"Nous aurons des martyrs. Le prix à payer sera élevé mais la victoire nous attendra au bout du chemin", lance-t-on depuis la place Rabaa al-Adawiya.
La justice égyptienne a prolongé lundi la détention préventive du président déchu Mohamed Morsi, au moment où ses partisans manifestaient malgré la menace des nouvelles autorités de disperser les islamistes barricadés depuis plus d'un mois sur deux places du Caire.
Cette décision judiciaire pourrait galvaniser les milliers de pro-Morsi mobilisés à travers le pays et qui ont appelé à de nouvelles manifestations massives mardi pour réclamer le retour au pouvoir du premier président élu démocratiquement du pays. Et ce, au moment où la police a annoncé une opération imminente mais "graduelle" contre leurs sit-in.
Dans la soirée sur la place Rabaa al-Adawiya, bastion des pro-Morsi transformé en camp retranché, des orateurs défiaient ces menaces, haranguant la foule et conspuant le "coup d'Etat", alors que haut-parleurs diffusaient à plein volume des chants religieux.
"Nous aurons des martyrs. Le prix à payer sera élevé mais la victoire nous attendra au bout du chemin", a lancé à l'AFP un des volontaires chargés d'assurer la sécurité du rassemblement.
En prévision d'une dispersion par la force, les pro-Morsi ont érigé des remparts de fortune, faits de sacs de sable et de briques empilés.
"Deux ou trois jours"
Plusieurs hauts responsables des forces de l'ordre ont toutefois indiqué à l'AFP que la dispersion n'interviendrait qu'après un siège et "plusieurs
sommations" qui pourraient durer "deux ou trois jours".
Les autorités semblent vouloir persuader certains manifestants --barricadés avec femmes et enfants-- d'évacuer pacifiquement avant de lancer l'assaut contre les plus déterminés.
Relançant le bras de fer entre les Frères musulmans, l'influente confrérie de Morsi, et les nouvelles autorités, la justice a prolongé lundi de 15 jours la détention préventive de l'ex-président, accusé de s'être évadé de prison début 2011 à la faveur de la révolte populaire qui a renversé le président Hosni Moubarak.
La justice le soupçonne d'avoir bénéficié de la complicité du Hamas dans cette affaire ainsi que dans des opérations meurtrières imputées au mouvement palestinien.
Pendant la journée, des milliers de ses partisans ont défilé dans le centre du Caire. Leur cortège s'est rendu devant la Haute Cour de Justice, proche de la place Tahrir, épicentre de la révolte de 2011 et des manifestations anti-Morsi qui ont poussé l'armée à son coup de force le 3 juillet.
Réconciliation nationale
Face à la paralysie du nouveau gouvernement -- qui a promis un processus de réconciliation devant déboucher sur des élections début 2014-- Ahmed al-Tayyeb, grand imam d'Al-Azhar, plus haute institution sunnite qui avait apporté sa caution à l'armée le 3 juillet, a appelé dimanche à la réconciliation nationale et a annoncé qu'il avait invité toutes les parties à venir négocier un compromis.
Les Frères musulmans ont affirmé n'avoir reçu aucune invitation et refusent catégoriquement de dialoguer avec les autorités "illégitimes", qui les accusent en retour, comme la presse quasi unanime, d'être des "terroristes" ayant stocké des armes automatiques sur les deux places, où femmes et enfants venus en nombre sont devenus des "boucliers humains".