Jusqu’à présent, la question était tabou et les rebelles de toutes obédiences cherchaient à masquer leurs divergences.
Jusqu'à présent, la question était tabou et les rebelles de toutes obédiences cherchaient à masquer leurs divergences, mais l'adhésion publique cette semaine du Front Al Nosra à Al-Qaïda a mis le feu aux poudres.
"En Syrie, nous avons lancé le « jihad » (guerre sainte) contre le régime (...), pas pour prêter allégeance à X ou Y ni pour qu'on impose à nos frères et notre peuple des choses malgré eux", a fait savoir le Front islamique de libération de la Syrie (FILS).
Comptant dans ses rangs des Frères musulmans, des indépendants et des salafistes, le FILS regroupe une vingtaine de bataillons sous l'ombrelle de l'Armée syrienne libre (ASL), comme le Liwa Al-Tawhid, Liwa Al-Islam ou les brigades Al-Farouk.
Le communiqué du FILS s'en prend même, sans le nommer, au chef d'Al-Qaïda, en déclarant que "faire allégeance à quelqu'un qui ne comprend pas notre réalité ne sert ni notre peuple ni notre nation".
Cela fait tort à la rébellion
Si les salafistes du Front islamique syrien (FIS), dont la principale composante est Ahrar al Cham, n'ont pas réagi officiellement, leur "parrain idéologique" Abou Bassir al-Tartousi a estimé qu'annoncer son rattachement à Al-Qaïda était une provocation qui lésait la rébellion.
"Nous défendons les principes de l'islam, à savoir l'Etat islamique (…) mais il faut éviter toutes référence à certains noms qui suscitent une vive réaction du monde contre le peuple de Syrie", a-t-il déclaré mercredi.
"Tu n'as pas besoin de dire que tu appartiens à ce nom (Al-Qaïda), ou que tu es en train de combattre sous cette bannière. Personne ne t'y oblige: ni la charia, ni le bon sens, ni la politique, quand tu sais que cela va faire du tort au peuple de Syrie et que cela aidera le tyran" Bachar al-Assad, a-t-il ajouté.
Nosra veut passer au statut du leader politique de la rébellion
"Pour les salafistes syriens, les déclarations de Zawahiri et d'al-Baghdadi (chef d'Al-Qaïda en Irak) suggèrent qu'al-Nosra veut passer du statut de force militaire rebelle parmi d'autres à celui de leader politique de l'insurrection, ce qui est évidemment inacceptable pour eux", estime Thomas Pierret, un spécialiste de la rébellion syrienne.
"Pour la première fois, les salafistes ont un reproche tangible à formuler à l'endroit d'Al-Qaïda en Syrie. Cela peut se résumer ainsi: +Qui êtes-vous pour proclamer l'Etat islamique alors qu'Assad n'est pas encore tombé, et surtout qui êtes-vous pour vous auto-désigner comme ses leaders?+", ajoute-t-il.
Les « prouesses » militaires du Front al-Nosra ont longtemps fait taire les dissensions même si sur le terrain, des accrochages ponctuels entre des combattants de la brigade al-Farouq, eux-même salafistes, et al-Nosra ont été signalés, comme à Tal al-Abyad dans la province de Raqa (nord).