Un lecture de la conjoncture actuelle d’un point de vue occidental.
La péninsule coréenne va virtuellement se transformer à partir de lundi en champ de bataille lorsque les deux Corées engageront des manœuvres militaires séparées de grande envergure, dans une logique d'escalade qui fait craindre une confrontation à haut risque.
"Nous nous attendons à une provocation nord-coréenne dans les semaines à venir", s'alarme Victor Cha, titulaire de la chaire d'études coréennes au Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington.
Menaces, bravades et démonstrations de force sont habituelles de part et d'autre de la ligne de démarcation coréenne depuis la fin de la guerre fratricide en 1953, mais certains observateurs jugent la situation si tendue que le moindre incident pourrait avoir des conséquences graves.
Aux sources de ce contexte explosif, le tir réussi en décembre d'une fusée considérée par Séoul et ses alliés comme un missile balistique, suivi d'un troisième essai nucléaire en février puis de nouvelles sanctions votées cette semaine par le Conseil de sécurité de l'ONU.
Pyongyang a menacé de dénoncer dès lundi l'accord d'armistice mettant fin à la guerre de Corée en 1953, brandi le spectre d'une "guerre thermonucléaire" et averti les Etats-Unis qu'ils s'exposaient à une "frappe nucléaire préventive".
Vendredi, le gouvernement a fait savoir, quelques heures après le vote du Conseil de sécurité, qu'il considérait désormais comme nuls et non avenus "tous les accords de non-agression entre le Nord et le Sud".
La Corée du Sud a promis de répondre à la première occasion.
L'armée sud-coréenne a récemment diffusé des images vidéo d'un nouveau missile de croisière capable selon Séoul de mener des frappes chirurgicales sur des centres de commandement n'importe où en Corée du Nord.
Lundi, la Corée du Sud et les Etats-Unis --qui comptent 28.500 soldats sur le territoire sud-coréen-- lanceront leurs manœuvres annuelles, baptisées "Key Resolve". Celles-ci sont majoritairement virtuelles tout en mobilisant des milliers de soldats.
La Corée du Nord y est particulièrement sensible parce que l'exercice simule le débarquement d'importantes forces américaines sur la péninsule coréenne en cas de conflit.
De leur côté, les autorités nord-coréennes semblent se préparer pour de vastes manœuvres interarmes prévues elles aussi dans les prochains jours.
"Enhardie par le tir réussi de sa fusée en décembre et son troisième essai nucléaire, la Corée du Nord fait monter la pression", affirme Yoo Ho-Yeol, politologue à la Korea University de Séoul.
Le chercheur estime qu'il existe un risque "significatif" de confrontation, en particulier près de la ligne de séparation maritime en mer Jaune, contestée par Pyongyang et cause de deux incidents meurtriers en 2010.
Pour Bruce Klingner, expert de la Corée au centre d'études conservateur Heritage Foundation, à Washington, "le risque de malentendu et d'escalade" est d'autant plus important que les dirigeants des deux Etats antagonistes sont aux affaires depuis peu.
Le Nord-coréen Kim Jong-Un, qui serait âgé de moins de trente ans, a succédé à son père Kim Jong-Il à la mort de ce dernier il y a un peu plus d'un an. "Kim Jong-un manque d'expérience et il pourrait franchir des limites que ses prédécesseurs savaient devoir respecter", estime Bruce Klingner.
La présidente sud-coréenne Park Geun-Hye n'est entrée en fonction qu'il y a deux semaines. A cause d'un blocage au Parlement, elle ne dispose toujours pas d'un gouvernement en ordre de marche.
Or les recherches "montrent que, depuis 1992, le Nord procède à une provocation militaire dans les semaines qui suivent l'investiture d'un président sud-coréen", observe Victor Cha.
La Corée du Nord, qui revendique son statut de puissance nucléaire, est soupçonnée de détenir plusieurs bombes nucléaires et de procéder à des essais atomiques afin de parvenir à les miniaturiser.