Les candidats iraniens aux élections ont présenté leur vision culturelle et sociale. D’aucuns ont critiqué les mesures restrictives à la presse et au cinéma.
La culture et les questions sociales étaient au rendez-vous du deuxième débat télévisé entre les huit candidats à la présidentielle iranienne qui devrait avoir lieu le 24 juin prochain.
Derrière des tribunes blanches, avec un fond illustrant le drapeau iranien, et surplombé par un verset coranique: " ceux qui entendent la parole et suivent la meilleure", chacun des prétendants se devait de passer à la barre, de donner sa vision avant d’écouter les commentaires de ses compères, puis de reprendre la parole pour donner ses réponses et explications.
Le rôle de l'Etat dans la culture semblait faire partie de préoccupations des candiats, ainsi que le ralliement entre culture islamique et civilisation iranienne, sans oublier surtout le principl défi qui affronte la république islamique: celui de la culture étrangère, et en particulier occidentale. Sachant que des centaines de chaines satellitaires iranophones ou doublés en iranien sont exclusivement braquées sur ce pays.
Gare à la catastrophe
Le premier qui a pris la parole, en fonction d’un tirage au sort fait devant les télespectateurs, a été l’ancien chef des Gardiens de la révolution, Mohsen Rezaï.
Dans son intervention et ses réponses, il a mis en garde contre la situation actuelle, laquelle d’après est le présage d’une catastrophe. Selon ce candidat qui s’était présenté en 2009 aux élections contre Mahmoud Ahmadinejad, le Conseil supérieur de la révolution culturelle n’est pas parvenu à transmettre la culture de « la défense sacrée » ( dans la guerre contre l’Irak), à la troisième génération de la revolution. Sur les questions sociales et économiques, il a estimé que le blocus économique constituait un danger pour la république islamique d’Iran et insiste sur la nécessité d’éradiquer la pauvreté.
Crise de confiance
Le candidat suivant tiré au sort a été le réformateur cheikh Hassan Rouhani lequel a trouvé bon de rappeler que la révolution islamique en Iran a été dès le début une « révolution culturelle ». En revanche, cet ancien négociateur du dossier nucléaire considère que « nous ne sommes pas parvenus à réaliser l’image qu’on s’était fixé dans le domaine culturel, concernant le niveau moral et éthique ». Et de signaler qu’il existe un manque de confiance entre le peuple et le gouvernement. Tout en appelant à mettre fin à la pauvreté, il a conseillé d’avantager les provinces au détriment des villes.
Selon le candidat Ali-Akbar Velayati, Rouhani devrait donner des solutions aux problèmes qu’il a soulevés, ce à quoi celui-ci a répondu en suggérant que les politiques culturelles du gouvernement soient transparentes et fournissent un environnement qui permette à la société de profiter de la culture idéale.
S’agissant du mot d’ordre lancé pour cette année par le guide suprême l’imam Ali Khamanei, intitulé « la lutte économique », Rouhani a signifié qu’il faudrait avant tout régler le problème de la corruption.
Réduire le rôle de l’Etat
Le troisième tirage est tombé sur l’autre candidat réformateur, Mohammad Reza Aref. Dès le début, il a signifié que la culture et l’art auront la part de lion dans le programme de son gouvernement s’il est élu. Son objectif étant de promouvoir la production culturelle, il a dit vouloir œuvrer pour réduire au maximum l’ingérence de l’Etat dans les affaires culturelles. Aref n’a pas manqué de critiquer les mesures d’interdiction prises à l’encontre de certains medias et maisons du cinéma.
Ce à quoi l’ancien chef du parlement iranien Adel Haddad a répliqué : « le gouvernement a des devoirs dans la culture et l’art et devraient en assumer les responsabilités », a-t-il dit. Alors que Rouhani a soutenu Aref, indiquant que la culture est « la meilleure ambassadrice de la République islamique d’Iran », et mettant l’accent sur la nécessité « de faire confiance au peuple ».
En réponse, Aref a fustigé un système culturel dans lequel il est difficile pour un artiste de montrer ses créations.
Ressusciter les valeurs de l’Islam
Le quatrième candidat qui est monté à la barre a été Ali-Akbar Velayati, l’ancien ministre des affaires étrangères et le conseiller actuel du guide suprême.
