Pour les Jordaniens, la présence militaire américaine est liée à des intrigues et des complots contre leurs voisins qui pourraient affecter le pays lui-même.
Les Jordaniens restent sur leurs gardes face au déploiement sur leur sol d'armes et de troupes par les Etats-Unis, qui disent vouloir protéger leur allié jordanien d'un possible débordement du conflit en Syrie voisine, selon des experts.
Les Etats-Unis ont décidé d'y laisser des avions F-16 et des missiles Patriot après des exercices militaires communs terminés le 20 juin.
Ils ont aussi augmenté à 1.000 hommes le nombre de leurs militaires en Jordanie, a indiqué à l'AFP un responsable de la défense américain.
"Les Jordaniens ne sont pas à l'aise par rapport à la présence de troupes, d'armes et d'équipements américains dans le royaume", déclare à l'AFP Oraib Rintawi, directeur du Centre Al-Qods pour les études politiques.
"Pour les Jordaniens, la présence militaire américaine est liée à des intrigues et des complots contre leurs voisins qui pourraient affecter le pays lui-même", dit-il, en soulignant que la Jordanie reste un pays stable et sûr.
"Pour les Américains, protéger cette stabilité est un enjeu majeur de leur stratégie au Moyen-Orient", ajoute l'expert. "Mais l'opinion publique ici n'est pas favorable aux Américains même s'ils affirment vouloir protéger le pays".
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry était cette semaine à Amman où il a rencontré le roi Abdallah II puis le président palestinien Mahmoud Abbas lors d'une nouvelle mission destinée à relancer le processus de paix israélo-palestinien.
La Jordanie a répété à maintes reprises qu'elle ne cherchait pas à intervenir dans les affaires syriennes.
"Nous ne traitons qu'avec les Syriens qui sont des réfugiés sur notre territoire", a assuré la semaine dernière le Premier ministre jordanien, Abdallah Nsour.
La Jordanie, bénéficiaire majeur d'aide militaire et économique américaine, pourrait quoiqu'il en dise servir de lieu de transit pour le soutien militaire promis par Washington aux rebelles combattant le régime de Bachar al-Assad.
Craintes d'une vengeance syrienne
"En tant que représentant du peuple jordanien, nous n'acceptons pas la présence de troupes américaines ni d'aucune autre armée étrangère en Jordanie," a néanmoins asséné Khalil Atiyeh, vice-président du Parlement, assurant que "les Jordaniens ne pensent pas qu'il y ait des menaces en provenance de la Syrie".
"Mais nous comprenons la nature et les exigences des relations jordano-américaines et le fait que Washington veuille protéger ses intérêts dans la région ainsi que ses alliés", a tempéré Atiyeh.
Plus tôt dans le mois, le roi Abdallah II avait assuré que les Jordaniens étaient "capables (...) de prendre les mesures nécessaires pour protéger notre pays".
Pour l'éditorialiste Labib Kamhawi, l'hostilité des Jordaniens au déploiement militaire américain s'explique par la peur de représailles syriennes.
"Les armes et troupes américaines ont été déployées en Jordanie par mesure de précaution, mais cela pourrait être perçu comme un acte d'agression", explique Kamhawi, ajoutant que les Jordaniens "craignent que le régime syrien puisse chercher à se venger".
L'opposition islamiste assure également que le déploiement militaire de "l'envahisseur américain" n'est "pas dans l'intérêt de la Jordanie".
"Même si Amman n'est pas d'accord avec ses alliés sur certains aspects du dossier syrien, le pays doit faire des compromis", a cependant indiqué à l'AFP Mohammad Abou Roumman, chercheur au centre d'études stratégiques de l'université de Jordanie.
Selon cet analyste, la Jordanie a saisi cette opportunité pour "obtenir des missiles Patriots et améliorer le système de défense du royaume".
Des médias américains avaient avancé que les Etats-Unis pourraient établir depuis la Jordanie une zone d'exclusion aérienne en Syrie -- mais la Maison Blanche a écarté cette idée, jugée dangereuse, coûteuse et inappropriée.
Pour Jordan Perry, analyste à Maplecroft, Washington veut surtout s'assurer qu'Amman "fasse respecter la sécurité de ses frontières", après la multiplication de heurts entre troupes et rebelles syriens dans la zone frontalière, qui inquiètent de plus en plus le royaume.