C’est grâce aux autorités syriennes qu’il a été relâché
Enlevé par un groupe armé, puis otage d'islamistes avant d'être racheté par un dignitaire pro-Assad et d'être exfiltré au Liban: le photographe franco-américain Jonathan Alpeyrie a livré à Paris Match le récit de ses 81 jours de captivité et de sa rocambolesque libération.
Le photographe de 34 ans, travaillant pour l'agence Polaris images, est rentré en France le 24 juillet mais ne s'était pas encore exprimé sur son enlèvement et sur les circonstances de sa libération.
Dans un long entretien accordé à l'hebdomadaire Paris Match, le photographe raconte avoir été "trahi" par son fixeur, ces traducteurs locaux qui facilitent dans les zones de guerre le travail des journalistes.
Entré fin avril en Syrie, Jonathan Alpeyrie est kidnappé sur la route de Rankos, une localité au nord de Damas. "C'était un piège. J'ai été trahi par mon fixeur, qui m'a vendu", explique M. Alpeyrie.
"A un checkpoint, des hommes cagoulés nous ont sortis du véhicule. Ils m'ont mis à genoux et ont fait semblant de m'exécuter de plusieurs coups de feu. Puis ils m'ont bâillonné et menotté", dit-il.
Puis arrive un groupe d'hommes, "tous barbus" qui libèrent le fixeur. Le photographe, lui, passe trois semaines "attaché à un lit". Le captif rencontre le chef de ses ravisseurs, "Assad, un islamiste", dont le groupe, "katiba al-Islam", contrôle les localités de Arsal et Rankos.
Accusé d'être un "espion américain", il subit un simulacre d'égorgement. Il est également témoin d'actes de torture contre quatre chrétiens pro-régime sur lesquels les geôliers lâchent des chiens.
Alpeyrie est finalement déplacé dans une maison isolée dans la campagne, près de la frontière libanaise. Ses geôliers le traitent mieux, finissent par lui retirer les chaînes. "Au fil des semaines, les bombardements sont devenus plus intenses. Les bombes tombaient à 50 mètres", dit-il.
"Je passais mon temps à marcher autour d'une piscine vide. Quand il y avait de l'électricité, je regardais la télé".
Le photographe raconte également des moments plus légers, notamment quand ils ont rempli la piscine et lui ont demandé d'apprendre à nager au chef des ravisseurs. "Dans l'eau, il a commencé à paniquer. Je le tenais comme un bébé".
Le 18 juillet, un "cheikh" lui annonce qu'il va être libéré. Il est conduit à Yabroud, au nord de Damas, dans l'appartement du cheikh. "Les rebelles qui m'accompagnaient ont brusquement disparu. Deux gars sont arrivés habillés tout en noir (...) L'un d'eux parlait parfaitement l'anglais. Il m'a dit : +Jonathan, tu es libre maintenant. Nous sommes du gouvernement et tu vas à Damas+".
"Là, je me suis effondré. Je me voyais finir dans une prison du gouvernement", explique-t-il.
Conduit dans une villa de Damas, il affirme avoir rencontré "l'homme d'affaires" qui a payé sa "rançon" aux rebelles. L'homme "figure sur la liste noire des dignitaires syriens" et a payé 450.000 dollars, selon Alpeyrie.
"Un soir, à Damas, il m'a dit que trop de gens étaient au courant de ma présence. Le lendemain, il m'a fait monter dans le coffre de sa voiture et j'ai passé la frontière" avec le Liban.
Laissé seul dans un appartement à Beyrouth, le photographe se débrouille "pour appeler l'ambassade, car il y avait des lignes téléphoniques". Des gendarmes viennent le récupérer.
"Cette négociation est miraculeuse, car mes ravisseurs n'avaient jamais eu l'intention de me libérer", assure-t-il.