Pour Human Rights Watch, Ouattara devra ouvrir une enquête sur les graves exactions commises par les deux camps et veiller à ce que les responsables à tous les niveaux soient poursuivis en justice.
Le nouveau gouvernement devra mener des enquêtes et poursuivre en justice les auteurs des atrocités perpétrées par les deux camps.
Les forces loyales au président élu Alassane Ouattara ont tué des centaines de civils, violé plus de 20 femmes et filles perçues comme appartenant au camp de son rival, Laurent Gbagbo, et incendié au moins 10 villages dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, a déclaré Human Rights Watch, le samedi 9 avril.
Les forces loyales au président Gbagbo ont, quant à elles, tué plus de 100 partisans présumés de Ouattara lors de l'avancée de ses forces pendant la campagne de mars.
Dès son accession au pouvoir, Alassane Ouattara devra de toute urgence ouvrir une enquête crédible et impartiale sur les graves exactions commises par les deux camps et veiller à ce que les responsables à tous les niveaux soient poursuivis en justice, a ajouté Human Rights Watch.
Les personnes avec qui Human Rights Watch s'est entretenu ont décrit comment, village après village, les forces pro-Ouattara, maintenant appelées les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), ont sommairement exécuté et violé des partisans supposés de Laurent Gbagbo, alors qu'ils étaient chez eux, qu'ils travaillaient dans les champs, qu'ils fuyaient ou tentaient de se cacher dans la brousse.
Les combattants ont souvent sélectionné leurs victimes en fonction de leur origine ethnique et les attaques ont touché de façon disproportionnée les personnes trop âgées ou trop faibles pour fuir.
« Ce n'est pas en tuant et violant des civils que les forces d'Alassane Ouattara devraient mettre fin à ce conflit », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Il faut, pour que la Côte d'Ivoire puisse émerger de cette effroyable période, qu'Alassane Ouattara respecte son engagement public d'enquêter sur les violences perpétrées par les deux parties et de poursuivre leurs auteurs en justice. »
Dans un cas particulièrement atroce, des centaines de civils de l'ethnie Guéré, perçus comme des partisans de Laurent Gbagbo, ont été massacrés dans la ville de Duékoué, dans l'ouest du pays, par un groupe constitué de diverses forces pro-Ouattara, dont des unités des Forces Républicaines, lesquelles sont sous le haut commandement du premier ministre d'Alassane Ouattara, Guillaume Soro.
Trois chercheurs de Human Rights Watch ont mené des enquêtes dans la région de Grand Gedeh, au Libéria, du 26 mars au 7 avril. Ils se sont entretenus avec plus 120 victimes et témoins de violations des droits humains commises par les forces des deux camps dans la région de l'extrême ouest de la Côte d'Ivoire.
Plus de 40 000 Ivoiriens ont fui vers le Grand Gedeh en raison des combats. Human Rights Watch a également interviewé par téléphone près de 20 victimes et témoins encore présents à Guiglo, Duékoué et Bloléquin, à l'extrême ouest du pays.
Human Rights Watch a également recueilli des preuves de nombreuses atrocités récemment commises par les forces pro-Gbagbo, y compris le massacre à Bloléquin, le 28 mars, d'une centaine d'hommes, de femmes et d'enfants originaires du nord de la Côte d'Ivoire et de pays voisins d'Afrique occidentale ; les meurtres de 10 autres Ivoiriens du nord et immigrés ouest-africains dans la ville de Guiglo, le 29 mars ; ainsi que les meurtres de huit Togolais dans un village à proximité de Bloléquin à la mi-mars.
« Pour comprendre les événements tragiques qui se déroulent en Côte d'Ivoire, on ne peut schématiser selon un simple clivage nord-sud, ou selon une démarcation entre les partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara », a commenté Daniel Bekele. « Dans les deux camps, il y en a qui, malheureusement, accordent peu de valeur à la dignité de la vie humaine. »
Human Rights Watch a appelé Alassane Ouattara à prendre des mesures décisives pour remédier aux violations graves du droit international commises par toutes les forces, et à empêcher d'autres actes de représailles et de punition collective. Human Rights Watch a également exhorté Ouattara à ordonner de toute urgence l'ouverture d'enquêtes et l'engagement de poursuites contre tous les responsables d'exactions, afin de rompre avec le cycle de l'impunité qui sévit depuis longtemps en Côte d'Ivoire.
« Alors que la communauté internationale portait son attention sur l'impasse politique à Abidjan autour de la question de la présidence, les forces des deux camps ont commis de nombreuses atrocités contre des civils, leurs dirigeants se montrant peu soucieux de contrôler leurs troupes », a conclu Daniel Bekele. « Ouattara devrait faire clairement comprendre à Guillaume Soro et aux Forces républicaines que de tels actes seront sévèrement punis par la justice ivoirienne ou par un tribunal international. »
Human Rights Watch