"La Jordanie a été forcée à franchir le pas pour des raisons économiques ainsi que par peur de voir le sud de la Syrie devenir un paradis pour jihadistes".
La Jordanie se trouve entraînée "de force" dans le conflit syrien avec le renforcement des troupes américaines dans le royaume, selon des analystes, sur fond de mise en garde du président syrien Bachar al-Assad à son voisin, accusé d'apporter son soutien aux rebelles.
"On nous a forcés à entrer dans le conflit", estime l'analyste politique jordanien Labib Kamhawi.
La mauvaise situation économique du pays "a été utilisée pour mettre la pression sur le royaume afin qu'il ait un rôle plus actif dans le conflit", ajoute-t-il à l'AFP, en référence à l'aide économique et militaire très importante que les Etats-Unis fournissent à Amman.
Mercredi, le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a annoncé un renforcement du dispositif militaire américain en Jordanie, pour le faire passer à plus de 200 hommes.
Les Etats-Unis avaient annoncé en octobre dernier qu'une équipe d'environ 150 militaires avait été déployée en Jordanie pour être notamment prêts à agir si le régime du président Assad perdait le contrôle de ses armes chimiques.
Washington et ses alliés veulent à tout prix empêcher que, dans le chaos croissant de la guerre civile, ces stocks ne tombent entre les mains d'extrémistes islamistes.
Le porte-parole du gouvernement jordanien Mohamed Momani a déclaré jeudi à l'AFP que les troupes américaines étaient dans le royaume "pour renforcer les forces armées jordaniennes face à la situation en Syrie qui se détériore".
"La Jordanie dément les informations de presse selon lesquelles elle laisse entrer les rebelles en Syrie, mais clairement Amman a changé de position, ce qui a provoqué une réaction de colère" de la Syrie, a indiqué l'analyste Oraib Rintawi à l'AFP.
Dans une interview à une télévision officielle diffusée mercredi, M. Assad a prévenu que la guerre civile dans son pays pourrait gagner la Jordanie voisine, qu'il accuse d'entraîner les combattants rebelles et de faciliter l'entrée de "milliers" d'entre eux en Syrie.
"L'incendie ne s'arrêtera pas à nos frontières, tout le monde sait que la Jordanie est aussi exposée (à la crise) que la Syrie", a-t-il prévenu.
Selon Rintawi, qui dirige le Centre d'études politiques Al-Quds, Amman a résisté deux ans aux pressions.
Raisons économiques
"Mais maintenant, je pense que ce n'est plus le cas, même si un rôle plus important de la Jordanie en Syrie n'est pas forcément dans l'intérêt du pays.
Résister aux pressions, notamment de l'Arabie saoudite et du Qatar (principaux soutiens de la rébellion, ndlr) a été coûteux (financièrement) pour la Jordanie, mais en même temps c'était un choix sage", a-t-il ajouté.
"La Jordanie a été forcée à franchir le pas pour des raisons économiques ainsi que par peur de voir le sud de la Syrie devenir un paradis pour jihadistes", indique-t-il.
Pour lui cependant, les Etats-Unis ont pris la décision de renforcer leurs troupes dans le royaume "par précaution. Rien de plus".
La Jordanie, qui dit accueillir sur son sol plus de 500.000 réfugiés, a cependant voulu souligner qu'elle était opposée à toute intervention militaire chez son voisin.
"Notre position concernant la situation en Syrie n'a pas changé. Nous sommes toujours contre toute intervention militaire en Syrie", a indiqué Momani à l'AFP.
Pour l'analyste Mamoun Abou Nouwar, un général à la retraite, la mobilisation de troupes américaines à la frontière pourrait provoquer Damas.
"Le régime syrien pourrait avoir recours à des frappes militaires préventives. L'utilisation d'armes chimiques est une possibilité", estime-t-il.
"La Jordanie a été entraînée dans tout ça, principalement pour des raisons économiques. Publiquement, la Jordanie affirme être contre une intervention militaire mais en réalité les choses sont bien différentes", ajoute-t-il.
"La meilleure option à mon avis est l'endiguement, ainsi que l'armement modéré des groupes d'opposition", selon lui.