23-11-2024 02:30 AM Jerusalem Timing

Attaque de Nairobi:pour les assaillants, chaque heure à la Une est une victoire

Attaque de Nairobi:pour les assaillants, chaque heure à la Une est une victoire

Le but du commando n’est pas de faire une prise d’otages puis de négocier, mais de tuer un maximum d’"infidèles" et de résister le plus longtemps possible aux forces envoyées pour les déloger.

Comme en 2008 à Bombay, où un commando a tenu trois jours retranché dans des bâtiments avant d'être neutralisé, les shebab somaliens encerclés dans un centre commercial à Nairobi savent que chaque heure passée à la Une de l'actualité mondiale est une victoire, assurent des experts.
  
Pour un mouvement qui a prouvé qu'il ne manque pas de volontaires pour des missions suicide, la publicité internationale qu'apporte une opération comme celle déclenchée samedi dans le centre Westgate a une valeur inestimable, tout en étant facile à organiser, soulignent-ils.
  
"Les shebab perdent du terrain en Somalie, ils ne sont plus aussi forts qu'ils l'étaient auparavant" explique à l'AFP le Britannique Alex Vines, directeur du programme Afrique à l'institut de recherche londonien Chatham House. "Une attaque comme celle-ci les maintient dans l'actualité. Le but est d'en tirer le maximum de publicité, de prouver qu'ils conservent des capacités opérationnelles et sont capables de monter une attaque terroriste spectaculaire à l'extérieur de la Somalie".
  
Le but du commando d'une dizaine d'hommes en possession, comme à Bombay en novembre 2008, d'armes automatiques et de grenades, n'est pas de faire une prise d'otages puis de négocier, mais de tuer un maximum d'"infidèles" et de résister le plus longtemps possible aux forces envoyées pour les déloger.
  
Interrogé lundi par la BBC un certain "Abou Omar", présenté comme un commandant des shebab, a affirmé être en contact avec le commando et assuré qu'il n'était pas question de négocier. Selon lui, il s'agit de kamikazes qui ne vont pas tenter de s'en sortir vivants, et sont donc d'autant plus redoutables. "Tout moudjahidine (...) veut mourir au nom d'Allah pour devenir un martyr et c'est quelque chose qui déconcerte évidemment beaucoup d'Occidentaux", a-t-il dit.
  
Pour Frédéric Gallois, ancien chef de la force d'intervention d'élite de la gendarmerie française (GIGN), ce genre d'attaque, parce qu'elle se prolonge dans le temps, "vise à obtenir sur la durée un effet plus terrorisant qu'un attentat".
"Tant qu'ils ont la maîtrise du temps, ils peuvent laisser la tension dramatique s'éterniser et du coup le centre commercial devient une scène de crime qui perdure", a-t-il confié à l'AFP. "Pour la police et l'armée kényanes, l'enjeu est à la fois de sauver le maximum d'otages et d'arrêter la dramaturgie de cette attaque". 
  
Symbole de l'opulence occidentale
  
Pour intervenir dans ce genre de circonstances il faut des unités bien équipées et spécialement entraînées, ce dont le Kenya ne dispose pas forcément.

Une source sécuritaire kényane a indiqué à l'AFP que des membres d'une unité israélienne, dont la réputation n'est plus à faire en la matière, étaient arrivés à Nairobi et intervenaient aux côtés de l'armée et la police kényanes.
 "Sur le plan tactique, la manœuvre des forces kényanes est très compliquée car il leur faut trouver des solutions pour sauver le maximum d'otages alors que les terroristes ont dû piéger les issues et même les otages", a ajouté Frédéric Gallois. 
  
Pour Vanda Felhab-Brown, du Center for 21st century Security and Intelligence de la Brookings Institution à Washington, il est plus que probable que l'attaque par dix militants islamistes entraînés au Pakistan de plusieurs cibles comme une gare, des hôtels et un centre juif à Bombay en 2008 a inspiré les shebab. Ils avaient résisté du mercredi soir au samedi, retranchés avec des otages, avant que neuf assaillants sur dix ne soient tués. 166 personnes avaient été tuées, 300 blessées. 
  
"Les groupes terroristes se copient souvent les uns les autres" les modes opératoires, dit-elle, interrogée au téléphone de Paris. "Les preuves existent qui montrent que de telles opérations incitent d'autres groupes à adopter les même méthodes. Comme ce fut le cas dans les années 70 avec les détournements d'avions, ils n'ont pas besoin pour cela de se rencontrer et de coopérer".
  
Le choix de ce centre commercial, comme celui des grands hôtels ou de la gare à Bombay, est dû à la symbolique du lieu ainsi qu'au fait qu'il est facile à attaquer, ajoute-t-elle.
 "Je suis allée dans ce centre Westgate", ajoute Mme Felhab-Brown. "C'est une cible évidente, dans un quartier huppé, avec de nombreux étrangers, le symbole de l'opulence occidentale au Kenya. Et la seule (équipe de) sécurité était (constituée de) quelques personnes sans armes qui ouvraient les sacs et vous passaient au détecteur de métal".