"On s’est assis et ça a explosé", a raconté, encore sonnée, Nathalie, une victime française, sur son lit d’hôpital.
Les autorités marocaines exploraient vendredi "toutes les pistes y compris celle d'Al-Qaïda" dans l'enquête sur l'attentat non revendiqué, perpétré la veille contre un café très fréquenté du centre de Marrakech, et dont le nouveau bilan est de 15 morts.
L'agence marocaine de presse MAP a diffusé un nouveau bilan officiel de 15 morts, contre 16 auparavant donné par un responsable de l'hôpital Ibn Tofail de cette ville à 350 km au sud de Rabat. Ce dernier avait indiqué que deux des 23 blessés avaient "succombé à leurs blessures dans la nuit.
Sept personnes --deux Marocains, deux Français, deux Canadiens et un Néerlandais-- tuées dans l'attentat ont été identifiées, a indiqué la MAP citant le ministère de l'Intérieur. Rabat avait fait état jeudi de 11 étrangers tués.
"Toutes les pistes sont à explorer, y compris celle d'Al-Qaïda, et les investigations continuent", a déclaré vendredi Khalid Naciri, ministre marocain de la Communication et porte-parole du gouvernement.
La veille, le ministre avait stigmatisé "un acte terroriste". "Le Maroc est confronté aux mêmes menaces qu'en mai 2003", avait-il ajouté. Le 16 mai 2003, des attentats menés par des islamistes à Casablanca avaient tué 33 personnes ainsi que les 12 kamikazes impliqués.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), une organisation d'extrémistes islamistes, est active dans la région --Algérie, Mali, Niger et Mauritanie-- et détient quatre Français, enlevés au Niger.
"Justice et bienfaisance", l'un des plus importants mouvements islamistes au Maroc, interdit mais toléré par les autorités, a condamné un "acte barbare quels qu'en soient les responsables", réaffirmant son rejet de toute forme de violence.
"Nous appelons à ce que les atteintes aux droits de l'homme qui ont suivi les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca ne se reproduisent pas", a-t-il ajouté.
Après l'attentat de Marrakech sur la célèbre place Jamâa El-Fna, les forces de sécurité marocaines se sont déployées dans le pays et des barrages ont été dressés à l'entrée des grandes villes du pays.
Le ministre Naciri a également affirmé que le processus de réformes politiques en cours ne serait pas remis en cause.
Le 9 mars, le roi Mohammed VI avait annoncé des réformes constitutionnelles visant notamment à renforcer l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, en réponse à des manifestations pacifiques de jeunes revendiquant des changements politiques profonds.
Jeudi, le roi avait promptement réagi en exigeant une enquête rapide sur l'attentat le plus meurtrier dans ce royaume d'Afrique du Nord depuis les attaques islamistes de Casablanca.
Le ministre de l'Intérieur Taïb Cherkaoui qui s'est rendu sur les lieux, le café Argana au centre de la cité historique, première destination des visiteurs étrangers au Maroc, avait annoncé l'ouverture d'une enquête "avec l'aide des pays amis et voisins". Il s'était refusé à confirmer la thèse d'un attentat-kamikaze, reprise par la presse marocaine.
Une délégation de dix policiers français de la brigade antiterroriste et scientifique était attendue à Marrakech. Selon une source diplomatique française à Rabat, ils "auront pour tâche d'assister les autorités marocaines dans la recherche de l'identité des victimes".
Au moins six Français ont péri et dix ont été blessés selon une source gouvernementale française, mais le Quai d'Orsay s'est cependant refusé à confirmer tout bilan des victimes françaises, dans l'attente de vérifications.
L'organisation policière internationale Interpol a offert son aide pour participer à l'identification des victimes.
Selon les Pays-Bas, un de leurs ressortissants a été tué et deux ont été grièvement blessés.
Selon la presse israélienne, une Israélienne de 30 ans a été tuée ainsi que son mari d'origine marocaine.
Le Conseil de sécurité de l'ONU et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, Paris, Madrid, Washington, Dakar et Libreville ont condamné cette attaque "terroriste", tout comme la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
Vendredi sur la terrasse du café Argana, à l'étage, où a eu lieu l'explosion, les vitres ont été brisées, le mobilier est sans dessus dessous, les tonnelles se sont effondrées.
"On s'est assis et ça a explosé", a raconté, encore sonnée, Nathalie, une victime française, sur son lit d'hôpital.