...La guerre comme pression pour les Américains... Et Genève par-dessus tout pour les Russes
Alors que Russes et Américains s’attelaient pour étudier ensemble un plan de démantèlement de l’arsenal chimique syrien en vue d'écarter l’option militaire, le numéro un de l’Onu Ban Ki-moon s’est mis à lancer des déclarations, dont le parti-pris n’en constituent pas mois d’une incitation de va-t’en guerre contre ce pays.
Vendredi, il n’a retenu d’un rapport de la commission d’enquête sur les violations des droits de l’Homme mandaté par l’Onu et dont les résultats ont été rendus publiques le 12 septembre dernier que les accusations contre le président syrien Bachar al-Assad d'avoir "commis de nombreux crimes contre l'humanité".
Pourtant, le texte -dont les conclusions n’en demeurent pas moins fortement biaisées-, accuse également les miliciens en Syrie de crime de guerre.
Ce que Ban évite sciemment et sournoisement de rapporter.
La suite de ses déclarations prononcées à New York pourrait expliquer les raisons de son emballement contre le président syrien : « le rapport des experts de l'ONU va conclure de manière accablante à l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, sans en attribuer directement la responsabilité au régime syrien », a-t-il dit.
Le secrétaire général de l’ONU semble donc vouloir pallier à l’incapacité du rapport onusien à accuser les autorités syriennes d’avoir utilisé des armes chimiques contre la Ghouta le 21 août dernier.
En parallèle, autre signe de son parti pris, Ban s’est mis à soupçonner les intentions de Damas.
Dans un entretien accordé à la chaine de télévision France 24, il s'est déclaré vendredi sceptique sur la volonté de Damas de démanteler son arsenal chimique sous supervision internationale.
"Il est donc important, a-t-il ajouté, que les autorités syriennes appliquent ce qu'elles ont dit de manière sincère et exacte" afin de prouver leur bonne foi.
Coup de pouce à l’opposition syrienne
Force est de constater que la position de Ban vient donner un coup de pouce à l'opposition syrienne armée, manifestement lésée par le compromis américano-russe sur le contrôle international de l’arsenal chimique syrien qui a arrêté la frappe militaire qu’ils convoitaient tant.
"Les promesses faites par le régime syrien" pour mettre sous un contrôle international ses armes chimiques "ne sont que de nouvelles tentatives pour tromper la communauté internationale et l'empêcher de le punir pour ses crimes", a déclaré la Coalition nationale de l'opposition syrienne.
"Il ne peut y avoir de progrès que si la communauté internationale décide de contraindre le régime syrien à respecter ses engagements selon un calendrier précis et lui signifie qu'une action militaire reste d'actualité s'il ne coopère pas", a ajouté la Coalition dont les milices sur le terrain se trouvent en mauvaise posture!
Bellicisme et harcèlement français
Il va de soi que les positions du responsable onusien rejoignent aussi celles particulièrement belliqueuses et provocatrices des Français qui poursuivent une politique de harcèlement agressif contre Damas.
Il semble que l’affaire du gazage de la Ghouta ait permis au gouvernement français d’afficher ouvertement son soutien à l’approvisionnement en armes aux miliciens. Après avoir annoncé une position réticente, se contentant de fournir du matériel non létal, sous prétexte que l’opposition n’est pas unie ou en raison de la présence d’éléments extrémistes dans ses rangs
Vendredi, le président François Hollande a déclaré vouloir « renforcer le soutien international à l'opposition démocratique pour lui permettre de faire face aux attaques du régime", et ce à l'issue d'une rencontre avec les ministres des Affaires étrangères saoudien, émirati, et jordanien. Sans préciser la nature de ce renforcement.
Pour Paris, la guerre se poursuit coute que coute! L'accord sur le chimique syrien ne devrait en rien la freiner!
A l’instar de Ban, voire avant lui, les Français par la voix du ministre des AE avaient essayé de remédier à l’absence d’accusation dans le rapport onusien attendu pour lundi prochain.
Ils ont également trouvé bon de juger « insuffisant » l’engagement du président syrien Bachar al-Assad à envoyer aux Nations unies les documents nécessaires pour signer un accord sur l'interdiction de l'utilisation des armes chimiques, et «inacceptables» les conditions plutot logiques posées par lui, celles que les Etats-Unis cessent de "menacer" de frappes militaires et "de livrer des armes" aux rebelles.
