Les manifestations continuent pour réclamer la chute du gouvernement et la dissolution de l’Assemblée constituante.
Le gouvernement tunisien dirigé par les islamistes tient une réunion de crise lundi, cinq jours après l'assassinat du député de gauche Mohamed Brahmi et sur fond de contestation croissante dans le pays sous le choc avec deux meurtres d'opposants en cinq mois.
"Le gouvernement se réunit pour annoncer des décisions importantes", a indiqué laconiquement à l'AFP, une source gouvernementale, annonçant la première réunion de crise du cabinet dirigé par l'islamiste Ali Larayedh, objet d'une contestation grandissante depuis le meurtre de Mohamed Brahmi.
Abattu jeudi de 14 balles tirées à bout portant devant son domicile, Mohamed Brahmi, 58 ans, est le deuxième opposant anti-islamiste à être tué par balles en cinq mois, après Chokri Belaïd, le 6 février 2013.
Ce premier assassinat avait provoqué des troubles en Tunisie et abouti à la chute du premier gouvernement islamiste.
Lundi matin, à Sidi Bouzid, ville natale de l'opposant assassiné, la police a tiré des gaz lacrymogènes destinés à disperser des manifestants réclamant la chute du gouvernement, a constaté un correspondant de l'AFP. La police a fait usage de gaz lacrymogènes lorsque les manifestants lui ont lancé des pierres en tentant d'interdire l'accès aux fonctionnaires au siège du gouvernorat protégé par l'armée.
Cette ville berceau de la révolte de 2011 a entamé samedi un mouvement de désobéissance encadré par le Front populaire (gauche et nationalistes) et la section régionale de l'UGTT.
Les proches des deux opposants accusent directement Ennahda et les manifestants qui réclament la chute du gouvernement répètent depuis cinq jours "Ghannouchi assassin", en référence au numéro un du parti islamiste.
Les autorités ont affirmé que la même arme a servi à tuer les deux hommes et désigné les auteurs comme étant des salafistes jihadistes proches d'Ansar Ashariaa, une organisation dont des membres sont soupçonnés d'être liés à Al-Qaïda. Des accusations démenties dimanche par cette dernière.
A Tunis et un peu partout dans le pays, les manifestations continuent pour réclamer la chute du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée constituante (ANC) faisant craindre des violences.
Des manifestations rivales ont eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi et d'autres sont prévues dans la soirée par l'opposition laïque et les partisans du gouvernement, alors que le principal syndicat national s'apprête à tenir une réunion nocturne, décisive pour la suite de la crise.
L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) s'est déjà dite prête à "jouer son rôle historique" pour "défendre le droit des Tunisiens à manifester et les libertés dans le pays".
"L'organisation arrêtera sa position sur la crise lors d'une réunion de sa commission administrative prévue dans la nuit et assumera son rôle comme elle l'a fait le 14 janvier", a dit Sami Tahri son secrétaire général adjoint, en référence au ralliement de l'UGTT au soulèvement qui a chassé l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
Syndicat historique très politisé, l'UGTT forte de 500.000 membres, a appelé à une grève générale qui a paralysé le pays vendredi, au lendemain de la mort de Mohamed Brahmi.
Lundi à l'aube, la police a fait modérément usage de gaz lacrymogènes à Tunis pour séparer des pro et anti gouvernement qui ont campé séparément par milliers durant toute la nuit devant l'ANC, assiégée par l'armée. Les uns défendant la légitimité des urnes et les autres celle de la rue.
Un "Front du salut national de la Tunisie" nouvellement créé par l'extrême gauche, a appelé dimanche les Tunisiens à se joindre à un sit-in "permanent" devant la Constituante, alors les partisans d'Ennahda mobilisent pour un nouveau rassemblement lundi soir.
Une soixantaine de députés de l'ANC ayant annoncé le boycott de l'ANC encadrent les manifestations, alors que le président de cette assemblée, Mustapha Ben Jaafar, a prôné "la retenue" et invité les élus à occuper leurs sièges ce lundi pour finir le travail sur la Constitution" avançant fin août comme date limite à son adoption
L'opposition laïque espère atteindre le chiffre de 73, soit le tiers des 217 députés, la Constitution devant être votée aux deux tiers des élus, ce qui revient de fait à bloquer l'adoption du texte fondamental.
Pour Ennahda, sur la défensive, ceux qui veulent la dissolution de l'ANC "trahissent la Tunisie", a dit à l'AFP le député Fethi Ayadi.