23-11-2024 01:09 AM Jerusalem Timing

Au Pakistan, les partis, menacés, inondent les télévisions à coups de millions

Au Pakistan, les partis, menacés, inondent les télévisions à coups de millions

Pour la première fois, la commission électorale (ECP) a plafonné les dépenses de publicité des candidats, pour ne pas désavantager les plus pauvres. Mais elle n’a pas limité les dépenses des partis...


  
Echaudés par les menaces d'attaques, les partis politiques pakistanais font moins campagne dans les rues qu'à la télévision, versant des millions de dollars à des chaînes dociles pour séduire les électeurs d'ici aux législatives du 11 mai.
  
En 2002, juste avant la libéralisation des médias entamée en 2002 par le président d'alors Pervez Musharraf, le Pakistan ne comptait que trois chaînes de télévision, toutes publiques. Onze ans plus tard, le secteur a explosé, et elles sont plus de 80 de toutes sortes.
  
Dans les années 2000, elles symbolisaient l'essor de la liberté d'expression dans ce vaste pays musulman conservateur. Mais la campagne électorale de cette année, d'une ampleur inédite à la télévision, rime surtout avec business.
  
Car la loi du marché y est souvent prédominante : ce sont ceux qui donnent le plus qui ont le plus de temps d'antenne garanti en retour, expliquent  plusieurs responsables de télévisions.
  
Clinquants et colorés, les "messages payés" des partis diffusés nuit et jour rivalisent de promesses de combattre les multiples fléaux s'abattant sur le Pakistan, ponctués par les bruyants jingles nationalistes des chants de campagne.
  
Si internet a encore une diffusion limitée dans ce pays, notamment dans les campagnes, plus de 60% des 180 millions de Pakistanais ont accès à la télévision, selon l'Association des publicitaires du Pakistan.
  
Pour une chaîne de rang intermédiaire, une minute de publicité est facturée en moyenne 460 à 500 dollars en prime time (18h-minuit) et 250 à 300 dollars dans le reste de la journée, précise un cadre d"une chaîne de télévision ayant requis l'anonymat.
  
Pour les grandes chaînes, les prix atteignent 2.200 dollars la minute entre 21h et 22h, précise un responsable du secteur. Une fortune, dans un pays où le salaire minimum avoisine la centaine de dollars.
  
Selon ce cadre, les trois principaux partis politiques pakistanais (PPP, PML-N et PTI) dépensent chaque jour 300.000 dollars en spots de campagne télévisés.
  
Au pouvoir ces cinq dernières années, le Parti du peuple pakistanais (PPP) y joue sur l'émotion, mettant en avant son icône Benazir Bhutto avec des images de son assassinat pendant un meeting électoral en 2007 et de son fils Bilawal, symbole de l'avenir du pays et du parti.
  
Favori des sondages, son principal concurrent, la Ligue musulmane (PML-N) met en avant son leader Nawaz Sharif, déjà deux fois Premier ministre par le passé, décrit comme un homme d'Etat, un bâtisseur qui saura redresser l'économie défaillante, salué par une nuées de drapeaux.
  
Quant à l'ex-star du cricket Imran Khan, l'homme qui monte et espère frapper un grand coup le 11 mai, il promet aux électeurs un "nouveau Pakistan" : il apparaît pour cela armé du symbole électoral de son parti (le PTI), une batte de cricket censée porter un coup décisif au fléau omniprésent de la corruption et propulser le pays vers les sommets.
 
En raison des menaces des talibans pesant sur les partis sortants, MM. Khan et Sharif sont les seuls leaders de formations politiques à faire de grands meetings.
  
Et ils sont également les plus présents à la télévision, à la différence du PPP, plombé par son bilan et qui semble résigné.
  
"Ce sont le PTI et le PML-N qui dépensent le plus", note ainsi Bilal Agha, directeur général de Dawn News, l'une des plus grandes chaînes de télévision locales. Mais il assure que sa chaîne n'a pas de favori, pour une raison simple : "C'est celui qui paye le plus qui aura le plus de spots diffusés".
  
Pour la première fois, la commission électorale (ECP) a plafonné les dépenses de publicité des candidats, pour ne pas désavantager les plus pauvres. Mais elle n'a pas limité les dépenses des partis...
  
Un cadre d'une télévision locale a, quant à lui, raconté sous le couvert de l'anonymat à l'AFP que ses patrons demandaient à leurs journalistes de couvrir tous les meetings du PTI car il donnait beaucoup à la chaîne pour qu'elle diffuse ses spots de campagne. Sur d'autres chaînes, on mettait en avant M. Sharif.
  
Récemment, une présentatrice de télévision vedette, Sana Bucha, a claqué la porte de sa chaîne privée. "Pour ces élections au Pakistan, tout le monde - des chaînes aux présentateurs - est à vendre. Je refuse de me mettre un prix sur le dos", a-t-elle twitté.