Des groupes d’al-Qaïda ont imposé leur mode de vie et de pensée incompatible avec la nature de ces villes mixtes.
Par Nidal Hamadi, journaliste libanais originaire du Hermel
La ville de Qousseir située sur le fleuve de l’Oronte ne s’attendait jamais à ce qui lui est arrivé il y a presque deux ans, surtout par rapport au conflit confessionnel qui la ravage alors qu’elle est connue pour son tissu social diversifié. Sa population, toutes confessions confondues, coexiste pacifiquement depuis des centaines d'années.
Mais actuellement, elle semble vivre le pire des cauchemars, en raison de l'arrivée de milliers de takfiris (de la Somalie, la Libye, la Tunisie, du Daghestan et des groupes d’al-Qaïda) qui ont imposé leur mode de vie et de pensée incompatible avec la nature des villes et des villages entourant les rives de l'Oronte.
Loin de tous les slogans de la liberté et de la démocratie, ces takfiris ont fait de Qousseir un « Emirat islamique » pour propager leurs idées idéologiques et sectaires.
La ville de Qousseir a connu un essor économique très important dans les trente dernières années à la différence des régions avoisinantes. Ce développement a eu lieu grâce à sa proximité géographique de la ville de Hermel (Liban nord-Est) où un millier de travailleurs syriens pénètrent chaque matin pour y travailler. Dans cette ville libanaise, ils peuvent bénéficier de revenus plus grands qu’à Qousseir en raison de la différence de niveau de vie.
Par ailleurs, les relations entre les deux villes ont évolué après les mariages mixtes entre les familles. Actuellement, des milliers d’habitants syriens proches des commandants des groupes armés criminels en Syrie se sont réfugiés dans les villages du Hermel (alMasriya, Hosh Sayed Ali, Moaysra et Zayta) et y vivent tranquillement malgré la mort de plusieurs jeunes habitants dans cette région dominée par des partisans du Hezbollah.
La presse n’a rien publié sur les débuts de la propagation du courant takfiri en 2012 dans la ville de Qousseir, simultanément à une action sectaire organisée entamée à Homs. Celle-ci a connu plusieurs cas d’enlèvements de ses jeunes. Les familles m’ont chargé de transmettre les noms de leurs fils à certains dirigeants de l’opposition syrienne que je connais.
On accusait surtout un certain Mohammed Saqr Khalif de responsabilité des
enlèvements sectaires à Homs, mais Khalif a informé les médiateurs que les
jeunes enlevés de la famille (Dom) ont été exécutés et que tous les infidèles
et les apostats qui ne quitteront pas la ville connaitront le même sort. Mohammed Saqr Khalif était le commandant du premier groupe takfiri formé à Homs et dans sa banlieue avant le grand massacre sectaire à la mi-2012 et l’expulsion de la population vers la fin 2012. Je me rappelle avoir rencontré dans une conférence de presse tenue à Paris le président du conseil national syrien (opposition) Bourhan Ghalioun, originaire de Homs. Je lui ai posé des questions sur le nettoyage sectaire là-bas, mais il a refusé de condamner ces actes.
Cependant, la situation à Qousseir fut plus dangereuse et plus délicate. Cette ville est entourée de villages syriens pro-régime, et des villages habités par des Libanais chiites, et qui se trouvent à l’intérieur du territoire syrien dû à la division imposée par la France dans les années quarante du siècle dernier. Je ne cache pas un secret si je vous dis que l'auteur de ces lignes lui-même y a des proches, des propriétés et des maisons remontant à deux cents ans.
Depuis le début de l'année 2012, l’Etat syrien a perdu le contrôle sur la ville de Qousseir. Elle est devenue peu à peu similaire à un Emirat islamique avec l'afflux de centaines d'étrangers takfiris. Le premier incident sectaire qu’a connu la ville fut l’incendie d’une pharmacie d’un Syrien de la famille (Hamadi) qui a refusé de fermer sa pharmacie et de participer à des manifestations anti-régime. Peu de temps après, les partisans du régime, les personnes ayant adopté une position neutre parmi les chrétiens et les chiites ont été chassées de la ville après la multiplication de meurtres contre elles.
