, Premier ministre du gouvernement irakien, annonce avoir embauché une compagnie spécialisée dans la construction de barrages pour s’occuper de la détérioration de la structure du barrage de Mossoul. Il y a plusieurs années, avant le dernier effondrement des prix mondiaux du pétrole, l’Irak gagnait assez sur les exportations de pétrole pour donner la priorité à la réparation du barrage.

Le 2 mars, selon le ministère des Affaires étrangères italien, Trevi Finanziaria Industriale SpA a signé un contrat avec les responsables irakiens pour travailler sur le barrage de Mossoul. Selon divers rapports, ce marché vaudrait entre 273 millions et deux milliards de dollars. Même si la compagnie italienne est compétente pour une telle mission, et elle l’est, selon une déclaration d’une personne ayant participé aux négociations entre Trevi et le gouvernement d’al-Abadi, les travaux ne sont pas prêts de démarrer, et quand ils commenceront, on estime qu’il faut 18 mois pour les achever.

Curieusement, en décembre 2015, Matteo Renzi, le Premier ministre italien, a déclaré à la chambre basse du parlement à Rome, que Trevi réparerait le barrage et que des soldats italiens, si le Parlement l’autorise, garantiraient la sécurité.

Aujourd’hui, environ 1000 soldats italiens (de l’OTAN) sont dans la région de Mossoul soi-disant pour protéger le barrage contre les attaques de Daesh. L’armée turque est aussi là, tout comme des forces spéciales US. La Russie n’est pas là car Washington a fait pression sur le Premier ministre irakien al-Abadi, pour qu’il retire sa demande antérieure à propos d’un soutien aérien russe. La note de Samantha Power, préoccupée par le danger de l’éventuelle rupture du barrage de Mossoul, est la preuve la plus alarmante que les USA ont planifié en août 2014 quelque chose de grave autour de Mossoul.

Le Président Obama a autorisé les frappes aériennes dans la région même du barrage de Mossoul, prétendument pour faire sortir ISIS (formé par les USA et la Turquie), et soutenir la reprise du contrôle du barrage par les milices irakiennes de Peshmergas kurdes. Depuis le 8 août 2014, le Commandement central US a effectué 68 frappes aériennes en Irak, dont 35 « près » du barrage de Mossoul. Est-ce que peut-être ces frappes fragilisent le barrage de Mossoul pour préparer une future catastrophe humaine dont seront complices la Turquie, le Commandement central US et les forces italiennes de l’OTAN ? J’espère pour le bien de l’humanité que ce n’est pas le cas, mais je soupçonne fortement qu’il en sera ainsi bientôt.


   

Par William Engdahl: consultant en risques stratégiques et conférencier. Titulaire d’un diplôme en politique de l’université de Princeton, il est auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique. En exclusivité pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

 

Sources: New Eastern Outlook; Traduit par Réseau international