Selon lui, le gouvernement se doit d’être "une guidance et ses membres de stéréotypes culturels".
Il a indiqué que la culture iranienne islamique a toujours été le gardien de l’identité iranienne. Concernant la situation socio-économique, il a dit que le prochain gouvernement se devrait de mettre fin aux pots-de-vin et aux ségrégations.
Les deux candidats réformateurs ont répliqué à Velayati. Rouhani en disant que « l’identité iranienne ne se résume pas en quelques individus et nous devons prendre en considération les diversités nationales et culturelles ». Et Aref en appelant à promouvoir « la bonne production culturelle, pour que nos jeunes ne s’abritent pas dans la culture étrangère ». Selon Aref, aucune démarche n’a été entreprise pour faire face à l’invasion culture étrangère.
Alors que pour Jalili, la culture islamique renferme en elle des capacités immenses, alors que le problème réside chez certains qui voudraient s'accaparer un aspect du secteur culturel.
En guise de réponse, Velayati a mis l’accent sur la priorité de ressusciter les valeurs de l’Islam dans les activités culturelles.
Indépendance et fierté
Le cinquième candidat est l’actuel maire de la capitale Téhéran, Mohammad-Baker Ghalibaf. Selon lui, le principal souci des peuples réside dans leur indépendance et leur fierté, laquelle puise sa source dans un pays qui produit lui-même ses besoins. Selon lui, la culture est « la grande opprimée, car elle n’a pas pris ce qui est lui est du ».
Vu qu’elle devrait faire partie du développement politique et économique, elle est d’après ce candidat « la force nationale la plus importante ». « Nos cadres humains sont bien plus importants que le pétrole et le gaz », a-t-il affirmé. Raison pour laquelle, estime-t-il, il faut assouvir tous les besoins matériels de ce champ et se comporter avec lui avec ouverture.
La culture qui ne s’influence pas
Quant au sixième candidat, Mohammad Gharadi, il a assuré que la culture ne peut en aucun cas être influencée par des systèmes étrangers. D’après lui, il serait erroné de croire que l’on peut changer les cultures en changeant les gouvernements.
Jalili a été le premier à critiquer l’approche de Gharadi. « L’erreur provient de l’inadvertance face aux conséquences des obstacles culturels », a-t-il relevé, alors que Haddad a estimé que tout gouvernement qui n’est pas élu par le peuple échoue dans son approche culturelle. Ce à quoi Gharadi a répondu en assurant que « tout gouvernement qui voudrait imposer sa culture se soldera par un échec». Et de conclure que « l’art efficace est celui qui contribue à élever le niveau culturel » des gens.
C’est l’ancien chef du parlement iranien Adel Hadad qui a été l’avant dernier candidat à présenter sa vision sur la culture et la société. D’après lui, il faut en culture mettre l’accent sur les origines islamiques et iraniennes. « La culture iranienne joue un rôle important et pourrait devenir un exemple à suivre », a-t-il lancé.
La culture plus importante que la sécurité
Quant au huitième et dernier candidat, le négociateur dans le dossier nucléaire Saïd Jalili, il a avancé les thèses suivantes : notre révolution s’est basée sur des valeurs culturelles éternelles ; nous avons besoin d’une vision religieuse pour bien détecter la bonne culture et ne pas commettre des erreurs ; le Conseil supérieur de la révolution culturelle est beaucoup plus important que le Conseil supérieur de la sécurité nationale.
Ce à quoi Ghalibaf a signifié que tout gouvernement se devrait de voir la société comme étant « une créature supérieure qu’il faut consulter pour prendre les bonnes décisions ».
Alors que le réformateur Aref a insisté qu’il ne faut en aucun cas interdire les chaines de télévision étrangères, mais inciter les jeunes à regarder volontairement les chaines locales, en les enrichissant. Jalili semblait adopter une position similaire, en appelant à accorder la liberté à tous les périodiques et à s’écarter de la vision étroite des choses. Il a toutefois signalé que ce n’est parce que deux journaux appartenant à un courant politique sont fermés qu'on peut dire qu'il n'y a pas de liberté ».
Traduit d'un article du site de la chaine satellitaire iranienne arabophone AlAlam