Et réfléchissent de plus en plus à une société libérée de l’économie et fondée sur la justice sociale.
L’Europe paie le prix fort pour la crise économique actuelle qui a débuté en 2008. Les contraintes économiques pèsent lourd sur le budget des européens qui ne sont plus aptes à faire face aux tentations de la société de consommation. Ils se retrouvent désormais obligés d’arbitrer leurs achats et cherchent à dépenser de manière moins financière afin d’échapper au matérialisme de la vie moderne.
La crise attaque les portes monnaies
Selon l’étude annuelle de l’observatoire Cetelem publiée le mois de février dernier, le pouvoir d’achat a baissé partout en Europe. En effet, plus de deux européens sur trois, soit 71% des européens, affichent ne pas avoir vraiment les moyens de consommer comme ils le souhaitent, et 82% d’entre eux disent être à la recherche du prix le plus bas(1).
Rien d’étonnant donc, à ce que le moral des européens ait baissé en 2013 pour atteindre un nouveau point bas de 3,6 sur 10. Les citoyens éprouvent une grande prudence dans leurs intentions de consommer. Ils sont ainsi 87% à vouloir limiter leurs dépenses et seuls 34% d’entre eux comptent augmenter leurs dépenses en 2013 contre 54% l’an dernier. A l’inverse, leur volonté d’épargner reste forte : ils sont 40% à vouloir augmenter leur niveau d’épargne en 2013 contre 31% l’an dernier. La quasi-totalité (96%) affirme, par ailleurs, souhaiter réduire sa consommation en énergie et en eau. De même, pour assurer leur quotidien ces derniers temps, ils ont du se priver de nourriture et faire des économies sur leurs achats alimentaires et les produits de base.
Se nourrir n’est plus une priorité
Quatre européens sur cinq favorisent les achats discount pour l’alimentation et les produits basiques. Seuls 21% d’entre eux augmenteraient leurs dépenses d’alimentation, s’ils bénéficiaient d’une hausse de leur pouvoir d’achat. D’ailleurs les chiffres européens des grandes multinationales comme Nestlé, Coca Cola et Carrefour le prouvent : les ventes de produits alimentaires régressent.
En Belgique, selon un sondage de RTL et Belga i vox, 7 citoyens sur 10 affirment ressentir de l’anxiété dans le contexte actuel de crise. L’année dernière, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, la consommation a régressé et les ménages belges ont dépensé 0,6% en moins par rapport à 2011(2).De plus, les belges consacrent de moins en moins d’argent à leur repas. Dans le top 5 des dépenses des ménages, le budget consacré à l’alimentation est passé de la 2ème place, dans les années 70, à la 4ème place actuellement.
Aussi, la crise joue sur la consommation des français qui ont vu leur pouvoir d’achat chuter de 0,9% l’an dernier. Une baisse inédite depuis 1984 selon les chiffres publiés par l’Insee la semaine passée. Près de huit français sur dix constatent, effectivement, un recul de leur consommation(3).
Renoncement aux soins et aux loisirs
D’après le nouveau baromètre "Cercle Santé-Europ Assistance", un quart des européens renoncent à se faire soigner pour des raisons financières.
La diminution des revenus fait que moins de personne ont les moyens d’aller voir leur médecin ou de s’acheter des médicaments. En outre, beaucoup craignent que la crise porte un coup à la santé nutritionnelle dans une grande partie de l’Europe.
De plus en plus de familles consomment des produits de mauvaise qualité moins onéreux. Des experts dans les pays du sud de l’Europe disent que la crise ne fait qu’empirer une situation déjà mauvaise. En Italie, par exemple, plus de 13% de la population disent acheter de la nourriture moins chère et de qualité inférieure faute d’argent. Les ventes des magasins discount ont augmenté de 1,2% l’année dernière selon un récent rapport de l’agence nationale des statistiques.
Quant aux vacances, d’après le baromètre Ipsos-Europe Assistance, plus de 40% des européens n'ont plus les moyens de partir en congé, un chiffre en forte augmentation, particulièrement chez les espagnols, les italiens et les anglais qui ressentent fortement les effets de la crise. Parmi ceux qui partent en vacances, les dépenses sont limitées et le budget devient l’élément principal à prendre en compte. Ils préfèrent les courts séjours et plus d’un tiers d’entre eux partent une semaine voire moins. Près de la moitié restent dans leur pays(4).
Changement des modes de consommation
Face à la crise, les européens sont devenus plus économes. Ils réfléchissent deux fois avant de dépenser leur argent, ils comparent les prix et ils attendent les soldes et les promotions de pied ferme. Un sondage récent indique clairement que le contexte économique incite les consommateurs européens à changer leurs habitudes de consommation. Ils font davantage appel aux techniques alternatives comme la location, le faire soi-même, le partage, l’échange non marchand, l’achat groupé ou même le marché d’occasion.
Les européens sont 52% à envisager de recourir aux réseaux d’échanges de produits et des services dans les prochains mois plutôt que payer. Le système de partage pour un produit ou un service tend également à se développer. C’est le cas du covoiturage pratiqué par 10% des consommateurs et qui en intéresse 20%. De la même manière, l’achat d’occasion n’est plus considéré comme une pratique honteuse, mais bien au contraire est devenu à la mode et favorisé comme un achat malin.
Selon l’observatoire Cetelem, 59% des européens achètent des produits usagés et sont 68% à déclarer qu’ils le feront autant, voire plus, dans les années à venir(5).
Les chiffres démontrent que la majorité des entreprises de dépôt-vente d’articles de seconde main ont vu leurs chiffres d’affaire augmenter de manière conséquente depuis 2007. L’internet n’échappe pas à cette tendance. Des centaines d’échanges et de ventes à petits prix de vêtements, électroménagers, meubles et autres biens se multiplient sur le web grâce à des sites comme eBay et Troc.com qui connaissent un succès grandissant.
Les européens ressentent un malaise face au consumérisme et aux conséquences dramatiques de la société industrielle. Des économistes et militants mettent en avant l’idée de la décroissance comme une alternative au capitalisme, une société libérée de l’économie et fondée sur la justice sociale et une possibilité de faire un autre choix de vie que le « travailler plus pour gagner plus et consommer plus».
Ces nouveaux comportements constituent – ils une menace pour les modèles économiques et sociales existants ?
Jehane Hindi
(1) L’édition 2013 de l’observatoire Cetelem(le site de veille et de recherche sur les comportements et les choix de consommation des européens), 07/02/2013.
(2) Dominique Michel, administrateur délégué de la fédération du Comeos for commerce and services, 19/04/2013.
(3) Insee (l’institut national de la statistique et des études économiques), 15/05/2013.
(4) Sondage réalisé par Ipsos pour Europ Assistance entre le 13 février et le 26 mars 2012.
(5) Sondage réalisée à l’échelle de la consommation européenne, 31/03/2013.