Le Parlement européen demande la suspension d’un accord avec les Etats-Unis.
Le téléphone portable d'Angela Merkel pourrait être espionné par les services secrets américains et la chancelière allemande s'est entretenue par téléphone avec le président Barack Obama à ce propos, a affirmé mercredi la chancellerie.
"Le gouvernement fédéral a obtenu des informations affirmant que le téléphone portable de la chancelière pourrait être surveillé par les services américains", déclare un communiqué du porte-parole d'Angela Merkel, Steffen Seibert, précisant que Mme Merkel a "téléphoné aujourd'hui (mercredi) au président Obama".
"Elle a clairement affirmé que si de telles pratiques étaient confirmées, elle les désapprouverait catégoriquement et les considérerait comme totalement inacceptables", poursuit le communiqué de la chancellerie.
"Entre des amis proches et des pays partenaires comme le sont la République fédérale d'Allemagne et les Etats-Unis depuis des décennies, une telle surveillance d'un chef de gouvernement ne peut exister. Ce serait un coup sérieux porté à la confiance" mutuelle entre les deux pays, selon le communiqué.
"De telles pratiques devraient cesser immédiatement", ajoute la chancellerie.
A Washington, le porte-parole de la présidence américaine, Jay Carney, a indiqué que lors de la conversation téléphonique de mercredi entre M. Obama et Mme Merkel, "le président a assuré à la chancelière que les Etats-Unis ne surveillent pas et ne surveilleront pas les communications de la chancelière".
Les révélations de l'ex-consultant de l'Agence américaine de sécurité
nationale (NSA) Edward Snowden, au début de l'été, ont suscité beaucoup
d'émotion en Allemagne.
En Allemagne c'est Der Spiegel qui sert de relais à Edward Snowden, et le
magazine a diffusé ses informations avant la chancellerie, qu'il aurait
informée.
Ce dossier a occupé une place importante pendant la campagne des élections
législatives, l'opposition social-démocrate et une partie de la presse ayant
accusé Mme Merkel d'être au courant du programme de surveillance Prism et de ne pas avoir protégé ses concitoyens.
Le gouvernement allemand avait exigé des Etats-Unis qu'ils fournissent le
maximum d'informations sur le programme Prism.
Dans son communiqué de mercredi, il réitère cette demande: "La chancelière
Angela Merkel attend des autorités américaines qu'elles fournissent une
clarification sur l'étendue globale de ces pratiques de surveillance à l'égard
de l'Allemagne, et de ce fait, répondent aux questions déjà posées auparavant
par le gouvernement fédéral".
Le Parlement européen demande la suspension d'un accord avec les Etats-Unis
Un peu plus tôt, le Parlement européen avait demandé à la Commission européenne de suspendre un accord UE-Etats Unis sur le transfert de données bancaires, en réaction aux révélations qui s'accumulent sur l'étendue de l'espionnage de la NSA.
Mais la Commission a décliné cet appel, rappelant une nouvelle fois, dans un communiqué, qu'elle ne disposait pas d'aucune preuve que le texte signé en 2010 ait été violé.
L'accord dit TFTP porte sur la surveillance du financement du terrorisme.
Il prévoit le transfert de données financières de l'Union européenne vers les Etats-Unis, mais précise que ces informations ne peuvent être utilisées que dans la lutte contre le terrorisme.
Or, il semble, d'après des documents révélés par l'informaticien américain Edward Snowden, que la NSA a surveillé le réseau Swift (du nom d'une entreprise ayant son siège en Belgique qui sécurise ces transferts bancaires internationaux), bien au-delà de ce cadre.
Dans leur résolution adoptée mercredi à une courte majorité (280 voix pour, 254 contre, 20 abstentions), qui n'est pas contraignante, les eurodéputés ont exhorté la Commission à ne pas laisser passer cette violation présumée du traité TFTP.
Outre sa suspension, ils ont aussi demandé qu'une enquête technique soit réalisée pour vérifier le bien-fondé des allégations d'espionnage.
La résolution était issue d'une proposition commune des socialistes, des libéraux et des Verts. Les conservateurs du PPE avaient proposé un texte exigeant lui aussi des clarifications, mais demandant, "pour des raisons de sécurité", qu'il n'y ait pas de suspension de l'accord avec les Etats-Unis.
Selon ces élus, dans la forme, la procédure de suspension doit être entamée par la Commission, puis soutenue par un vote des Etats membres à la majorité des deux tiers.
"Il est temps de mettre un terme au climat d'impunité qui entoure la lutte contre le terrorisme par les Etats-Unis sur le territoire de l'Union !", a réagi Hélène Flautre, du groupe des Verts.
"Nous n'avons pas d'indications" selon lesquelles "l'accord TFTP a été violé, mais nous attendons encore des garanties écrites complémentaires que la Commission a réclamées aux Etats-Unis", a réagi la Commissaire chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström. En attendant, les dispositions de l'accord "resteront en place", a-t-elle précisé dans un communiqué.
L'accord avec les Etats-Unis comporte des limitations et des garanties très strictes, notamment pour éviter l'accès non autorisé, la divulgation, la perte ou des formes non autorisées de traitement des données.
Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, l'entreprise Swift a d'abord livré ces données dans le secret. Puis, les Européens ont réclamé un accord longtemps controversé pour sa faiblesse, rejeté, révisé et finalement validé par le Parlement européen en juillet 2010.