Craignant le pire, les USA cherchent à calmer les tensions
Après des semaines de provocations de la Corée du Nord et de fermes répliques publiques des Etats-Unis, Washington se retrouve confronté à une difficile équation: maintenir son attitude de ferme vigilance tout en évitant de pousser Pyongyang dans ses retranchements.
La crise actuelle n'est qu'un avatar d'un cycle de tensions bien connu sur la péninsule coréenne mais l'intensité et la gradation des menaces du régime stalinien font frémir les responsables américains, sud-coréens et japonais.
D'autant qu'ils sont confrontés pour la première fois à un jeune autocrate, Kim Jong-Un, qui brandit la menace d'une guerre nucléaire et qui n'a rencontré que peu d'étrangers mis à part le basketteur Dennis Rodman.
Ces dernières semaines, le Pentagone a pris à grand renfort de publicité une série de mesures destinées à montrer à la Corée du Nord que les Etats-Unis ne plieraient pas face au chantage: vols de bombardiers furtifs B-2 au-dessus de la Corée du Sud, envoi d'un nombre symbolique de leur joyau technologique, le chasseur furtif F-22, déploiement de destroyers antimissile ou encore de batterie antimissile à Guam.
L'objectif est tout autant de rassurer l'allié sud-coréen et sa nouvelle présidente du soutien américain.
Si ces démonstrations de force ont été nécessaires, il est temps de calmer les tensions et d'éviter une escalade risquant de conduire à un affrontement militaire, juge cependant un haut responsable américain sous le couvert de l'anonymat.
"On n'est pas au bord de la guerre, du moins à ce stade, et nous devons faire tout notre possible pour l'éviter", assure-t-il à l'AFP.
Si les Etats-Unis sont déterminés à mener à leur terme le 30 avril leurs manœuvres annuelles avec la Corée du Sud, baptisées Foal Eagle, "il se peut que l'on soit désormais un peu moins diserts sur les activités de cet exercice", concède-t-il. Officiellement, les survols de B-52 et de B-2, qui ont provoqué l'ire de Pyongyang, s'inscrivent dans le cadre de Foal Eagle.
Washington a fait passer le message
De fait, Washington n'a pas commenté jeudi le mouvement de missile nord-coréen évoqué par la Corée du Sud.
La porte-parole du département d'Etat Victoria Nuland dément tout changement de ton de la part de Washington tout en admettant que la situation "n'a pas besoin de devenir plus chaude qu'elle n'est".
Pour Scott Snyder, analyste au Council on Foreign Relations, les Etats-Unis ont réussi à faire passer "le message" aux Nord-Coréens mais l'attitude de Pyongyang reste difficile à déchiffrer. "Je ne suis pas sûr que les conditions soient réunies (pour faire baisser la température) parce que les Nord-Coréens doivent eux aussi indiquer qu'ils sont prêts à aller dans une autre direction", ce qui ne semble pas le cas, juge-t-il.
"Je ne sais pas vraiment ce que les Etats-Unis peuvent faire de plus tant que les Nord-Coréens n'expriment pas plus clairement ce qu'ils veulent, à part dire que les Etats-Unis menacent leur sécurité", estime pour sa part Bonnie Glaser, experte au Center for Strategic and International Studies (CSIS), rappelant que Washington ne veut pas récompenser l'attitude menaçante de Pyongyang.
L'attitude de l'administration Obama est délibérée, fait valoir de son côté Kurt Campbell, qui était jusqu'en février le plus haut responsable du département d'Etat pour l'Asie de l'Est.
Le message est double, rappelle-t-il: faire savoir que "les Etats-Unis feront face aux provocations" tout en montrant qu'ils ne sont pas dupes du fait que la rhétorique belliqueuse de Pyongyang n'est pas accompagnée de mouvements militaires sur le terrain.
Washington "agit de façon à ne pas se retrouver dans une situation qui soit hors de contrôle", juge-t-il, tout en rappelant qu'il s'agit d'une des zones les plus dangereuses du monde. "C'est une région extrêmement militarisée, il faut faire très attention".