L’imam de la mosquée de la Mecque ne s’en cache pas.Contrairement aux autres sponsors de l’insurrection syrienne qui tentent une campagne de désinformation, après avoir traité le cheikh al-Bouti de "Chabbih"
Alors que les différents sponsors de l’insurrection syrienne tentent tant bien que mal de se laver les mains de l’assassinat du grand dignitaire religieux cheikh Mohammad Saïd Ramadane al-Bouti, l’imam de la mosquée Al-Haram à la Mecque Abdel-Rahman as-Soudeiss a affiché haut et fort sa pleine satisfaction.
« il était l’un des dirigeants de l’hérésie et de la perdition, ..., il était au service de l’Etat nassirien (alaouite) athée,..., il était l’un des plus grands cheikhs à avoir soutenu Bachar et à exhorter l’armée nassirienne à exterminer les Musulmans,...., il était un partisan et un activiste dans la voie de Satan,.. , il était associé à la mort de milliers de musulmans », a écrit as-Soudeiss sur son site Facebook.
Estimant que sa mort soulage les cœurs des croyants, ce cheikh wahhabite en a appelé les Musulmans à se réjouir ouvertement de la mort de ce dignitaire, en étayant sa proposition par des appuis historiques.
Cheikh Bouti a été tué dans la nuit de vendredi dans la mosquée al-Imane à Damas, dans un attentat kamikaze au cours duquel 49 ont péri avec lui, dont son petit-fils, selon un bilan définitif.
Connu pour avoir été un grand érudit islamique, il a tout au long de sa vie défendu la voie de la modération (al-waçat), et dénoncé les écoles rigoristes qui en appelle à apostasier les autres et à les tuer. Il jouissant d’une grande influence en Syrie.
Depuis le début de l’insurrection meurtrière en Syrie et jusqu’à la fin de ses jours, il a catégoriquement rejeté l’insurrection meurtrière qui ravage son pays, la qualifiant de « complot contre la Syrie ». Il a fait partie de ceux qui en ont appelé au début du mois-ci la population syrienne à la mobilisation générale aux côtés de l’armée syrienne régulière.
La manipulation
Or, pour se laver les mains de cet assassinat, les différentes tribunes, ainsi que les porte-paroles de l'insurrection syriene dont ceux de l’Armée syrienne libre (ASL) s'attellent à semer le doute sur ses dernières positions, prétendant qu’il était sur le point d’en afficher une nouvelle tout à fait inverse.
C’est par exemple ce qu’a déclaré cheikh Mohammad Abou-l-Hadyi Al-Yaakoubi, un influent religieux syrien de l’insurrection vivant en Egypte, pour le quotidien égyptien Al-Ahram. « Al-Bouti était sur le point de faire défection, nous ouvrions pour l’en convaincre, et il s’était avéré aussi que sa nièce est morte dans un pilonnage de l’armée contre la ville de ‘Arbine. Plusieurs facteurs se sont réunis, je l’ai persuadé qu’il était dans l’erreur, et il était sur le point d’annoncer sa position et de s’attaquer au régime », a-t-il prétendu.
A noter que cheikh Yaakoubi a été farouchement critique à l'encontre de cheikh Bouti. Dans l’un de ses derniers articles publié le mois de février dernier, sur le site des Frères musulmans de Syrie, il lui demande « de se réveiller de sa torpeur,..., faute de quoi cela voudra dire que Satan s’est épris de lui .., qu’il est sous l’effet de ses passions et non de sa raison,..., lui rappelant que la mort est proche,..., et qu’il devra rendre compte de ses actions devant « le Plus Grand Juge », en allusion à Dieu.
Interrogé en aout 2012 sur son compte Facebook sur le statut théologique de cheikh Bouti, en raison de sa position de soutien au pouvoir en Syrie, il a refusé de lui accorder celui de « l’érudit induit en erreur », a qui revient le devoir d’obéissance aussi, car l’erreur demeure humaine, sapant qu’il puisse remplir les conditions d’un érudit, car il serait d’après lui « débranché de la réalité ». Il lui reproche aussi ses positions critiques à l'encontre des Frères musulmans et des salafistes takfiris de l’école wahhabite, et ses accusations contre eux de bruler les mausolées des pieux.
Quoique rédigées avec un langage courtois, qualifiant le religieux martyr « de respectable », ces évaluations dévalorisantes de la part Cheikh Yaakoubi n’en constituent pas moins un décret sournois d’apostasie, voire un appel au meurtre.
