Le parti communiste chypriote Akel a dénoncé dans un communiqué l’accord qui, selon lui, ne servira qu’à aggraver la crise.
Chypre a évité la banqueroute grâce à un plan de sauvetage de dernière minute mais ses deux principales banques en paieront le prix ainsi que l'euro qui ne sort pas indemne d'une semaine de fortes tensions.
La chancelière allemande Angela Merkel s'est dit lundi "très satisfaite" du plan qui, a-t-elle affirmé, "évite la banqueroute" de l'île méditerranéenne, membre de l'UE depuis 2004 et de la zone euro depuis 2008.
Le plan "se concentre sur les deux banques qui posent problème et la protection entière des dépôts dans toutes les banques", a pour sa part estimé la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde.
Mais le prix à payer par Nicosie est très élevé. La deuxième banque du pays, la Laïki Bank (Popular Bank en anglais), sera mise en faillite de manière ordonnée. Elle sera scindée entre une "bad bank", entité résiduelle amenée à disparaître progressivement, et une "good bank", où seront regroupés les dépôts inférieurs à 100.000 euros, qui bénéficient d'une garantie publique dans l'UE.
Cette mesure aura pour effet de réduire considérablement la taille du secteur bancaire chypriote, jugé surdimensionné par rapport à l'économie de l'île puisqu'il représente environ huit fois son Produit intérieur brut (PIB).
La première banque du pays, la Bank of Cyprus, reprendra à terme les dépôts garantis de Laïki Bank. Elle reprendra aussi les dettes de celle-ci envers la Banque centrale européenne (BCE), qui s'élèvent à 9 milliards d'euros.
Les titulaires de comptes dépassant 100.000 euros auprès de la Bank of Cyprus vont aussi subir une ponction de l'ordre de 30% de leurs avoirs, a indiqué le porte-parole du gouvernement chypriote Christos Stylianides.
Appliquer le plus vite possible l'accord
Initialement favorablement accueilli par les marchés, ce plan --conclu après douze heures de négociations tendues à Bruxelles dimanche entre le président chypriote Nicos Anastasiades et la troïka (UE, BCE,FMI)-- semblait toutefois moins les convaincre en milieu de journée lundi.
L'euro tombait sous la barre des 1,29 dollar et les bourses mondiales se retournaient après une ouverture positive.
"L'accord sur Chypre avec la troïka évite le désastre mais soulève un certain nombre de questions", notamment sur les conséquences qu'il peut avoir sur les pays les plus fragiles de la zone euro, soulignent les économistes de Crédit Agricole CIB.
Outre la restructuration du secteur bancaire, les autorités chypriotes vont également signer dans les prochaines semaines avec la troïka un protocole d'accord prévoyant des réformes structurelles, des privatisations et une hausse de l'impôt sur les sociétés qui passera de 10 à 12,5%.
Parmi les efforts demandés à Chypre figurera aussi la lutte contre le blanchiment d'argent, en fonction des résultats d'un audit imminent.
En échange, une aide allant jusqu'à 10 milliards d'euros sera fournie essentiellement par le pare-feu de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité (MES), mais comprendra un apport du FMI qui reste à chiffrer.
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a appelé à l'application "le plus vite possible" de l'accord. "Nous devons tous travailler dur pour réduire l'impact social de la crise à Chypre", a-t-il notamment déclaré.
Le parti communiste contre
Le parti communiste chypriote Akel, au pouvoir jusqu'en février, a dénoncé dans un communiqué l'accord qui, selon lui, ne servira qu'à aggraver la crise, entraînant plus d'austérité, plus de chômage et la fermeture de nombreuses petites entreprises.
Le chef de la très puissante Eglise orthodoxe de Chypre, Chrysostomos II, a estimé de son côté que l'accord était meilleur que le précédent.
Ce plan, qui prévoyait une taxe sur tous les dépôts bancaires supérieurs à 20.000 euros, avait été rejeté la semaine dernière par le Parlement Chypriote et avait suscité de violentes critiques russes.
Celui conclu dimanche permet de respecter la garantie européenne des dépôts bancaires jusqu'à 100.000 euros et semble plus acceptable pour Moscou.
Le président russe Vladimir Poutine a ainsi demandé au gouvernement d'étudier "les conditions d'une restructuration" du prêt de 2,5 milliards d'euros accordé par Moscou à Chypre en 2011, comme le demandait Nicosie.
"Compte tenu des décisions qui ont été prises par l'Eurogroupe, Poutine estime possible de soutenir les efforts du président de Chypre et de la Commission européenne pour résoudre la crise", a déclaré le porte-parole du Kremlin.
Nicosie va toutefois restreindre les mouvements de capitaux pour éviter leur fuite et la réouverture mardi des banques de l'île, fermées depuis le 16 mars, restait incertaine.
Les autorités chypriotes, qui avaient fait voter vendredi une loi sur les résolutions bancaires, n'auront pas besoin de repasser devant le Parlement pour adopter le nouveau plan de sauvetage. Mais celui-ci doit encore être approuvé d'ici mi-avril par plusieurs Parlements de pays de la zone euro, dont l'Allemagne. Le premier versement de l'aide devrait avoir lieu début mai.