Entrée en vigueur, la loi anti voile intégral dans les lieux publics commence à faire des remous, au sein des femmes concernées, des militants pour la liberté, voire de ceux qui devraient la faire appliquer : les policiers.
Préférant généralement rester chez elle, les femmes en « burqa » de France sont descendues dans les rues.
Pas toutes les 2000 (selon le chiffre officiel). Quelques-unes seulement, et précisément deux, accompagnées d’une dizaine de manifestants sympathisants..
Elles comptent rendre difficile l’application d’une loi votée en octobre 2010, et qui vient d’entrer en vigueur ce lundi, interdisant l’accès aux lieux publics aux femmes portant le voile intégrale.
Bien entendu, leur présence devant Notre Dame de Paris a soulevé un déferlement médiatique.
S’exprimant au micro d’Europe un, l’une d’entre elle, Kenza Drider, 32 ans, en niqab brun et beige, arrivée d'Avignon lundi matin pour participer à une émission de télévision, affirme qu'elle veut appliquer ses "droits en tant que citoyenne française", se défendant de toute "provocation". Kenza Drider a précisé que si elle était "verbalisée", elle "prendrait l'amende". Elle prévient néanmoins qu’"en tant que citoyenne française (...)", elle sera "dans l'obligation de faire un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme".
Sans tarder, les deux femmes ont été interpellées. Ainsi qu’une troisième, en voile non intégral.
Mais, ironie du sort, leur grief n’est pas le port du voile intégral, mais d’avoir participé à une manifestation non déclarée, s’est empressé d’expliquer Alexis Marsan, commissaire divisionnaire à l'ordre public, apparemment agacé.
"Nous voulions nous faire verbaliser pour port du niqab, mais la police n'a pas voulu nous dresser un PV", a lancé l'organisateur du rassemblement, Rachid Nekkaz, de l'association Touche pas à ma constitution. Lui aussi a été interpellé.
Appel à la désobéissance civile, les amendes seront payées
Homme politique au PS, cet entrepreneur d’origine algérienne a fait monter d’un cran cette affaire, invitant les femmes en burqa à la désobéissance civile. Les rassurant d’un « n’ayez-pas peur ! ».
Reliant l’acte à la parole, il a lancé un fonds d’un million d’euros qui financera les amendes des femmes portant le voile intégral dans la rue, en France et en Belgique.
Selon la loi, ces femmes risquent d’écoper d’une amende de 150 euros, aussi bien dans les lieux publics que dans la rue.
Ce qui est inacceptable pour ce chef d’entreprise et propriétaire immobilier, candidat à l’élection présidentielle de 2007 : « Cette loi doit compter pour du beurre, car lorsque nous commençons à renier les libertés dans la rue, la vigilance sur les principes se relâchent et tout devient possible, surtout le pire ».
Le Conseil d’Etat a déjà donné à deux reprises sa position sur ce projet de Loi qui vient d’être voté en premier lecture au Sénat, le 14 septembre. Elle ne répond pas aux exigences constitutionnelles. De plus, l’interdiction dans la rue ne figurait pas parmi les propositions de la commission d’enquête parlementaire menée par le Député Guérin.
Selon Nekkaz, c’est le Président de la République qui a pris, de son propre chef, l’initiative d’affecter les libertés dans l’espace public pour légiférer sur les 500 à 2 000 femmes portant le voile intégral en France.
« Cet acte de délinquance constitutionnelle du Président Sarkozy n’augure rien de bon, et c’est le rôle de citoyens courageux, qui ont les moyens, de le contrer » dit il.
Le fonds créé pour financer les amendes des femmes verbalisées pour avoir porté le voile intégral dans la rue, en France et en Belgique, a déjà recueilli près de 62 800 euros. Rachid Nekkaz et son épouse, chrétienne d’origine américaine, ont par ailleurs déjà apporté 200 000 euros au fonds de solidarité et ont mis en vente un bien immobilier d’une valeur d’un million d’euros, en région parisienne, pour permettre de financer les amendes « sur au moins deux ans ».
Pourquoi en appeler ainsi à la désobéissance civile ?
« Lorsqu’une Loi est injuste, nous devons nous organiser pour que ce simple fait soit reconnu. Je suis personnellement totalement opposé au niqab (voile intégral), mais je me battrai pour que, dans la rue, patrimoine universel de la liberté, ce bien universel et sacré, chaque individu puisse être libre de ses choix, et donc pour que celles qui le souhaitent puissent se vêtir comme elles le veulent. Elles ne doivent donc pas avoir peur de cette Loi qui n’a comme vocation que d’être anxiogène et de diviser les Français. Chaque femme qui portera le voile intégral dans la rue n’aura qu’à nous transmettre son amende que nous nous chargerons de payer au Trésor Public » s’explique M. Nekkaz.
La police aussi n’en veut pas non plus de cette loi
Leurs syndicats la jugent déjà « difficile à appliquer ». Selon le journal Le Monde, techniquement, les policiers ne peuvent pas faire ôter leur voile aux personnes récalcitrantes.
"Au-delà du contrôle d'identité déjà difficile à mettre en place, faire appliquer l'interdiction totale du voile islamique dans des quartiers où il y a souvent une grosse communauté musulmane, c'est presque impossible", explique au Monde Philippe Capon, secrétaire général du syndicat UNSA-Police.
"Les policiers ont des missions importantes, qui concernent les crimes et les délits, on ne va pas dépenser toute notre énergie pour une simple contravention », renchérit Frédéric Lagache, secrétaire général du syndicat Alliance, pourtant de sensibilité proche de l'UMP.
Sur le terrain, la "majorité des collègues trouvent cette loi complètement ridicule", d'après Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police.
Pour lui, il n'est "pas question de perdre son temps sur ce genre de délit alors qu'on manque par ailleurs d'effectifs pour assurer la sécurité dans de nombreuses zones de non droit". Le syndicaliste parle même d'une "mascarade", qui risque de multiplier les démonstrations de provocation.
Selon Le Monde, les syndicats sont unanimes : tous redoutent de voir les fonctionnaires de police mis en danger à cause de cette loi. Pour le syndicat France Police, il est évident qu'en cas d'interpellation, "dans certains quartier, le ton va monter, provoquer des attroupements, et cela créera un trouble à l'ordre public plus important que si on laissait ces femmes circuler simplement".
Plus généralement, les syndicats de police refusent de faire les frais d'un "climat politique actuel lourd de conséquences".
Côté gouvernement , c’est la sourde oreille.
« La loi sera respectée » a affirmé avec obstination le ministre de l’intérieur français, Claude Guéant, en marge du sommet européen des ministres de l'intérieur à Luxembourg.
Côté musulman ou arabe, c’est un silence de mort qui sévit inexplicablement, depuis l’adoption de cette loi.
Serait-ce par souci de non-ingérence? Un souci que ne partagent pas les régimes occidentaux qui s’immiscent dans tout et rien chez eux !!
Sources : Le Monde ; Europe un ; Alter info