Le même refrain
Ces allégations sur un soi-disant bouleversement de la position du cheikh martyr ont été aussi véhiculées dans les communiqués de condoléances rédigés par le Conseil de commandement de révolution syrienne et la Coalition Nationales des Forces de la révolution syrienne et de l’opposition (CNFRSO). Selon ce dernier: « nous avons des indices et des informations qui confirment qu’il était sur le point de modifier ses positions, que Dieu ait son âme... Nous croyons que c’est le régime qui l’a liquidé de crainte que sa position courageuse ne renverse l’équilibre de force ».
Le régime peut-il tuer « sa couverture sunnite »
Ziad Haydar , le chroniqueur neutre des affaires syriennes dans la journal libanais AsSafir constate que ces indices ne sont pas exposés dans le communiqué, et rapporte en revanche que les comptes Facebook de l’insurrection s’étaient farouchement déchainés contre la victime, lorsqu’il a promulgué un décret dans lequel il a appelé les Syriens à porter assistance à l’armée régulière et prohibé de combattre contre elle.
Selon Haydar, les démentis de l’Armée syrienne libre et leur accusation au pouvoir syrien d’avoir perpétré ce crime "relève de l’enfantillage qui manque de professionnalisme" car ils ne persuadent personne.
« Après s’être lancé dans une diatribe farouche contre cheikh Bouti, en le traitant de traitre et en légitimant son assassinat, relayant ces positions exprimées par les cheikhs de l’opposition et de leurs révolutionnaires, le présentant comme étant un exclu de la religion, voilà que l’opposition lance ses accusations contre le régime qui pourtant considérait Bouti comme étant sa couverture sunnite », écrit-il. « Le régime pourrait-il ôter de son propre gré sa couverture sunnite ?, s’est-il interrogé dans le titre.
De Bouti le chabbih...
En effet, plusieurs comptes Facebook spécialement conçu pour insulter cheikh al-Bouti avaient été mis en ligne par les rebelles syriens.
L’un d’entre eux, intitulé « La page de la révolution syrienne contre cheikh Bouti le chabbih », l'a proclamé chabbih, terme volant dire le voyou, et utilisé par les insurgés, ASL compris, pour diaboliser toux ceux qui soutiennent le pouvoir en Syrie et qui finissent finalement par être liquidés.
Même le site officiel de l’Armée syrienne libre l’avait proclamé Chabbih, tout en diffusant des vidéos d’entretiens télévisés de plusieurs religieux influents sur l’insurrection, dont le cheikh égypto-qataris Youssef el-Karadaoui et le cheikh syrien vivant en Arabie saoudite Arour qui le haranguent, sapent sa connaissance en religion, le présentant comme étant l’érudit du régime syrien.
Un autre site était intitulé « un million de signatures pour soutenir cheikh Youssef Karadaoui et pour dire non à la trahison. Bouti tu as perdu tous les gens ».
...A Bouti le kurde
Or, tout de suite après son martyre, des sites de l’insurrection ont sorti une multitude d’histoires à dormir debout : comme quoi il vivait sous la menace, que les chabbihas du régime syrien séquestrent sa fille et quelques-unes de ses petites-filles, qu’il a été tué par le régime pour ses origines kurdes, pour semer la division entre les insurgés et la communauté kurde, qu'il n'a pas été tué dans la mosquée al-Imane...
Sa maison et les maisons de ses partisans pour la Résistance
Ayant effectué ses études de théologie islamique à la prestigieuse université d’al-Azhar eb Egypte, et détenteur d’un Professorat en philologie islamique de l’université du Caire, le martyr cheikh Al- Bouti est l’auteur de plus de 40 ouvrages islamiques, dont « la femme, entre la tyrannie de l’Occident et les douceurs de la législation divine », « Critique des illusions du matérialisme dialectique », « L’Europe, entre technologie et spiritualité : le pont brisé, « Méthodologie de la civilisation islamique dans le Coran », « Réalités sur les débuts du Nationalisme », « Principes de la connaissance dans la législation islamique », etc...
Il avait consacré sa vie à la prédication islamique et s’intéressait très peu à la politique. Il en était de même pour son père, également un grand dignitaire religieux, qui avait même refusé de vanter les mérites du président syrien Hafez el-Assad, au motif qu’il ne s’ingère pas en politique. Sans pourtant avoir été égorgé.
Mais cheikh al-Bouti il s’est toutefois fait remarquer par deux positions : celle d’avoir vendu sa maison pour donner son prix à la résistance palestinienne, et celle d’avoir demandé aux Syriens d'ouvrir leur maisons aux familles libanaises, durant la guerre israélienne contre le Liban de 2006.
Ce samedi, une délégation du Hezbollah a été dépêchée par le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah, à Damas, pour particper à ses obsèques. En dépit d'un situation sécuritaire critique, des milliers de syriens étaient présents, pour un dernier Adieu.