07-05-2024 12:19 AM Jerusalem Timing

La Turquie se réveille sous l’état d’urgence

La Turquie se réveille sous l’état d’urgence

Un peu plus tard, le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a cependant déclaré aux médias turcs que le gouvernement espérait pouvoir lever l’état d’urgence "dans un mois ou un mois et demi".

La Turquie s'est réveillée ce jeudi sous état d'urgence, avec un appel du président Recep Tayyip Erdogan à son "cher peuple"  pour qu'il reste mobilisé en faveur de la démocratie, après le putsch raté du 15 juillet.

   Malgré les restrictions au droit de manifester prévues par l'état d'urgence, de nombreux Turcs ont reçu un texto de "RTErdogan", appelant ses partisans à continuer à descendre dans la rue pour résister aux "traîtres terroristes".

   Une expression faisant référence aux partisans du prédicateur exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, accusés d'avoir noyauté l'Etat et fomenté le putsch, qui a fait environ 300 morts.  
   
Ankara demande à la justice américaine de lui remettre le septuagénaire,  affirmant avoir transmis des preuves de son implication, qui n'ont pour l'heure pas été rendues publiques.
   
    "Mon cher peuple, n'abandonne pas la résistance héroïque dont tu as fait preuve pour ton pays, ta patrie et ton drapeau", "Les propriétaires des places (des villes) ne sont pas les chars. Les propriétaires sont la nation", écrit dans son texto le président.

      Le quotidien progouvernemental Yeni Safak a publié jeudi sur son site un enregistrement d'un appel à la prière à partir de la mosquée du complexe présidentiel en l'attribuant au président Erdogan.
 
  Mais après avoir indiqué qu'il s'agissait de la voix du président lisant des passages du Coran, un responsable de la présidence a démenti tout appel à la prière par le chef de l'Etat.
   En parallèle à cet appel aux masses, la purge de l'administration ne connaît pas de pause. Quelque 55.000 personnes, militaires, juges, professeurs,  ont été arrêtées, suspendues ou limogées.
   Jeudi, selon l'agence Anadolu, 109 généraux ou amiraux restaient en détention, notamment l'ex-chef de l'Armée de l'air, Akin Oztürk, soupçonné d'être un meneur.
   Le propre aide de camp d'Erdogan, Ali Yazici, est également derrière les barreaux.
   La détention d'une trentaine de magistrats a été maintenue. Le ministère de la Défense a par ailleurs suspendu 262 juges et procureurs militaires.
 
 
   Prévu par l'article 120 de la Constitution, l'état d'urgence, qui n'avait plus été décrété depuis près de 15 ans, a été instauré pour trois mois. Il prévoit notamment des restrictions aux libertés de manifester ou de circuler.

   Un peu plus tard, le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a cependant déclaré aux médias turcs que le gouvernement espérait pouvoir lever l'état d'urgence "dans un mois ou un mois et demi", "si les conditions reviennent à la normale".

   Comme l'opposition s'était rangée derrière le président Erdogan après le putsch, cette décision a rencontré le soutien quasi unanime de la presse.

   "Les traîtres du FET", l'acronyme utilisé pour désigner l'organisation de Gülen, "seront purgés de la fonction publique", assénait Zaman. Ce quotidien,  qui fut proche du mouvement guléniste, a été repris en main par l'exécutif turc en mars.

 
   Dans les journaux, banques, universités, entreprises achètent de pleines pages pour remercier le président d'avoir mis en échec la "traîtrise". Et le maire d'Istanbul Kadir Topbas a suggéré que les corps des putschistes tués soient inhumés dans un cimetière séparé.
 
  L'agence de notation SP Global Ratings a abaissé d'un cran la note souveraine (BB au lieu de BB+) du pays. Depuis le coup d'Etat raté, la livre turque a perdu 6% par rapport au dollar.
 
   Huit militaires turcs, qui avaient fui après l'échec du putsch, devaient comparaître jeudi à Alexandroupolis, pour entrée illégale sur le territoire
grec. Ankara exige leur remise.


 Déroger à la Convention européenne des droits de l'Homme
   
     La Turquie va déroger à la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) en raison de l'instauration de l'état d'urgence jeudi, a annoncé le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus.
   "La Turquie va suspendre la Convention européenne des droits de l'Homme dans la mesure où cela ne contrevient pas à ses obligations internationales,  tout comme la France l'a fait sous l'article 15 de la Convention" après les attentats de novembre 2015, a annoncé  Kurtulmus, cité par l'agence progouvernmentale Anadolu.

   L'article 15 de la CEDH reconnaît aux gouvernements, "dans des circonstances exceptionnelles", la faculté de déroger, "de manière temporaire,  limitée et contrôlée", à certains droits et libertés garantis par la CEDH.

   Cette dérogation prémunit donc la Turquie contre d'éventuelles condamnations de la CEDH alors que de vastes purges sont en cours dans l'armée,  la justice, la magistrature, les médias et l'enseignement après le coup d'Etat raté du 15 juillet contre le régime du président Recep Tayyip Erdogan.

   La France avait annoncé qu'elle allait déroger à cette convention en déclarant l'état d'urgence après les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris. Cette dérogation ne dispense pas un pays de respecter certains droits inaliénables.

   Le Royaume-Uni a également fait usage de cette procédure en Irlande du Nord, entre fin 1988 et début 2001.