Ils dénoncent un bouleversement de civilisation
Un mois après la célébration du premier mariage homosexuel en France, des petits groupes d'opposants irréductibles issus pour la plupart des milieux catholiques conservateurs refusent de désarmer et font flèche de tout bois pour attirer l'attention des médias.
Veillées de prières dans les rues, mais aussi stations debout devant un bâtiment public à l'instar des "hommes à l'arrêt" du récent mouvement contestataire en Turquie, opérations éclair d'"Hommen" torses nus copiées sur les "Femen", les initiatives souvent empruntées aux mouvements d'inspiration libertaire se sont multipliées depuis la promulgation de la loi fin mai.
Aujourd'hui, ils veulent saisir l'occasion du tour de France cycliste (du 29 juin au 21 juillet), pour exprimer le long du trajet leur "résistance" à une réforme qui, selon le site internet "letourdefrancepourtous.fr", met en danger la famille, la filiation voire la démocratie.
La plus populaire des compétitions sportives en France, retransmise à la télévision dans le monde entier, est fréquemment l'occasion de manifestations de salariés en lutte pour défendre leur emploi.
Le initiateurs du "tour de France pour tous" (dont le nom s'inspire de la "manif pour tous" à l'origine des manifestations de masse de l'hiver et du printemps contre le mariage homosexuel) assurent ne pas vouloir "perturber le déroulement du tour", mais solliciter "le soutien le plus large possible" des Français contre un "bouleversement de civilisation".
Plusieurs dizaines de mariages homosexuels ont été célébrés en France depuis l'adoption de la loi, sans donner lieu à des incidents de la part des opposants.
"Tous ne sont pas catholiques, mais beaucoup le sont", témoigne un journaliste de la presse catholique. Il raconte comment la mobilisation contre le projet de loi sur le "mariage pour tous" était montée en puissance dans les paroisses, à l'initiative ou avec le soutien logistique d'une partie du clergé, mais au risque de choquer certains fidèles.
"L'Eglise catholique s'est profondément divisée sur cette histoire qui va laisser des traces", ajoute-t-il. Lui-même favorable à la loi qui entérine selon lui "une évolution inéluctable de la société", il préfère que son nom ne soit pas cité pour ne pas fragiliser sa position au sein de sa rédaction.
"Ceux qui refusent de baisser les bras sont sincèrement convaincus que les valeurs auxquelles ils sont attachés sont remises en cause" avec l'ouverture du mariage et de l'adoption aux homosexuel, que c'est une "catastrophe", ajoute-t-il.
Réseaux sociaux
Ces catholiques conservateurs qui opposent la "légalité" de la loi à la "légitimité" de leurs convictions ne peuvent pas être tous confondus avec les militants de groupuscules d'extrême droite qui s'étaient saisis de l'effet d'aubaine des "manifs pour tous" pour intervenir violemment en marge des cortèges pacifiques.
Rompus à la modernité des réseaux sociaux, ils mobilisent leurs sympathisants grâce aux blogs animés par leurs différentes mouvances, de "La Manif pour tous" (où l'ancienne égérie Frigide Barjot, jugée trop conciliante, a été marginalisée) au "Printemps français" ou au "Salon Beige", notamment.
La condamnation d'un jeune manifestant à deux mois de prison ferme le 19 juin a galvanisé les énergies. Ses soutiens estiment que Nicolas Bernard-Buss, 24 ans, condamné pour rébellion, fourniture d'une fausse identité et refus de se soumettre à un prélèvement ADN, est un "prisonnier politique".
L'étudiant avait été interpellé le 16 juin après une manifestation autorisée près du siège de la chaîne M6, où se trouvait le président de la République. Environ 200 personnes, dont Nicolas Bernard-Buss était l'un des "meneurs", selon une source proche de l'enquête, s'étaient ensuite rendues sur les Champs-Elysées où les manifestations avaient été interdites en raison de la proximité du le palais de la présidence.
Des "veilleurs debout", inspirés des "hommes debout" en Turquie, ont tenté de manifester à plusieurs reprises place Vendôme à Paris, devant le ministère de la Justice, ainsi que devant d'autres bâtiments publics à Paris et en province pour réclamer sa libération.
Par ailleurs les associations familiales catholiques se préparent à un autre combat à la rentrée scolaire: ils entendent contester l'initiative prise par le ministère de l'Education de sensibiliser les élèves aux stéréotypes sexistes, que ces associations voient comme une introduction à l'école de la "théorie du genre" qui nierait selon eux toute différence entre hommes et femmes.