"C’est une minirévolution au Qatar, mais également au-delà, tant son influence dépasse les frontières de l’émirat".
Pour des raisons à la fois personnelles et politiques, la succession à Doha s'est accélérée et l'émir devrait laisser sous peu la place à son fils.
L'émir du Qatar l'avait confié l'an dernier à l'un de ses amis français: «Je m'en vais dans quatre ans (en 2016, NDLR), il faut laisser la place aux jeunes.» Sous entendu au prince héritier Tamim, 32 ans, que son père prépare depuis plusieurs années en lui confiant les dossiers stratégiques du sport et de la sécurité. Mais pour des raisons à la fois personnelles et politiques, la succession à Doha s'est accélérée.
La passation des pouvoirs serait désormais imminente - on parle d'avant le ramadan qui commence le 9 juillet, voire même de la semaine prochaine.
Deux scénarios sont envisagés. Le premier vise au départ concomitant de l'émir et de son fidèle premier ministre, son cousin Hamad Ben Jassem (HBJ), qui est aussi le chef de la diplomatie du Qatar depuis vingt et un ans. Le second ne concernerait dans un premier temps que HBJ qui serait remplacé à la tête du gouvernement par Tamim, l'émir restant aux commandes quelques mois encore, le temps d'installer son fils sur le trône.
Une chose paraît certaine: HBJ sera évincé.
C'est une minirévolution au Qatar, mais également au-delà, tant son influence dépasse les frontières de l'émirat.
Depuis plus de vingt ans, HBJ orchestre la très active diplomatie du Qatar, tout en étant l'un des plus puissants investisseurs de l'émirat à l'étranger.
«Il dispose de tous les contacts internationaux et il connaît la plupart des secrets des deals industriels passés entre le Qatar et l'étranger», rappelle un entrepreneur français, qui le connaît depuis trente ans. Mais son arrogance vis-à-vis de ses pairs arabes et son absence de scrupules dans les affaires lui ont valu de solides inimitiés tant au sein de la famille régnante que chez ses interlocuteurs à l'étranger.
Même si Tamim et sa mère, Cheikha Moza, la très influente seconde épouse de l'émir, étaient à couteaux tirés avec lui, l'émir doit assurer à HBJ une sortie honorable, en le maintenant par exemple à la tête du fonds souverain, le bras armé du Qatar pour ses investissements à l'étranger.
L'accélération de cette succession semble due aux problèmes de santé de l'émir, âgé seulement de 63 ans mais qui souffre de diabète - il a perdu 40 kg en un an. Visionnaire, Cheikh Hamad préfère quitter le pouvoir de son vivant pour arbitrer les dissensions qui surgiront entre membres d'une famille turbulente, au sein de laquelle la succession s'est souvent réglée par un coup d'État (1972 et 1995).
Les risques pris par le Qatar en Libye et en Syrie depuis deux ans auraient également pesé. «Ils sont conscients qu'ils doivent réduire leur niveau d'interventionnisme à l'étranger», observe cet ami de la famille régnante. Après avoir pratiqué une diplomatie conciliatrice dans certains conflits au Liban ou au Darfour notamment, le Qatar a pris le risque de se lancer à partir de la guerre en Libye dans une diplomatie de combat, n'hésitant pas à livrer 18.000 tonnes d'armes aux rebelles anti-Khadafi puis maintenant aux insurgés islamistes syriens.
Cette surexposition lui cause du tort chez ses ennemis en Syrie et en Iran, mais aussi chez ses nouveaux amis en Tunisie, en Libye et en Égypte.
«Quand on joue dans la cour des grands on se prend des claques de grand», faisaient valoir jusqu'à maintenant des proches de l'émir. Conscient des risques que cette posture guerrière fait courir à son minuscule pays, le prince héritier Tamim serait partisan de «calmer le jeu», pour s'éviter le moindre soufflet une fois au pouvoir à Doha. Un signe de prudence élémentaire.
Source: le Figaro et Arabi press