Beaucoup d’Arabes, régimes et individus, servent les plans israélo-américains d’une manière dont l’efficacité dépasse tout ce que les Américains et les Israéliens pourraient faire pour faire aboutir leurs plans
Il se peut que les Américains soient sincères dans l’affirmation qu’ils ressassent depuis des années au sujet de leur tendance à élargir leur présence militaire en Asie-Pacifique dans le but de contenir l’expansion chinoise, chose qui peut avoir deux interprétations opposées: Désertent-ils le champ de confrontation au Moyen-Orient, ou sont-ils assurés de la bonne marche de la situation dans cette région vitale dans le sens de leurs intérêts au point qu’ils aspirent à consolider leur influence dans une autre région?
La première interprétation peut avoir un fondement dans l’hypothèse de la crainte qu'ont les Etats-Unis de se voir embourbés dans de nouvelles guerres après les défaites militaires qu’ils ont encaissées, eux et leurs alliés, en Iraq et en Afghanistan, et -en raison de leurs liens organiques avec l’entité sioniste- des celles encaissées par les Israéliens au Liban et à Gaza.
Elle trouve également d'importants arguments dans le fait que les Américains, connus par leur empressement à lancer des guerres préemptives et préventives, sont plus enclins à rester dans les lignes arrières dans des guerres où leurs alliés occidentaux participent directement, comme dans la guerre contre la Lybie, s'y lancent à leur propre compte, comme dans l'intervention française au Mali, ou pèsent de tout leur poids en fournissant pour les attiser tout genre de soutien politique, médiatique, financier, en armes et en hommes, comme c'est le cas dans la guerre contre la Syrie.
Pourtant, tous ces arguments ne suffisent pas pour dire que les Etats-Unis ont ou sont en train de déserter une région si stratégique du point de vue de sa situation géographique et de ses ressources énergétiques. Il vaut mieux dire plutôt qu'ils ont tiré les leçons de leurs défaites sans que cela ne les empêchent de poursuivre leurs guerres par d'autres moyens qui pourraient être plus efficaces et plus destructeurs pour les peuples de la région que les guerres classiques.
Sur ce plan, et ce sont les Américains eux-mêmes qui le disent à haute voix, ces autres moyens consistent dans la guerre soft, secrète ou indirecte. Mais ce qui est encore plus dangereux consiste dans les politiques adoptées par des régimes arabes qui se considèrent comme les alliés stratégiques des Etats-Unis. Ces politiques sont l'application stricte et rigoureuse de dictats américains qui touchent tous les secteurs de l'activité politique, économique, sécuritaire, sociale et culturelle dans les pays gouvernés par ces régimes.
Ce sont ces politiques qui se sont concrétisées dans des positions, phénomènes et faits comme l'étranglement des régimes dits progressistes, la signature de traités de paix et la normalisation avec l'entité sioniste, le lancement de la première guerre du Golfe contre l'Iran, l'entassement infructueux des richesses arabes dans les banques occidentales, l'application des directives occidentales et sionistes dans les domaines du développement, de l'éducation, de l'art, de la culture et même dans l'interprétation des Textes sacrés de l'Islam de sorte à servir les intérêts de l'Occident et de l'entité sioniste.
Il va de soi que ces politiques sont les premières responsables du lamentable état de croupissement qui frappe les sociétés arabes sur tous les plans à commencer par l'abandon quasi-total de la cause palestinienne et à finir par le profond fossé sur le plan des revenus entre une petite minorité qui patauge dans l'aisance et une grande majorité qui souffre de la pauvreté, du chômage, de la marginalisation et de l'obstruction totale des horizons.
Si la plupart des «révolutions» arabes ont répandu un climat d'espoir quant à la résurrection des causes historiques et à l'affranchissement des peuples arabes vis-à-vis de leurs conditions sociales extrêmement étouffantes, elles n'ont pas tardé au contraire d'engendrer des crises et des discordes qui servent directement le projet israélo-américain.
N'est-il pas par exemple saillant que les masses arabes qui vivaient, il y a cinquante ans un état d'effervescence unificatrice et de libération hostile à l'impérialisme et à l'entité sioniste, sont maintenant dans l'incapacité de refuser et de mettre en échec les politiques dictées aux régimes par l'impérialisme et l'entité sioniste?
Ne devrions-nous pas être encore plus pessimistes face à ces positionnements confessionnalistes, sectaires et takfiristes dont les modes de pensée et d'action en rupture avec toute logique religieuse susceptible de construire des institutions et des Etats ou de faire autre chose que de déblayer le terrain aux plans de dissolution et du chaos?
Ces faits et biens d'autres faits semblables ne consolident-ils pas la seconde hypothèse selon laquelle beaucoup d'Arabes, régimes et individus, servent les plans israélo-américains d'une manière dont l'efficacité dépasse tout ce que les Américains et les Israéliens pourraient faire pour faire aboutir leurs plans?
Au lieu de perdre le temps à se demander inutilement si les Etats-Unis fuient la région ou y renforcent leurs positions, surtout à un moment où les ouragans destructeurs commencent à souffler dans tous les pays arabes de manière non moins violente que celle qui frappe la Syrie depuis plus de deux ans, ces peuples ne devraient-ils pas se saisir, faire la distinction entre leurs amis et leurs ennemis, et récupérer la raison, la responsabilité, la noblesse de cœur et les autres valeurs dont l'abandon a conduit à cet état de chute vécu par les Arabes depuis de longs siècles?
Akil Cheikh Hussein
Source: moqawama.org