Après l’Arabie saoudite, les Emirats reportent la visite présidentielle… sans explications convaincantes.
La surprenante ouverture entre l’Iran et les Etats-Unis, qui s’est traduite par un entretien téléphonique entre les présidents Barack Obama et Hassan Rohani, et un tête-à-tête entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, Mohammad Javad Zarif et John Kerry, a provoqué un choc dans les pays du Golfe.
Le Liban a été le premier pays à payer le prix de la confusion des monarchies pétrolières, qui ont annulé, d’une manière peu protocolaire et assez cavalière, une visite du président Michel Sleiman prévue en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis.
Après Riyad dimanche, c’était donc au tour d’Abou Dhabi, lundi, d’annoncer le report de la visite présidentielle, prétextant, comme pour les Saoudiens, des problèmes de santé du président Khalifa Ben Zayed Al Nahyan.
Des justifications qui n’ont pas convaincu les milieux politiques et journalistiques au Liban.
Selon des sources bien informées, le report de ces déplacements serait dû au fait que les Saoudiens ont été pris au dépourvu par l’ouverture entre l’Iran et les Etats-Unis et ne savent plus comment agir, notamment pour ce qui concerne le dossier gouvernemental libanais.
Car cette question figurait en tête de l’ordre du jour des entretiens du chef de l’Etat. Mais depuis que la formule dite des «3x8» n’est plus de mise, les responsables saoudiens n’ont plus rien à dire au président Sleiman. Ils ne peuvent ni le pousser à former un gouvernement de fait accompli sans le Hezbollah, ni cautionner un gouvernement 9-9-6 (9 ministres pour le 14-Mars, 9 ministres pour le 8-Mars et 6 pour Sleiman, Salam et Joumblatt), qui consacrerait leur échec politique au Liban.
Ils se trouvent donc dans une impasse, ce qui les a contraint à reporter carrément la visite, au risque d’«humilier» le président libanais, comme le souligne le quotidien As Safir (Voir par ailleurs).
Les changements dans le paysage régional se sont donc immédiatement reflétés sur la scène libanaise, et plus particulièrement sur le dossier gouvernemental.
Alors même que le président Sleiman affirmant dans une interview au quotidien Le Figaro, la semaine dernière, que la formation du gouvernement (sur la base des «3x8» ) n’était plus qu’une question de jours, les cartes ont été subitement mélangées.
Le chef de l’Etat se trouvait encore à New York quand le leader du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, enterrait cette fameuse formule, qu’il défendait pourtant bec et ongles.
En adhérant à la formule 9-9-6, le leader du PSP sonnait la fin de la récréation et confirmait un changement radical du paysage politique et des rapports de force locaux.
En l’espace de quelques semaines, le discours politico-médiatique au Liban est passé d’un gouvernement sans le Hezbollah, comme l’exigeait ouvertement le 14-Mars, à un cabinet au sein duquel ce parti et ses alliés disposeraient du tiers de blocage (ou de garantie).
Tous ces développements signifient que la formation du gouvernement est encore une fois reportée de plusieurs semaines, si ce n’est de plusieurs mois.
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