Alors que d’autres pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil mettent les bouchées doubles.
Les coupes budgétaires automatiques en vigueur depuis début mars aux Etats-Unis touchent durement la recherche, surtout dans le domaine biomédical, déplorent des responsables scientifiques qui redoutent un affaiblissement de la compétitivité du pays dans ce domaine.
L'enveloppe annuelle consacrée à la recherche baisse sur un an de 7% (en dollars constants) en passant de 140 milliards de dollars à 130,5 milliards, soit la plus forte diminution sur un an depuis 40 ans, selon l'American Association for the Advancement of Science.
"La situation budgétaire actuelle de la recherche aux Etats-Unis augure mal de l'avenir de l'économie américaine", juge Alan Leshner, le dirigeant de l'association qui publie la revue Science.
"Ces coupes aveugles", qui résultent de l'incapacité des élus à s'entendre pour réduire le déficit, "auront des conséquences durables", déclare-t-il à l'AFP, en soulignant que plus de 50% de la croissance américaine depuis la Deuxième Guerre mondiale a résulté des avancées scientifiques et technologiques.
Outre la "détérioration de la qualité de la science aux Etats-Unis, qui commence à se faire sentir et aura sans doute un effet très néfaste sur l'innovation et l'économie", nombre d'emplois seront affectés, explique ce responsable.
Selon le Dr Francis Collins, directeur des Instituts nationaux de la santé (NIH), qui sont les plus touchés vu qu'ils comptent pour 22% du budget de la recherche avec 31 milliards de dollars, quelque 20.000 emplois hautement qualifiés vont être supprimés par ces coupes.
Environ 430.000 emplois dépendent des fonds de recherche biomédicale octroyés par les NIH, qui englobent 27 instituts, a-t-il récemment précisé.
Le Dr Collins rappelle également que cette coupe s'ajoute à une réduction effective, du fait de l'inflation, de 20% du budget des NIH depuis 2003.
Travaux sur Alzheimer freinés
Cette amputation des ressources va "sans doute ralentir des projets de recherche à un moment où des progrès sont réalisés presque quotidiennement notamment dans le cancer", a-t-il prévenu, ajoutant que cela allait "retarder des découvertes et la capacité de les traduire en nouvelles thérapies ciblées".
"Les travaux sur la maladie d'Alzheimer qui, ces deux dernières années, connaissent une variété de développements intéressants seront également freinés", selon le patron des NIH.
Les Instituts sont en outre contraints de refuser des patients déjà programmés pour des essais cliniques dans leur unité hospitalière de 240 lits, la plus grande du monde dédiée à la recherche clinique.
Ces scientifiques déplorent aussi les conséquences du tour de vis budgétaire sur les jeunes chercheurs, qui seront "découragés", craint Alan Leshner.
"Nous risquons de perdre une génération entière de scientifiques en rendant très difficile pour eux l'obtention de fonds de recherche", a avoué le Dr Collins. Selon lui, "si rien ne change très bientôt, nombre de nos plus talentueux jeunes chercheurs pourraient décider de faire autre chose ou peut-être d'aller ailleurs".
Alors que les Etats-Unis taillent dans leur budget de recherche où ils dominent le monde depuis des décennies, d'autre pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil mettent les bouchées doubles, a-t-il relevé.
Même en Europe, où la situation économique est difficile, l'Allemagne et la Grande Bretagne maintiennent voire augmentent leurs budgets de recherche, selon le Dr. Collins.
Le président Barack Obama avait pourtant insisté mardi, en dévoilant un ambitieux projet visant à percer les mystères du cerveau humain, sur l'importance d'investir dans la recherche fondamentale pour l'économie et la compétitivité.
"Pour chaque dollar dépensé dans le projet du séquençage du génome humain nous avons eu un retour de 140 dollars", avait-il souligné à propos d'un effort réussi de 3,8 milliards de dollars sur dix ans lancé en 1990.