Quoiqu'exprimée avec les Américains, la position française à l’encontre de la Syrie devient bien plus frénétique .
La semaine passée, à peine les Russes avaient-ils lancé leur initiative sur le contrôle international de l’arsenal chimique syrien et son démantèlement et les Américains l’avaient acquiescée, que Paris mettait les bâtons dans les roues : soumettant à ses partenaires de l'ONU un projet de résolution qui prévoit un éventuel recours à la force en cas de manquements de Damas à ses obligations de désarmement chimique.
Dans son traitement de la crise syrienne, Paris hausse le ton chaque fois que les Américains le baissent et acceptent un compromis. Les Britanniques aussi ont joué ce jeu!
Américains : l’option militaire... une pression
Du côté des Américains, un autre comportement est adopté, au moins dans les apparences.
Cités par l’AFP, des responsables américains ayant requis l’anonymat ont affiché une position plutôt satisfaite des dernières évolutions. Estimant que « la semaine écoulée, certes mouvementée, avait abouti à un succès diplomatique pour les Etats-Unis, car Moscou et Damas avaient changé leur position dans ce dossier alors que l'administration Obama était restée ferme ».
Tout en assurant vouloir préserver l’option militaire, il semble que l’administration américaine se soit résolue au processus engagé : « s'il aboutissait, il résoudrait mieux que des bombardements la question de l'arsenal chimique syrien », surtout qu'une "résolution menaçant la Syrie d'un recours à la force ne pourra pas être adoptée à l'ONU en raison de l'opposition de la Russie", d'après les assertions de ces responsables. Evoquant la possibilité d'inclure dans un tel texte du Conseil de sécurité d'autres moyens de pression, comme des sanctions, qui seraient plus acceptables par Moscou, au cas où Damas ne respecterait pas ses engagements dans le dossier des armes chimiques.
A ce sujet, ces responsables ont assuré que les Etats-Unis avaient surveillé de très près les stocks d'armes chimiques syriens et que les récents mouvements de ces derniers allaient plutôt dans le sens d'un regroupement que d'une dispersion. Signe que les Américains sont plutôt rassurés. Curieusement, le quotidien Wall Street Journal est entre en jeu, pour dire tout le contraire. Citant des responsables américains anonymes, il a écrit que « la Syrie a commencé à disséminer son arsenal chimique, estimé à un millier de tonnes, sur une cinquantaine de sites différents, ce qui compliquerait la tâche de ceux appelés à les contrôler ».
Et acculer les Russes aussi
Mais il parait aussi que les Américains n'ont pas fini de vouloir acculer les Russes au pied mur.
Toujours selon ces responsables, « le rapport des experts de l'ONU, attendu lundi, allait contribuer à isoler davantage le Kremlin dans sa position selon laquelle l'opposition, et non le régime de Bachar al-Assad, est responsable de l'attaque chimique meurtrière du 21 août près de Damas ».
Les Russes, selon eux, sont parvenus à la conclusion que le recours par le régime Assad à son arsenal chimique constituait une menace pour leurs intérêts en Syrie, même si leur position semble contradictoire lorsqu'ils affirment d'un côté que ce sont les rebelles qui ont utilisé des armes chimiques et de l'autre vouloir que le gouvernement Assad cède son arsenal.
Moscou : ôter les prétextes de l'option militaire
Or, sur cette question, comme sur toute la crise syrienne, les Russes ont une approche totalement différente des Américains. Privilégiant par dessus tout une solution politique via une conférence de paix à Genève.
Depuis le début, ils œuvrent pour ôter les prétextes d’une guerre contre la Syrie.
C’est dans ce cadre que devrait s’inscrire leur proposition de démanteler l’arsenal chimique syrien, qui a dès le début été pris pour prétexte par les occidentaux pour justifier une escalade de leur part.
C'est le mot d'ordre qui conduit les tractations et les déclarations de son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov . Vendredi, à l'issue d'une rencontre tripartite avec l'émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie Lakhdar Brahimi, il a réitéré une énième fois l'engagement de son pays en faveur de d'une conférence de paix avec la participation de "tous les groupes de la société syrienne".
Ce qui n'empêche pas Moscou d'envoyer dix de ses navires de guerre en Méditerranée. C'est ainsi, semble-t-il que les négociations deviennent plus que nécessaires, selon les principes de la politique du bord du gouffre!