Le renversement d’AlJazira perçu par sa couverture biaisée des évènements syriens en particulier fait toujours parler de lui, surtout depuis la démission de son célèbre animateur libano-tunisien Ghassane Ben Jeddo.
Alors que certains perçoivent un virement de la ligne éditoriale de la chaîne qatarie, qui s’est particulièrement illustré par la couverture des évènements syriens en adhérant à la version de certains opposants, d’autres estiment qu’il n’y a pas eu de virement, la phase précédente étant un leurre pour se forger une crédibilité capable de lui couvrir sa manipulation, le moment venu.
Adhère à la seconde théorie, une ancienne présentatrice des informations à la chaîne, la syrienne Luna Chebel, selon laquelle la volonté qatarie de renverser le régime syrien, en collaboration avec les États-Unis n’a jamais été abandonnée depuis les années Bush.
« La campagne contre la Syrie a débuté depuis plusieurs années, et fonctionnait suivant la règle qui prévoyait de diffuser 5 bonnes informations et une fausse, pour se faire une crédibilité auprès des téléspectateurs », a-t-elle expliqué, dans un entretien accordé lundi à la télévision syrienne Dounia.
Chebley qui a travaillé pour AlJazira entre 2002 et 2010 a confirmé la présence de chambres noires dans cette chaîne comme dans les autres chaines satellitaires arabes, et affirmé croire à l’existence « d’un complot contre la Syrie et le monde arabe, en diffusant des rumeurs et des informations fabriquées ou en sélectionnant les informations qu’il faut propager, en fonction des politiques des états».
Elle a accusé ces chaînes de diffuser certains reportages sur la situation syrienne montés de toutes pièces, notamment ceux qui montrent en Syrie « des manifestants tabassés ou blessés par des éléments des forces de sécurité, alors que ce sont des fauteurs de troubles qui les ont perpétrés ».
L’ancienne speakerine d’AlJazira a mis en garde le peuple syrien d’être en proie à une guerre de rumeurs, l’invitant à distinguer entre la propagande et la rumeur, la première étant d’origine connue alors que la deuxième est tout le contraire.
Selon elle, après avoir subi la pression des « faux témoins », liés à l’affaire de l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, la Syrie se trouve sous celle des témoins oculaires fabriqués.
Chebley et quatre de ses collègues femmes avaient démissionné en 2010, pour protester contre la politique de leur direction qui se comportait avec elles de façon sélective et lunatique, voire discriminatoire entre les femmes et les hommes.
De retour à l’affaire d’AlJazira, le célèbre militant de la résistance et directeur du réseau Amane pour les études stratégiques Anis Naccache estime lui aussi que Doha a finalement dévoilé son vrai visage, comme étant in pion au service du projet américano-sioniste.
Lors d’un débat télévisé sur la chaîne AlManar, il a rappelé qu’AlJazira a été fondée à l’origine pour se substituer à une BBC en arabe et assumer son rôle surtout. De ce fait, elle a exercé la politique de réflexe pavlovien pour amadouer le public arabe.
Naccache explique que pendant de longues années, elle s’est présentée professionnelle, objective et surtout sympathisante avec les milieux les plus proches des peuples arabes, à commencer par les mouvements les plus extrémistes, comme Ben Laden et autres, et en terminant par son ralliement à la cause sacrée des Arabes, celle de la Palestine.
Alors que son but était de se construire une crédibilité auprès du public arabe, pour pouvoir le moment propice faire passer de fausses informations à sa guise, en toute tranquillité.
« Mais elle a échoué dans cette épreuve » affirme-t-il, « car l’objectivité exige qu’il faut demander la même chose aussi bien pour la Tunisie, l’Égypte, la Libye que pour le Bahreïn. L’objectivité nécessite que lorsqu’on soutient les démocraties chez les autres, il faut commencer par les appliquer soi-même, et en appeler l’Arabie Saoudite et les émirats du Golfe aussi à le faire ».
Et pour étayer sa thèse, Naccache constate que la politique d’AlJazira anglophone concernant les révoltes arabes est différente, et n’a pu par exemple occulter les évènements de Bahreïn. Ce qui confirme d’après lui sa volonté manipulatrice à l’encontre du public arabe.
Le chroniqueur du quotidien libanais AsSafir, Daoud Rammal s’est lui aussi arrêté dans sa chronique de mercredi, sur ce qu’il considère être « un renversement de position imprévue » de la part du Qatar. Lequel s’est reflété dans son organe médiatique AlJazira par sa couverture partiale en faveur de l’opposition dans les cas libyen et syrien.
Selon lui, ce pays est passé de la position d’équilibre entre les pays arabes d’un côté, et « Israël » de l’autre, tout en affichant une certaine animosité à l’encontre de l’Arabie Saoudite, à celle de la partie impliquée à part entière dans le jeu « des révolutions, des soulèvements » survenus sur la scène arabe, tout en adhérant complètement à la politique occidentale et américaine.
Ce qui selon Rammal devrait mettre fin au dualisme suspect qui a toujours taxé la politique qatarie, en paraissant soutenir les mouvements de résistance au Liban, en Palestine et en Irak, et les états de la confrontation, tout en entretenant des liens privilégiés avec l’entité sioniste, et en gardant sur son territoire l’une des plus grandes bases américaines dans la région.