Pour Michel Aoun, "un gouvernement apolitique est anticonstitutionnel".
Selon des sources concordantes, le président de la République, Michel Sleiman, a fortement conseillé au Premier ministre désigné, Tammam Salam, lors de leur rencontre mardi, de changer son approche dans le processus de formation du cabinet.
Il lui a demandé de se concerter avec les différents partis appelés à siéger au gouvernement au sujet des noms de leurs ministres respectifs.
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a adopté une position similaire, estimant que le «gouvernement du fait accompli» risque de plonger le pays dans une grave crise et que de toute façon, une telle formule n’obtiendrait pas la confiance au Parlement.
Le 8-Mars et le Courant patriotique libre ont soupçonné M. Salam de vouloir sciemment provoquer une crise, partant du principe que même si le gouvernement n’obtenait pas la confiance du Parlement, il gèrerait les affaires courantes à la place des ministres du gouvernement Mikati. Le président de la Chambre, M. Nabih Berry, a catégoriquement rejeté un tel scénario et a fait parvenir au Premier ministre désigné de fermes reproches.
Devant toutes ces réactions négatives suscitées par son approche, M. Salam a changé de tactique. Selon le quotidien Al Akhbar, le Premier ministre désigné, qui refusait le principe même de la concertation –sauf avec l’ancien chef du gouvernement Fouad Siniora- a fait marche arrière et a demandé aux différents partis de lui remettre des listes de ministrables.
Après sa rencontre avec le chef de l’Etat, M. Salam a déclaré: «Pas de précipitation, mais pas de retard non plus dans la mise en place du nouveau gouvernement car le pays en a besoin. J’espère que l’unanimité qui s’est formée au moment de la désignation donnera des résultats». Il a affirmé, devant des journalistes qu’il a reçus, que «notre route continue et qu’elle ne s’arrêtera pas car nous attend l’organisation des élections parlementaires».
Pour sa part, le chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, a réaffirmé sa ferme opposition à la formation d’un cabinet de technocrates, jugeant qu’«un gouvernement apolitique est anticonstitutionnel».
Il semble donc que l’idée d’un gouvernement «neutre» ait été abandonnée par M. Salam, qui a fait un pas en direction du 8-Mars et du CPL. Mais ce petit pas n’est pas suffisant pour débloquer la situation gouvernementale, car un autre problème de taille va surgir: celui de la répartition des portefeuilles. A ce sujet, le Premier ministre désigné s’est prononcé en faveur d’une rotation des portefeuilles, estimant qu’aucun ministère ne doit être monopolisé par une communauté bien déterminée. Le CPL soupçonne que ces propos le visent en particulier, l’objectif étant de le priver des ministères du Pétrole et des Télécommunications.
Ceci dit, de nombreux analystes pensent que le gouvernement, censé superviser les élections législatives, ne pourra pas être formé avant l’élaboration d’une nouvelle loi électorale. Or les contacts viennent tout juste de reprendre entre les membres de la sous-commission parlementaire électorale et aucun progrès n’a encore été réalisé dans l’adoption d’une loi consensuelle.
Si les élections sont reportées, le nouveau gouvernement n’aura rien à superviser, et sa formation prendra, par conséquent, beaucoup plus de temps.
Mediarama