Bandar considère que de tels exploits convaincront la Russie d’opter pour une solution politique « qui exclut Bachar elAssad de tout rôle politique ».
Théoriquement, les combattants de l’opposition syrienne possèdent désormais un seul leader : Ce n’est autre que Bandar ben Sultan. Ce chef des renseignements saoudiens mise aujourd’hui sur un changement des équilibres de la force sur le terrain en Syrie, mais ses adversaires promettent de faire avorter ses aspirations cette fois encore.
Ancien ambassadeur de son pays aux Etats-Unis, Bandar joue un rôle clé dans la politique saoudienne, au moment où les autres dirigeants du royaume sont inefficaces, surtout pour des raisons de santé. On en cite par exemple le roi Abdallah ben Abdel Aziz, le ministre des Affaires étrangères Saoud elFayçal, le prince héritier Salmane ben Abdel Aziz, et le second vice-Premier ministre Moqren ben Abdel Aziz. Cet homme est presque le seul dirigeant à prendre des initiatives parmi les membres de sa famille dans le domaine diplomatique. Il fait des navettes de Washington à Moscou, passant par Paris et Londres. Il envoie un délégué en Turquie pour diriger l’armement de l’opposition syrienne, et promet le roi de Jordanie de grosses sommes d’argent en échange d’une participation jordanienne plus accrue dans la guerre en Syrie.
A Moscou, il négocie en tant que « le prince des moujahidines » en Syrie. Parmi ces « moujahidines », le président Poutine connait ceux qui proviennent de Tchétchénie, du Daguestan, et des pays du Caucase.
Voilà comment Bandar ben Sultan est le parrain des combattants en Syrie tant sur le plan financier que militaire, mais il est aussi leur porte-parole politique direct, ou par procuration, à travers le chef de la « coalition » Ahmad elJarba.
Grande défaite de Bandar au Liban
Ce dirigeant saoudien constitue toutefois un problème pour l’Arabie Saoudite. Contrairement à la politique « calme » de Riyad (au moins dans l’apparence), Bandar hausse toujours le plafond de ses prévisions, des fois à dépasser le réel. Sa dernière « expérience à caractère militaire » menée au Liban date de 2006, lorsqu’il a convaincu le roi saoudien de verser plus de 200 millions de dollars pour former des milices au courant de Saad Hariri. Mais cette expérience a essuyé un grand revers, moins de 20 heures de combat sur le terrain.
La Syrie, son premier souci
Selon des personnalités diplomatiques ayant rencontré le prince saoudien ces dernières semaines, Bandar ben Sultan accorde une attention particulière aux événements en Syrie. Il ne mentionne l’Irak, le Yémen ou le Liban que pour parler de « la défaite de l’Iran et du Hezbollah » au Levant.
On rapporte son « optimisme » sur des développements à venir sur le terrain en Syrie. Pour lui, huit mois sont assez suffisants pour augmenter les aides et les armements de l’opposition syrienne afin de modifier les équilibres de la force.
Bandar cherche donc à « modifier » l’équilibre sur le terrain pour ne pas permettre au régime syrien d’imposer ses propres conditions lors des prochaines négociations.
D’après lui, les deux prochains mois seront décisifs au niveau de l’armement et de l’entrainement des forces de l’opposition. Ensuite, viendra le temps de la récolte qui durera des mois.
Plaintes des difficultés sur le terrain
Devant ses visiteurs, Bandar évoque des difficultés : il se plaint des divergences dans les rangs des combattants, de l’incapacité d’entrainer plus de 300 personnes par mois. Il déplore les ventes d’armes qu’il envoie à plusieurs factions militaires et qui tombent en fin de compte dans les mains des combattants d’al-Qaida. Mais ces plaintes ne l’empêchent pas de miser sur des exploits à venir dans les mois prochains.
Il aspire à des exploits dans le nord syrien à partir d’Alep. Quant au Sud, il essaiera de convaincre le régime jordanien d’ouvrir ses portes devant le passage des armes et des combattants à Deraa et au Golan.
Bandar considère que de tels exploits convaincront la Russie d’opter pour une solution politique « qui exclut Bachar elAssad de tout rôle politique ».
L’autre camp ne garde pas les bras croisés
A Damas, dans la banlieue sud de Beyrouth, à Téhéran, et à Moscou, d’aucuns travaillent jour et nuit pour empêcher Bandar d’atteindre ses aspirations. Dans cette bataille également, rien ne sera épargné : ni armement ni financement de l’armée syrienne, ni entrainements, ni planification, ni renforts humains.
En réponse aux propos rapportés de Bandar, les partisans du régime de Bachar elAssad disent : « Ce qu’ont fait les ennemis de Damas ces deux dernières années était suffisant pour renverser Assad. Rien ne leur manquait : ni argent, ni armes, ni combattants, ni plans… Leur seul problème c’est que nous avons résisté et que nous avons su comment les empêcher de réaliser leurs objectifs ».
En effet, les partisans de « l’axe du mal » savent bien que la nouvelle bataille en Syrie sera comme ses précédentes et que la modification des équilibres de la force est désormais impossible. Bref, Bandar ben Sultan quittera la Syrie comme il l’a fait à Beyrouth en 2008.