23-11-2024 03:31 AM Jerusalem Timing

France: la laïcité s’affiche dans une République taraudée par la place des religions

France: la laïcité s’affiche dans une République taraudée par la place des religions

Le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur dénonce la loi de 2004:’90% des musulmans vont avoir l’impression d’être visés par cette Charte alors que dans 99% des cas, ils ne posent aucun problème à la laïcit

 

Pas de signes religieux à l'école, pas de prosélytisme en classe : la France affiche à partir de lundi dans ses écoles publiques une "Charte de la laïcité", dans un pays taraudé depuis des décennies par la place des religions au sein de la République, et où des millions de musulmans se sentent souvent montrés du doigt.
  
Port du voile islamique à l'école, voire de la kippa, de l'étoile de David ou de la croix chrétienne, absence des élèves les jours de ramadan, de l'Aïd ou de shabbat, choc entre l'enseignement des théories de l'évolution des espèces et les croyances sur l'origine divine de la vie sur terre...: ces questions affleurent régulièrement dans le débat alors que l'islam est devenu la deuxième religion en France, "fille aînée de l'Eglise".
  
La Charte, qui a une valeur symbolique et non juridique, rappelle en quinze points les principes fondamentaux de la loi de 1905 selon laquelle "la République laïque organise la séparation des religions et de l'Etat. L'Etat est neutre à l'égard des convictions religieuses ou spirituelles".
  
La Charte reprend aussi une loi de 2004 qui interdit "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse".
  
Le 4 décembre 2012, le Comité des Droits de l'Homme de l'ONU avait demandé à la France de réviser cette loi, après avoir été saisi de l'exclusion d'un lycéen portant...un turban sikh.
  
Adoptée à l'unanimité, cette loi voulait mettre fin à quinze ans de débats passionnés. Dès 1989, trois collégiennes avaient été exclues d'un établissement à Creil (nord) parce qu'elles refusaient d'enlever leur foulard en classe. L'affaire avait pris une dimension nationale.
 
 "Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme", précise encore la Charte.
  
Dans certains lycées, des polémiques ont pu surgir autour des cours de biologie abordant la reproduction ou la théorie de l'évolution, ou en histoire sur la naissance des religions ou la Shoah.
  
La Charte n'a pas suscité d'opposition majeure. "Je suis athée. Je trouve assez aberrant que les gens qui arrivent au lycée avec des signes religieux. Ils n'ont pas besoin de le montrer à tout le monde. S'ils sont croyants c'est leur problème, cela ne nous regarde pas", témoigne Arthur Rivelois, 16 ans, lycéen à Paris.
  
La Charte? "C'est bien que tout le monde soit au courant", estime Elsa, 15 ans, rencontré devant le même lycée Turgot à Paris.
  
Sa copine Bariza l'affirme: malgré les lois, "des élèves montrent des signes religieux, avec de grands pendentifs, avec la croix ou l'étoile de David. Il y en a qui ne vont pas respecter la Charte".
  

L'Islam se sent visé
  

  
Les directeurs devront afficher la Charte dans un lieu "visible de tous", de préférence dans "les lieux d'accueil et de passage", et la présenter lors des réunions avec les parents, a rappelé le ministre de l'Education Vincent Peillon.
  
Sa "vocation" est "non seulement de rappeler les règles qui nous permettent de vivre ensemble dans l'espace scolaire, mais surtout d'aider chacun à comprendre le sens de ces règles", explique le ministre dans un courrier aux chefs d'établissement.
  
Responsable d'une Fédération de parents d'élèves, Valérie Marty déplore que la Charte ne dise rien sur d'autres sujets épineux, notamment autour "du sapin de Noël ou de la cantine". Parfois, "il y a un scandale parce qu'il y a du poisson à la cantine le vendredi", dit-elle.
  
L'opposition la plus franche est venue du président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur: "90% des musulmans vont avoir l'impression d'être visés par cette Charte alors que dans 99% des cas, ils ne posent aucun problème à la laïcité".
  
"Pourquoi faire un rappel à la loi de 2004 qui interdit les signes religieux ostentatoires à l'école?", s'est-il interrogé. "Il y a aussi ce rappel à l'égalité fille-garçon... suivez mon regard..."
  
"M. Peillon m'a juré qu'il n'est nullement question de viser la communauté musulmane. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions", conclut M. Boubakeur.