De mal en pis pour la Turquie.
La Turquie a violé la liberté d'expression en interdisant à un journal turc une publication en 2007 à la demande de l'actuel président Abdullah Gül, a estimé mardi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
En avril 2007, à l'approche de l'élection présidentielle turque, le quotidien Cumhuriyet avait cité un extrait d'une interview que M. Gül avait accordée au journal britannique The Guardian en 1995, qui servait de support à un article intitulé "Les islamistes turcs visent le pouvoir".
Selon l'article en question, M. Gül avait notamment déclaré: "C'est la fin de la République de Turquie. Nous voulons absolument changer le système laïc".
Ce dernier engagea alors une action en diffamation contre Cumhuriyet et, en mai 2007, les tribunaux émirent une interdiction visant toute nouvelle publication des propos attribués à M. Gül, ainsi que toute information relative à son action en diffamation.
Cette mesure fut levée en mars 2008 après que M. Gül eut retiré sa plainte, après avoir été élu président.
La CEDH avait été saisie à ce sujet par l'éditeur du quotidien, son propriétaire et deux de ses journalistes.
Les juges européens leur ont donné raison en estimant que cette interdiction "n'était pas proportionnée aux objectifs légitimes visés, ni nécessaire dans une société démocratique, en raison de déficiences procédurales".
La mesure n'indiquait pas précisément ce que Cumhuriyet avait l'interdiction de publier. Et elle est restée en vigueur pendant plus de dix mois, ce qui fait que ce journal a été sérieusement empêché de contribuer au débat public, en pleine campagne pour l'élection présidentielle de 2007.
La CEDH a accordé pour dommage moral 2.500 euros à chacun des requérants vivants (un des journalistes plaignants étant décédé depuis).
Cette décision n'est pas définitive: les parties ont trois mois pour demander un éventuel réexamen de l'affaire par l'instance suprême de la Cour, la Grande Chambre.