Le Pentagone n’envisage pas de supprimer le Centcom américain pour l’Afrique.
Alors qu’on aurait pu croire que le shutdown US aurait pu impliquer des coupes sombres dans certains secteurs que d’aucun jugerait non prioritaire – telles que les dépenses militaires hors du territoire américain – il n’en est rien. A moins justement, que la priorité actuelle des Etats-Unis soit de mettre en œuvre des politiques ultra-sécuritaires, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Voire même de faire régner le chaos ici ou là pour tenter de stopper des multinationales concurrentes dans leur quête effrénée vers des ressources minières et pétrolières.
- Maintien de l’Africom en l’état, pas de changement d’organisation en vue
En tout état de cause, le général à la tête de l’Africom – le commandement de l’armée américaine qui coordonne les activités militaires américaines sur le continent africain - a récemment déclaré que le Pentagone n’envisageait pas de supprimer le Centcom américain pour l’Afrique.
« Nous allons examiner cela plus tard mais pour l’heure, les Etats-Unis estiment qu’avoir un centre de commandement à part entière pour l’Afrique permet d’améliorer l’efficacité de notre soutien militaire au département d’Etat », a ainsi déclaré le général David Rodriguez lors d’une conférence de presse. Rejetant au final les spéculations sur d’éventuelles coupes budgétaires susceptibles de faire revenir l’Africom à son état antérieur de sous-commandement du Commandement U.S. Européen.
Pour l’instant, les Etats-Unis ont ainsi l’intention de garder deux commandements distincts, en maintenant un quartier général axé spécifiquement sur l’Afrique, dans le but d’y améliorer l’efficacité du soutien militaire américain dans la région.
Le général David Rodriguez a par ailleurs tenu à rappeler que la stratégie de l’Africom consistait « à développer les capacités de partenariat en matière de sécurité, de renforcer les relations et de mettre l’accent sur la coopération régionale ». Précisant conduire toutes ses activités « en étroite coordination avec ses partenaires africains et ses partenaires internes au gouvernement américain ».
« Nous avons toujours eu des intérêts en Afrique, les militaires US ont travaillé avec des partenaires en Afrique avant la création de l’Africom » a affirmé pour sa part la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Afrique, Linda Thomas-Greenfield, s’exprimant lors de la même conférence. Ajoutant que les Etats-Unis étaient « plus directement engagés, mieux coordonnées », de « manière plus directe mais également plus stratégique » que par le passé.
- L’Africom déployée en Afrique pour lutter contre le terrorisme ou pour l’accès aux matières premières ?
Depuis sa création en 2007, l’Africom, dont le commandement est basé à Stuttgart en Allemagne, a étendu son rôle en Afrique, axant progressivement ses priorités vers la lutte contre les groupes islamistes armés et l’entraînement de troupes alliées dans la région.
Constitué de quelque 1.500 personnes, sa mission consiste – officiellement – à protéger et à défendre les intérêts sécuritaires des Etats-Unis à travers le renforcement des capacités de défense des Etats et des organisations africaines. Il mène des opérations militaires, afin – nous dit-on – « de dissuader et de vaincre les menaces transnationales et de fournir un environnement sécuritaire favorable à la bonne gouvernance et au développement ».
Son budget annuel s’élève à 296 millions de dollars sans compter les dépenses de Camp Lemmonier à Djibouti, une des principales bases américaines du continent.
Officiellement l’Africom œuvre pour un partenariat fructueux entre les Etats-Unis et 53 nations d’Afrique et pour l’instauration d’espaces de sécurité et de stabilité sur le continent. Des missions qui pourraient être loin d’être totalement désintéressées … compte-tenu des richesses dont les régions « sécurisées » sont dotées. Ces dix dernières années, l’armée américaine a tissé un réseau logistique à travers toute l’Afrique de l’Est notamment, avec des accès sécurisés à des ports et aéroports stratégiques.
Selon le Financial Times, « la militarisation de la politique américaine après le 11 septembre est controversée depuis longtemps » , étant « considérée dans la région comme une tentative des États-Unis de renforcer leur contrôle sur les matières premières et de contrecarrer le rôle commercial exponentiel de la Chine. »
Précisons que si en novembre 2006, la Chine organisait un sommet extraordinaire sur la coopération économique où étaient présents au moins 45 chefs d’État africains … un mois plus tard, Bush approuvait la mise sur pied d’Africom.
