29-11-2024 02:02 AM Jerusalem Timing

Syrie: les 12 raisons de l’échec d’Ankara

Syrie: les 12 raisons de l’échec d’Ankara

Une chute du pouvoir en Syrie ne sera pas une victoire pour Erdogan, dans la mesure où il aura à faire à des conflits ethniques et confessionnels, qu’il a lui même déclenchés.

Turquie/Ahmad DavutogluDeux ans après le début de la crise en Syrie, force est de constater l’échec de la diplomatie turque en Syrie. Mohammad Norredine, expert du journal libanais "As-Safir", évoque les 12 raisons qui prouvent la défaite turque en Syrie.

1) A peine un mois après le déclenchement de la crise, la Turquie a accueilli à bras ouvert l'opposition politique syrienne, puis a ouvert grand ses portes pour l'opposition armée ASL et autres, et ce, en dépit des déclarations de Davutoglu (chef de la diplomatie turc). Ce dernier prétend que la politique turque vis-à-vis de la Syrie n'est pas encore établie.

2) Le sol turc s'est rapidement transformé en une base arrière pour le soutien logistique, l'entraînement des rebelles. Ankara a choisi, dès le début, l'option de la chute d'Assad.

3) La Turquie est devenue, aussitôt, l'élément moteur du renversement d'Assad, et l'idée de la Conférence des "Amis de la Syrie" est la sienne. La suspension de Damas de la Ligue arabe et son isolement, au sein du monde arabe, relève des efforts turcs. Ankara a œuvré au Conseil de sécurité de l’Onu en faveur de l'adoption des résolutions anti-syriennes, la création d'une zone d'exclusion aérienne, et, finalement, le déclenchement d'une action armée, via la pression sur la Russie et la Chine.

Turque/Recep Tayeb Erdogan4) Ensuite, la Turquie s'est accroché au slogan, "tout ou rien", en estimant que le régime syrien sera renversé rapidement comme celui de l'Egypte et de la Tunisie ou de la Libye. En fait, les Turcs ont fermé toute porte de sortie, en optant pour une telle politique inflexible et rétrograde. Une impasse s'est créée, quand la Syrie a résisté. Et les Turcs n'ont pas eu d'autre choix que d'adopter une politique de fuite en avant.

5) La politique turque s'est démarquée, par son étroitesse de vue, son manque de perspective; elle a ignoré la vraie place de la Syrie, dans les équations régionales, le rôle de la Chine et de la Russie. Ankara a sous-estimé la puissance de l'Etat syrien.

6) Naturellement, cette étroitesse de vue a créé des risques sécuritaires, pour Ankara : l'aggravation des tensions confessionnelles sunnites/alaouites, en Turquie, des tensions militaires entre le PKK et l'armée turque, et puis la question kurde au nord de la Syrie

7) Le résultat direct a été l'effondrement de la politique "zéro problème", dont l'architecte fut Davutoglu. La Turquie connaît, désormais, des problèmes avec tous ses voisins, l’Iran, l’Irak, la Russie, et en partie avec le Liban.

8) La Turquie a été poussée ensuite à relire son propre slogan "Zéro problème" avec les voisins, prétendant qu'elle entendait renforcer ses relations non pas avec les Etats, mais avec les peuples. Or, ses contradictions ont éclaté au grand jour surtout vis-à-vis du peuple bahreïni.

9) La politique turque voulait, en effet, faire d'une pierre deux coups. Ankara voulait devenir le seul acteur régional, car une fois la Syrie effondrée, l'Irak sera affaibli, et le terrain sera préparé à l'affaiblissement du Hezbollah, puis de l'Iran. Les rêves néottomans d'Erdogan ne l'ont jamais quitté et il en a même parlé dans ses discours.

10) La Turquie a fait une très grave erreur, en se présentant comme le vecteur du Sunnisme dans la région. Ses slogans laïcs et démocratiques se sont effondrés, dès lors que la Turquie a fait appel à l'argument religieux. Les Frères musulmans se sont attachés ainsi à la Turquie en suscitant la crainte et l'inquiétude des laïcs et des Kurdes de la Syrie.

11) La crise syrienne a éloigné la Turquie de ses voisins et l'a rapprochée de l'Otan et les portes de la Turquie ont été ouvertes aux équipements et aux forces de cette alliance. C'est un fait extrêmement dangereux pour un pays oriental et musulman.

12) La Turquie est désormais un Etat belliciste, allié de l'Otan, d'Israël et des Etats Unis. Ankara est l'ennemi de tous les Etats de la région. Le maintien d'Assad au pouvoir signera l'échec de l'AKP. La chute d'Assad ne sera pas, non plus, une victoire pour Erdogan dans la mesure où il aura à faire à des conflits ethniques et confessionnels, qu'il  a lui même déclenchés.

Avec Irib