27-11-2024 04:41 AM Jerusalem Timing

Les Etats-Unis lancés dans un programme de modernisation nucléaire controversé

Les Etats-Unis lancés dans un programme de modernisation nucléaire controversé

Il s’agit prinncipalement de la modernisation de la bombe B61 qui "est la seule arme de l’arsenal qui remplisse à la fois des missions tactiques et stratégiques".

Les Etats-Unis se sont lancés dans une ambitieuse modernisation de leur bombe nucléaire B61, essentielle pour l'avenir de leur arsenal et censée permettre de poursuivre les efforts de réduction des armements, mais dont nombre d'experts dénoncent le coût prohibitif et l'inutilité.
  
En service dans l'US Air Force depuis la fin des années 1970, cette bombe, contrairement aux missiles tirés depuis les silos ou les sous-marins dont Washington dispose en nombre, est larguée par avion. Elle reste indispensable, ont plaidé des responsables de la défense lors d'une audition devant un panel de la Chambre des représentants la semaine passée.
  
"La B61 est la seule arme de notre arsenal qui remplisse à la fois des missions tactiques et stratégiques", a plaidé le général Robert Kehler, patron du Strategic Command, le commandement responsable des forces stratégiques américaines: la puissance de chaque bombe, déclinée en quatre modèles, peut-être réglée pour aller de 0,3 à 360 kilotonnes, soit l'équivalent de 360.000 tonnes de TNT.
  
Ce type de bombe est le seul à être entreposé -à environ 180 exemplaires- par les Américains sur le continent européen, dans des bases de l'Otan situées en Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas et Turquie.
  
Le projet est de rassembler en un seul modèle, la B61-12, les différents types de bombes B61, d'en faire "une bombe nucléaire tout-en-un sous stéroïdes", ainsi que de renforcer sa sécurité et de réduire les coûts de maintenance, résume Hans Kristensen, analyste à la Federation of American Scientists (FAS), un groupe de réflexion.
  
Il prévoit également de la doter d'un kit de guidage pour la rendre plus précise et donc de réduire la quantité de matière fissile nécessaire pour détruire un objectif.
  
Conjuguée avec le retrait futur du service de la bombe B83, la plus puissante de l'arsenal américain (1,2 mégatonne), cette modernisation doit permettre de diviser par six la quantité totale de matière fissile contenue dans les bombes larguées par avion, s'est félicité Donald Cook, le numéro deux de l'Administration de sécurité nucléaire (NNSA).
  
"Cette approche doit permettre le moment venu de réduire le nombre total d'armes" nucléaires, selon Madelyn Creedon, chargée des affaires stratégiques au Pentagone, qui rappelle la volonté renouvelée en juin à Berlin par Barack Obama de chercher à négocier avec la Russie une baisse du nombre d'armes nucléaires tactiques en Europe.
  
Mais le programme de modernisation, qui n'en est qu'à ses débuts, a déjà dérapé: estimé à quatre milliards de dollars il y a deux ans, il s'établit dorénavant à 8,1 milliards, selon Mme Creedon. Un panel du Pentagone l'estime lui à un coût de 10 à 12 milliards de dollars.
  
Cette inflation a déjà indisposé certains élus du Sénat qui ont dénoncé la démesure du programme et coupé d'un tiers le budget de 537 millions initialement alloué au projet pour 2014.
  
"Les arguments contre la modernisation de la B61 sont simples: c'est inabordable, infaisable et inutile", assène Kingston Reif, du Bulletin des scientifiques atomistes.
  
Sans être aussi véhément, Tom Collina, directeur de recherches à l'Arms Control Association, juge lui aussi que l'Air Force est trop ambitieuse en ces temps d'austérité budgétaire: elle doit déjà financer le développement du chasseur F-35, d'un nouveau bombardier à long rayon d'action et compte bien demander la mise au point d'un nouveau missile de croisière nucléaire à l'horizon 2030.
  
Quant à la volonté du président américaine de chercher une baisse des armes nucléaires tactiques en Europe, il juge que "cela n'a aucun sens de dépenser des milliards pour moderniser des armes dont le président a déjà dit qu'il voulait se débarrasser".
  
Et cette modernisation risque de s'avérer contre-productive dans la perspective de discussions avec Moscou, explique-t-il à l'AFP.
  
En dépit de l'objectif affiché par Washington, les Russes, qui se reposent davantage sur l'arme nucléaire, notamment en raison la faiblesse relative de leurs forces conventionnelles, risquent d'être irrités, selon lui. "Je ne sais
pas quelle sera leur réponse mais elle ne sera certainement pas positive".