- Installation d’une base militaire US au Niger
Comme le 11 septembre aura ouvert la voie à une surveillance accrue, au nom de la chasse aux terroristes, l’activisme des rebelles touaregs et des djihadistes maliens ainsi que les opérations des terroristes sévissant en Algérie auront semble-t-il permis de justifier l’installation d’une base militaire US en Afrique via l’Africom, et plus particulièrement au Niger. Le tout assorti d’envois de drones pour pouvoir surveiller l’Afrique du Nord et le Sud Algérien. Une information en effet relayée par le quotidien américain New York Times et confirmée par Reuters.
«L’ambassadrice des Etats-Unis au Niger, Bisa Williams, s’est adressée à Mahamadou Issoufou, président nigérien, qui a immédiatement accepté sa demande», avait ainsi précisé en janvier 2013 une source proche du dossier. Le chef de l’Etat nigérien ayant préalablement exprimé sa volonté de mettre en place «une relation stratégique à long terme avec les Etats-Unis».
Selon le NY Times, des drones Predator seront ainsi chargés d’effectuer des missions de surveillance dans la région «afin de combler le manque d’informations plus détaillées sur un certain nombre de menaces régionales dont celles relatives aux groupes terroristes activant dans le nord du Mali et au flux de combattants et d’armes en provenance de Libye».
L’Africom envisagerait par ailleurs l’établissement d’une base de drones au nord-ouest de l’Afrique afin nous dit-on d’augmenter les missions de surveillance des groupes extrémistes. Si les drones de surveillance seraient dans un premier temps non armés, des responsables militaires américains n’excluent pas toutefois le recours à des tirs de missiles «en cas d’aggravation de la menace».
« Les drones seront positionnés dans le nord du Niger, dans la région désertique d’Agadez, à la frontière avec le Mali, l’Algérie et la Libye », avait par ailleurs indiqué une source proche du dossier à l’agence Reuters.
«Cela est directement lié à l’intervention militaire au Mali, mais il pourrait aussi donner à l’Africom une présence plus durable pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR)», ont justifié quant à eux les militaires US, précisait pour sa part le NY Times.
- Vers une base de l’Africom en Algérie ?
Rappelons enfin qu’en février 2013, le général David Rodriguez, s’exprimant devant la commission des Forces armées du Sénat US lors de son audition préalable à la confirmation de sa nomination avait déclaré que l’Algérie était le « leader régional » qui dispose « des capacités permettant de coordonner les efforts des pays du Sahel face aux menaces à la sécurité transnationale ».
Interrogé par les sénateurs sur le rôle de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme et sur la coopération algéro-américaine face à la situation au Mali, M. Rodriguez a répondu que »l’Armée algérienne » était « la plus capable de celles de tous les pays d’Afrique du Nord ». « En tant que tel, je considère l’Algérie comme un leader régional, capable de coordonner les efforts des pays du Sahel pour faire face aux menaces à la sécurité transnationale », avait-t-il affirmé.
« La connaissance dont dispose l’Algérie quant à la situation sur le terrain dans le nord du Mali est inestimable pour les Etats-Unis« , avait par ailleurs soutenu le général américain. Ajoutant que s’il venait à être confirmé à la tête d’Africom, il continuerait ‘’à favoriser le leadership régional de l’Algérie’’ à travers notamment la tenue de dialogues bilatéraux de haut niveau et les exercices militaires régionaux.
Enfin, citant de peu nombreuses attaques terroristes perpétrées contre des cibles occidentales en Algérie ainsi que celles déjouées par l’Armée algérienne, M. Rodriguez a rappelé celle commise contre le site pétrolier de Tiguentourine en janvier dernier. A cet égard, le général américain a reconnu le succès de la riposte algérienne en déclarant que ‘’les forces de sécurité algériennes ont réussi à vaincre les terroristes qui détenaient des otages à l’installation gazière d’In Amenas’’.
Histoire de justifier une nouvelle implantation de l’Africom en Algérie ?
Sources : Presse algérienne, Service de Presse des Forces américaines, Investig’Action, NY Times, Reuters
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 5 novembre 2013