C’est l’avis du Conseil de l’Europe qui dit s’inquiéter d’une loi sur l’égalité des chances entre la femme et l’homme.
Le projet de Constitution tunisienne respecte globalement les principes démocratiques, mais certaines dispositions devraient être modifiées, notamment pour mieux garantir la liberté de religion et la neutralité de l'Etat, ont estimé jeudi des experts de la "Commission de Venise", liée au Conseil de l'Europe.
Dans un avis rendu public à Strasbourg, les experts en droit constitutionnel de cette Commission - un organe consultatif aussi appelé "Commission pour la démocratie par le droit" - ont estimé que ce projet témoigne des "efforts" du peuple tunisien pour se doter "d'une constitution démocratique, basée sur les principes universels de la démocratie et des droits de l'homme".
Ils expriment cependant plusieurs réserves, notamment concernant la place réservée à l'Islam dans la Constitution.
"Le simple fait qu'un Etat proclame qu'il existe une religion dominante n'est pas, en soi, contraire aux standards internationaux", du moment que cela n'entraîne aucune "discrimination quelconque contre les adeptes d'autres religions ou les non-croyants", observent ces experts.
Ils jugent toutefois "ambiguë" la phrase qui, dans le projet, fait de l'Etat tunisien le "gardien de la religion". Il ne faudrait pas que ce terme puisse être compris comme "la religion dominante, c'est-à-dire l'Islam", car cela induirait une "discrimination entre différentes religions ou croyances" et poserait donc un "problème certain de respect des standards internationaux", selon eux.
En conséquence, la commission préconise de stipuler plutôt que "l'Etat est le garant de toutes les religions ainsi que des convictions non religieuses".
Elle s'inquiète par ailleurs d'un article du projet proclamant que "l'Etat garantit l'égalité des chances entre la femme et l'homme pour assumer les différentes responsabilités". Cette phrase "pourrait être interprétée dans un sens restrictif, l'égalité des chances étant limitée à certaines responsabilités", selon la commission de Venise, qui préconise de supprimer de cette phrase "pour assumer les différentes responsabilités".
Le projet de nouvelle Constitution tunisienne vise à doter le pays d'institutions pérennes, deux ans et demi après la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali, à l'issue de la première révolution du printemps arabe.
L'élaboration de ce texte, confiée à une Assemblée nationale constituante et marquée par de vifs débats entre laïcs et islamistes au pouvoir, a pris un retard considérable.
La Commission de Venise a été créée au début des années 1990 dans le but d'aider les anciens pays communistes à adopter des règles constitutionnelles compatibles avec les principes démocratiques et de respect des droits de l'homme que défend le Conseil de l'Europe.