"Il n’y a plus que quelques réseaux sociaux qui n’ont pas été touchés, et nous ne manquerons pas de leur rendre visite prochainement"
Poursuivant la guerre en Syrie par d'autres moyens que les mortiers et bombes, l'"Armée syrienne électronique" vise non pas les rebelles mais les réseaux sociaux de grands médias occidentaux,.
"Nous avons littéralement piraté tout ce que la planète compte d'organes d'information", se félicite un porte-parole de cette armée d'un genre nouveau qui ouvre des fronts dans le cyber-espace.
"Il n'y a plus que quelques réseaux sociaux qui n'ont pas été touchés, et nous ne manquerons pas de leur rendre visite prochainement", ajoute-t-il dans un échange de mails avec l'AFP.
L'offensive est menée en respectant une tactique vieille comme le monde, en tous cas comme internet: un mail ou un tweet qui ressemble à celui d'un ami ou d'un collègue, son destinataire qui l'ouvre, et voilà que les "hackers" sont à deux doigts de faire main basse sur des informations sensibles, dont le mot de passe des sites qu'ils ciblent.
Principale victime: le compte Twitter de l'agence de presse américaine Associated Press, avec un faux tweet indiquant que le président Barack Obama avait été blessé dans deux explosions à la Maison Blanche.
En réaction, l'indice boursier Dow Jones avait failli subir un crash, avant que Wall Street ne réalise que le tweet était faux.
Le compter Twitter du service photo de l'AFP a aussi été attaqué par "l'Armée syrienne électronique" (ou la SEA selon son acronyme en anglais), de même que les réseaux sociaux de la BBC, d'Al Jazeera, du Financial Times, de The Guardian, sans oublier le site américain d'information satirique The Onion.
La SEA a aussi diffusé des vidéos horribles montrant apparemment des combattants de l'opposition en train d'exécuter des soldats du régime.
Volontaires ou payés?
Le porte-parole de la SEA, qui s'identifie par son nom en ligne, Th3Pr0, affirme que son groupe dispose de plusieurs milliers de membres, jeunes pour la plupart, qui vivent en Syrie et agissent volontairement.
"Nous n'avons absolument aucun financement et beaucoup d'entre nous faisons face aux sanctions occidentales qui pénalisent le peuple", dit-il.
Les proches des rebelles affirment au contraire que la SEA représente une aile du gouvernement d'Assad, financée par un cousin influent du président, un homme d'affaires prospère, Rami Makhlouf.
L'un de ces pro-rebelles, Tareq Al-Jazairi, qui vit à Istanbul, affilié au Conseil national syrien (CNS), affirme connaître plusieurs personnes travaillant pour la SEA, pour 500 à 1.000 dollars par mois.
Les hackers sont basés en Syrie et à Dubaï, ajoute-t-il, affirmant qu'ils reçoivent l'aide d'experts basés en Russie, l'un des principaux pays alliés de Damas.
Bien des membres de la SEA "sont justes des trolls (des parasites sur les forums de discussion) dont le travail se limite à poster des commentaires sur des articles qui corroborent la version du régime" d'une guerre menée par des terroristes étrangers, juge Abu Ghazi, un militant de l'opposition de la ville d'Hama dans le centre de la Syrie.
Les vidéos des abus commis par les rebelles ont porté un coup dur à l'opposition, admet-il. "Les rebelles ne sont pas des anges. Quand votre voisin vous frappe une ou deux fois, vous pouvez ne pas répondre. Mais à la troisième, vous répliquez une bonne fois pour toutes".
Twitter a répondu en durcissant ses mesures de sécurité, avec un nouveau système de vérification de ses mots de passe demandant aux utilisateurs de passer à travers un sas supplémentaire pour avoir accès aux comptes.
"L'utilisation du cyber-espace doit être envisagée comme un front à part entière dans n'importe quel conflit contemporain", estime Jarno Limnell, de la société finlandaise de sécurité des réseaux Stonesoft.