Il sera impossible pour les Etats-Unis d’avoir recours à la force pour détruire le régime Assad en étant certains que la Syrie ne tombera pas sous la coupe d’extrémistes islamistes sunnites.
Le durcissement du ton des Etats-Unis après une attaque chimique présumée en Syrie marque une évolution notable pour Barack Obama, qui n'a jamais caché sa réticence à intervenir militairement au Moyen-Orient.
Vendredi, alors que les images des cadavres de dizaines de civils, tués selon l'opposition syrienne deux jours plus tôt dans une attaque chimique près de Damas, avaient déjà effectué le tour du monde, le président américain était resté très prudent, affirmant sur CNN qu'il s'agissait à son sens d'"un événement important et sérieusement préoccupant".
Il avait aussi mis en garde contre des mesures qui pourraient "nous entraîner dans des interventions très compliquées et coûteuses". Les Etats-Unis ont en outre souligné que la preuve d'une attaque chimique n'avait pas été établie dans ce cas précis, même si Damas a déjà franchi au printemps la "ligne rouge" énoncée par M. Obama, selon Washington.
Mais pendant le week-end, la Maison Blanche a semblé radicalement changer d'attitude et de ton.
Le président a convoqué son équipe de sécurité nationale, s'est entretenu avec son homologue français François Hollande et le Premier ministre britannique David Cameron, tandis que le Pentagone faisait état du déploiement de bâtiments équipés de missiles de croisière au large de la Syrie.
Un haut responsable de l'exécutif a expliqué dimanche que "nous continuons à évaluer les faits pour que le président puisse prendre une décision en connaissance de cause sur la façon de réagir à ce recours aveugle à des armes chimiques".
Mais des interlocuteurs de la Maison Blanche et des observateurs ont laissé entendre qu'une décision était proche, et que sa forme ne faisait guère de doute.
"Je pense qu'une réaction est imminente, j'ai parlé hier (dimanche) soir avec la Situation Room", la salle de gestion des crises de la Maison Blanche, a expliqué lundi matin le sénateur républicain Bob Corker, qui siège à la commission des Affaires étrangères.
L'ombre de l'Irak en 2003
"Je pense qu'évidemment nous sommes en train d'œuvrer à rassembler nos alliés de l'Otan, nos moyens (militaires) sont en place", a ajouté l'élu sur la chaîne MSNBC, en se disant persuadé que "l'on va assister à une frappe chirurgicale et proportionnée contre le régime Assad en réaction à ce qu'ils ont fait, et je soutiens cela".
"Le sens commun semble dire qu'il y aura des bombardements limités pour faire passer un message", remarque pour sa part Salman Shaikh, du centre de l'Institut Brookings à Doha (Qatar), en estimant que "cela serait fait avec le soutien de pays de la région et sur la scène internationale, même si c'est en dehors de l'ONU", voie impossible vu le soutien jusqu'ici sans faille de la Russie à son allié syrien.
En quatre ans et demi de présidence, M. Obama a démontré sa réticence extrême à intervenir militairement dans le monde arabo-musulman, lui qui avait bâti une partie de sa candidature en 2008 sur le rejet de l'invasion américaine "impulsive" et "stupide" de l'Irak cinq ans plus tôt.
Mais en mars 2011, il avait engagé les moyens militaires et aériens des Etats-Unis dans l'opération contre Mouammar Kadhafi en Libye, tandis que la "guerre secrète" des drones au Pakistan et au Yémen a pris une nouvelle ampleur sous sa présidence.
"Dire que la force est parfois nécessaire n'est pas un appel au cynisme, c'est une reconnaissance de l'histoire, des imperfections de l'homme et des limites de la raison", avait affirmé le président en recevant fin 2009 le prix Nobel de la Paix.
Mais ces nouvelles opérations militaires décidées par M. Obama ont eu un point commun: pas d'Américains au sol et risques immédiats d'engrenage limités.
La situation en Syrie est loin d'être aussi claire, note Anthony Cordesman, du groupe de réflexion CSIS. "Il sera impossible pour les Etats-Unis d'avoir recours à la force pour détruire le régime Assad en étant certains que la Syrie ne tombera pas sous la coupe d'extrémistes islamistes sunnites, ou se fragmentera en blocs alaouite, sunnite et kurde qui seront encore plus violents et durables que les divisions ethniques en Irak", prévient cet expert.