22-11-2024 10:40 PM Jerusalem Timing

Affaire Snowden : Londres accusé de menacer la liberté de la presse

Affaire Snowden : Londres accusé de menacer la liberté de la presse

Le Guardian a été contraint de réduire en poussière toutes les informations délivrées par Snowden, de crainte qu’elles ne tombent entre les mains de la Russie et de la Chine

Plusieurs pays ont ouvertement critiqué mercredi le gouvernement britannique, s'inquiétant de menaces sur la liberté de la presse après la détention d'un collaborateur du Guardian et la destruction de documents secrets confiés au journal par l'Américain Edward Snowden.
  
La pression s'est accentuée mercredi sur Londres, plusieurs médias affirmant que le Premier ministre David Cameron lui-même avait envoyé l'un de ses lieutenants pour que le journal The Guardian réduise en poussière les éléments incriminés.
  
Les autorités britanniques étaient déjà sous le feu des critiques - essentiellement de la part d'organisations de défense des libertés - après la détention dimanche à l'aéroport d'Heathrow de David Miranda, compagnon et assistant du journaliste du Guardian Glenn Greenwald.
  
M. Greenwald a publié ces derniers mois des articles sur l'ampleur du système de surveillance des Etats-Unis et du Royaume-Uni, à partir de documents confiés par Edward Snowden, ancien consultant de l'agence américaine de sécurité NSA recherché pour espionnage par Washington.
 Mercredi, le Conseil de l'Europe s'est inquiété de l'attitude de Londres.

Dans une lettre adressée à la ministre britannique de l'Intérieur, Theresa May, le secrétaire général de l'organisation paneuropéenne, Thorbjorn Jagland, a réclamé des "informations" sur ces affaires, qui pourraient avoir "un effet néfaste sur la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme".
  
"On ne peut pas seulement critiquer les problèmes de liberté d'expression en Ukraine, en Russie ou en Hongrie. Il faut appliquer les mêmes normes partout, y compris dans des pays comme le Royaume-Uni", a ajouté son porte-parole, Daniel Holtgen.
  
Le gouvernement allemand a joint sa voix aux critiques en estimant que la "ligne rouge avait été franchie" et que la détention de David Miranda était "inacceptable". "Il y a effectivement motif à s'inquiéter", a réagi le délégué ministériel chargé des Droits de l'homme, Markus Löning.
  
Les autorités britanniques ont justifié la rétention du jeune Brésilien en s'abritant derrière la lutte antiterroriste, mais M. Löning a affirmé ne déceler "aucun lien avec le terrorisme" dans cette affaire.
  
Moscou, qui a accordé l'asile à Edward Snowden, a de son côté accusé Londres de faire du "deux poids deux mesures". "Nous constatons que les initiatives prises par les autorités britanniques à l'égard du journal The Guardian contrastent avec les déclarations de la partie britannique sur son attachement aux droits de l'homme universels", a réagi le ministère russe des Affaires étrangères.
  
Plusieurs médias britanniques - The Independent, The Daily Mail et la BBC - ont identifié mercredi l'auteur des pressions sur le Guardian comme étant Jeremy Heywood, chef des fonctionnaires britanniques et l'un des principaux lieutenants de David Cameron.
  
"Les inquiétudes quant à la sécurité nationale que représentent les documents détenus par le Guardian étaient si fortes que David Cameron a envoyé Jeremy Heywood pour demander au rédacteur en chef Alan Rusbridger que le journal détruise les documents", a affirmé le Daily Mail.
  
La BBC a cité plusieurs sources gouvernementales qui confirment cette implication au plus haut niveau de l'Etat, celles-ci faisant valoir que cela aurait été une "abdication totale de nos responsabilités" de ne pas parler aux responsables du Guardian.
  
Contacté par l'AFP, Downing Street a refusé de commenter des "cas spécifiques", mais "si des informations hautement sensibles sont détenues de façon non sécurisée, le gouvernement a la responsabilité de les sécuriser", a précisé un porte-parole.
  
Le gouvernement avait utilisé les mêmes termes pour justifier la confiscation de documents journalistiques de David Miranda, lors de son interrogatoire. Ce dernier a engagé mardi une action en justice contre le gouvernement britannique.
  
Le Guardian, quotidien proche de l'opposition travailliste, est revenu mercredi en détail sur les pressions dont il a été victime de la part de hauts fonctionnaires. "Ils ont dit avoir peur que des gouvernements étrangers, en particulier la Russie et la Chine, puissent pirater le réseau du Guardian", a raconté le journal, qui a finalement procédé, il y a un mois, à la destruction de disques durs sous la surveillance de deux représentants du service britannique des écoutes.
  
Un "geste symbolique particulièrement vain", selon le Guardian, puisque d'autres copies des documents existaient et ont continué d'être utilisées par le journal aux Etats-Unis et au Brésil.