24-11-2024 11:36 PM Jerusalem Timing

Egypte: la crédibilité entamée d’Al-Jazeera et d’Al-Arabiya

Egypte: la crédibilité entamée d’Al-Jazeera et d’Al-Arabiya

"Les deux chaînes se préoccupent davantage de véhiculer les points de vue de leurs bailleurs de fonds que d’informer d’une manière professionnelle et objective".

L'éviction du président égyptien Mohamed Morsi a exacerbé
la rivalité entre les deux grandes chaînes de télévision satellitaire arabes,
la saoudienne Al-Arabiya et la qatarie Al-Jazeera, chacune reflétant la
position de son bailleur de fonds, sans souci d'objectivité.

   "Les deux
chaînes se préoccupent davantage de véhiculer les points de vue de leurs
bailleurs de fonds que d'informer d'une manière professionnelle et objective",
estime l'analyste saoudien Abdallah Shamry.

   Al-Jazeera du
Qatar et Al-Arabiya à capitaux saoudiens, qui ont déjà marqué leurs différences
par une couverture du Printemps arabe perçue comme proche des positions de leur
gouvernement respectif, ont "polarisé le paysage médiatique arabe",
selon lui.

   Le contraste a
été clair dans la couverture des manifestations ayant conduit à l'éviction par
l'armée, le 3 juillet, de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans.

   "Al-Jazeera
et Al-Arabiya ont couvert ces événements de deux manières diamétralement
opposées", indique Mohamed El-Oifi, spécialiste des médias arabes à
l'université de La Sorbonne à Paris.

   Alors
qu'Al-Arabiya retransmettait en direct les protestations des anti-Morsi sur
l'emblématique place Tahrir au Caire, Al-Jazeera partageait son écran en deux,
montrant côte-à-côte la célèbre place du Caire et un second lieu de la capitale
égyptienne où étaient rassemblés les partisans du président islamiste.

   L'éviction de Morsi
est présentée par Al-Arabiya comme une "deuxième révolution", alors
qu'Al-Jazeera donne largement la parole à ceux qui dénoncent un coup d'Etat.

   Alors que
l'Arabie saoudite a eu une relation tendue avec les nouveaux gouvernements
dominés par les Frères musulmans, le Qatar a activement soutenu les islamistes
parvenus au pouvoir en Egypte et en Tunisie.

   Pour Oifi, la
couverture d'Al-Arabiya "est le reflet fidèle" de la position de
l'Arabie saoudite, dont le roi a été le premier chef d'Etat étranger à
féliciter le président intérimaire Adly Mansour qui a remplacé Morsi.

   Mais Al-Jazeera
"a adopté une position plus hostile aux évènements du 30 juin que l'Etat
du Qatar qui semble avoir, plus ou moins, accepté la chute de Morsi",
a-t-il ajouté.

   Par leur
couverture récente de l'Egypte, les deux chaînes sont "en train de perdre
leur crédibilité" au profit de chaînes concurrentes de langue arabe comme
France24, la BBC ou SkyNews, fait valoir Shamry.

   Le scénario s'est
répété quelques jours après, lorsque 53 partisans du président déchu ont été
tués devant les locaux de la Garde républicaine.

Al-Arabiya a mis en avant les déclarations de l'armée
pendant que sa concurrente qatarie diffusait en direct une conférence de presse
des Frères musulmans et montrait des images de manifestants tués.

 Des collaborateurs
d'Al-Jazeera en Egypte, qui seraient au nombre de sept, avaient démissionné
pour contester sa ligne éditoriale.

   Mais le
directeur de la chaîne "Al-Jazeera Moubacher en Egypte", Aymen Jaballah,
a ensuite expliqué dans le quotidien The Telegraph que son personnel avait
"reçu des menaces de mort" et que "des tracts maculés de sang
ont été distribués devant les locaux" de la chaîne au Caire.

   "Les deux
chaînes ont proposé une couverture complète des événements", tempère
l'universitaire koweïtien Saad al-Ajmi.

   "La
différence s'est faite dans le choix des mots qui reflète les positions politiques"
de chacune, ajoute cet ancien ministre de l'Information, estimant que
"l'angle de prise de vue des images reflétait clairement les tentatives de
grossir le nombre de manifestants d'un côté comme de l'autre".

   Les
téléspectateurs sont désemparés, comme en témoignent les commentaires sur
internet.

   Alors qu'une
page sur Twitter avec le hashtag "#Twittez comme si vous êtes Al-Arabiya"
se moque de cette chaîne, un groupe sur Facebook, qui compte plus de 6.000
membres, accuse Al-Jazeera de "semer la sédition entre les
Egyptiens".

   Abdel Fataah
Mohamed, un expatrié égyptien aux Emirats arabes unis, reconnaît
qu'"Al-Jazeera penche légèrement pour les Frères musulmans", ajoutant
toutefois qu'elle couvre "en direct les événements tels qu'ils se
déroulent et laisse s'exprimer des gens de tout bord". "J'ai
récemment cessé de regarder

Al-Arabiya car elle n'est pas objective".

   Pour Ajmi, la
concurrence entre Al-Arabiya et Al-Jazeera est saine. "Leur couverture
variée des événements profite au public. Il serait injuste pour le
téléspectateur arabe d'entendre un seul point de vue".