Après le nettoyage sectaire de la ville, les éléments takfiris, principalement étrangers, ont essayé de prendre le contrôle du rif de Qousseir, notamment la partie Ouest du fleuve de l’Oronte, où résident des Libanais du Hermel. Alors que les habitants des villages suivants en ont été chassés : (Abu Houry, alHammam, AlAzniyeh, alFadliyeh, Ain Damamel, Sakarjah, alNahriyeh). Ces villages sont en contact direct avec la ville du Hermel. Les hommes armés takfiris ont établi un système militaire complet à Sakarjah, alNahriyeh , qui sont devenus une ligne d’affrontements quotidiens avec les habitants du Hermel jusqu’en avril dernier, date d’expulsion des groupes armés de la région.
En cette période ont commencé les enlèvements et les assassinats sectaires contre les fils du Hermel qui travaillent dans le commerce ou les conducteurs de transport en commun sur les deux côtés de la frontière. La première victime fut un jeune du Hermel (Mohammed Samir Blaybel). Il a été enlevé à Qousseir et c’est seulement lors d’un échange de détenus entre la famille libanaise Jaafar et les groupes armés que son sort a été connu. Des kidnappés ont reconnu que ledit jeune a été enlevé par le dirigeant des groupes armés Mostapha Saleh Amer connu pour les opérations de meurtres et de décapitation. En ce jour, le Hezbollah est intervenu au Hermel pour prévenir un dangereux conflit sectaire dans le pays surtout que plus de 600 familles syriennes se sont réfugiées dans ladite ville. Sachant que seuls 10% des réfugiés sont des musulmans chiites et que Mostapha Amer fréquentait la ville libanaise d’Ersal.
Ces actes d’enlèvements se sont multipliés. Jaafar Medlej a été enlevé et tué, ainsi que Mohammad Abed Abbas qui a été liquidé. Une autre personne de la famille Zoayter a également été enlevée. Cet homme a été
remis à sa famille coupé en morceaux dans un sac en plastique. Tout au
long de cette période, le seul facteur qui calmait la situation fut le
Hezbollah qui a dirigé plusieurs opérations d’échange de prisonniers entre la
famille Jaafar et les groupes armés à Sakarjah. De plus, une personne de la
famille Jaafar a été enlevée dans la localité d’Ersal au nord de la Békaa, qui
constitue une base d'approvisionnement pour les militants à Qousseir et à Homs.
Ces attaques ont coïncidé avec l’afflux de plus de 17000 miliciens takfiris à la frontière avec le Hermel, dont la plupart sont venus de l'extérieur du Moyen-Orient. Une sorte de front a ensuite commencé à se former à la frontière avec le Hermel. Les habitants de la ville entendaient les miliciens proférant leurs menaces contre eux via des haut-parleurs. Ils pouvaient bien discerner leurs dialectes tunisiens, libyens et des pays du Golfe, alors qu’ils menaçaient de prendre d’assaut la ville et de tuer les hommes et les femmes.
Au cours de l'année écoulée, la ville est devenue un front de guerre réelle entre les habitants du Hermel et les hommes armés.
En mois d'Avril dernier, un terrible développement est survenu dans cette région avec la prise de contrôle par les insurgés de la colline stratégique de Tall Mando qui donne sur la région du bassin de l’Oronte.
Les groupes armés ont liquidé de sang-froid des soldats de l’armée arabe syrienne, et ont poursuivi leurs attaques contre des villages chiites dont les habitants étaient menacés d’expulsion.
L’objectif des groupes armés était d’assiéger la ville du Hermel du côté de la Syrie à Qousseir et de la partie du nord libanais où des affrontements entre la famille Jaafar et des groupes armés en Syrie ont lieu fréquemment.
Face à cette situation, la politique de dissociation est devenue une
politique suicidaire, au moment où de multiples forces de la coalition du 14
mars et des groupes salafistes participent à la bataille en Syrie, ce conflit
qui est devenu une guerre d’expulsion et un génocide sectaire qui n’a rien à
voir avec les revendications de réformes en Syrie.
Dans ce contexte,
la résistance et ses partisans se sont trouvés obligés de faire face à une
guerre qui leur a été imposé.
Ils ont ainsi décidé de combattre héroïquement et courageusement,
jusqu’à ce que l’armée syrienne tranche la bataille et chasse les groupes
étrangers de ce territoire.