Le fossé se creuse entre l’EIIL et le front al-Nosra.
L’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) en Syrie n’en fait qu’a sa tête. Pour la deuxième fois, cette milice d’Al-Qaïda œuvrant aussi bien en Irak qu’en Syrie a refusé d’obtempérer aux ordres du chef d’Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri.
« L’Etat islamique en Irak et au Levant restera aussi bien en Irak qu’au Levant », a assuré son commandant Abou Baker al-Baghdadi, cité par le site Arabi-Press et plusieurs utres sites. Le site Khabar-Press a mis en ligne l'enregistrement sonore qui contient cette position de Baghdadi.
Jeudi, la chaine de télévision qatarie AlJazira a diffusé un enregistrement de Zawahiri dans lequel il déclare l’élimination de l’EIIL en Syrie, et sa préservation en Irak sous son appellation Etat Islamique en Irak (EII). Accordant exclusivement au front al-Nosra le droit de rester en Syrie au nom d’Al-Qaïda.
Dans les apparences, cette position de la part du numéro un d’Al-Qaïda est la seconde. La première avait été exprimée le mois de juin dernier et comportait la même injonction. Elle a été rejetée par l’EIIL qui fait partie des milices les plus importantes en Syrie et qui contrôle à elle seule le gouvernorat de Raqqa et plusieurs régions aleppines.
L’EIIL « restera, restera, restera », avait alors martelé Baghdadi.
Sur les réseaux sociaux et You Tube, les sites de l’EIIL se sont mis à suspecter la véracité du nouvel enregistrement diffusé par la chaine qatarie, accusant cette dernière d’avoir rediffusé celui de juin dernier.
Comme justificatif, les intervenants de ces sites excluent l’éventualité que cheikh Zawahiri publie un enregistrement de ce genre, parce qu’il avait lui-même dénoncé le fait que les divergences entre les deux milices soient rendues publiques via les médias.
Des sites jihadistes takfiris tentent la réconciliation, mettant l’accent sur le rejet de la discorde entre les moudjahidines, au motif que quelque soient les groupuscules auxquels ils appartiennent, les djihadistes sont tous les petits-fils des Sahabas (les compagnons du prophète Mohammad (s)), et des frères en Dieu ... »
N’empêche sur le terrain, une sorte guerre froide règne entre les deux milices, en dépit de la multiplication des fatwas qui interdisent les conflits intestins et en appellent à l’unité. Des tentatives et les médiations déployées par des parties tierces d’Al-Qaïda, dont des éléments venus du Liban sont parvenues semble-t-il à instaurer une sorte de trêve, et à réduire les tensions médiatiques.
L’un des thèmes qui a fait long feu parmi les miliciens takfiris a été celui du « péché de la désobéissance au prince » : En allusion à l’insoumission d’Abou Mohammad al-Joulani (le chef du front al-Nosra) à la demande d’Abou Bakr al-Baghdadi, à se fondre dans l’EIIL, alors que ce dernier a été derrière sa désignation pour se rendre en Syrie, lui accordant tous les moyens d’assistances possibles.
Et en allusion aussi à Baghdadi lui-même aussi qui a refusé d’obéir aux sommations de Zawahiri lorsqu’il l’a ordonné de garder la Syrie pour le front al-Nosra.
Le nouvel enregistrement du commandant d’Al-Qaida devrait raviver les feux de ce débat qui n’en finit pas de se renouveler.
Une autre affaire a également été soulevée: les exactions et les atrocités commises par l’EIIL. Il semble que ce soit un partisan du front al-Nosra qui l’ait évoquée dans une lettre envoyée à Zawahiri en personne, intitulée « D’un Moudjahid à cheikh Ayman Zawahiri » et signée par Abou Bakr le Damascène. Il y fustige la cruauté et l’autoritarisme des dirigeants de l’EIIL signalant qu’ils provoquent l’aversion des Musulmans, et stigmatise la facilité avec laquelle ils procèdent arbitrairement aux condamnations et exécutions sommaires.
Dans le même contexte, certains ont mis en cause la désignation de Baghdadi en tant qu’imam ou prince de croyants, comme se plaisent à l’appeler ses partisans, alors que « les conditions ne sont pas encore remplies » : dont entre autre « le contrôle total du territoire et l’allégeance des dirigeants importants du jihad ».
D’aucuns des jihadistes reprochent à Baghdadi d’être inconnu pour eux, sachant que la connaissance du personnage est une condition de l’allégeance.
Ce qui a poussé l’EIIL à publier un fascicule biographique de Baghdadi dans lequel elle met en valeur son héroïsme et la largesse de ses connaissances dans le domaine religieux et en jurisprudence.
Pour justifier leur cruauté et leurs atrocités, les dirigeants de l’EIIL ont aussi recouru à de soi-disant citations prophétiques sur « le nécessité de la présence d’un sultan puissant qui veille sur la vie et la religion et soumet les pairs ». Pour mettre en valeur leur supériorité au front al-Nosra, ils se sont procuré les avis de religieux djihadistes takfiris de renommée, tel que Abou Hammam al-Athari.
Mais sur la toile, entre les partisans de chacune des deux milices d’Al-Qaïda, accusations et contraccusations se poursuivent, chacune sapant à l’autre la légitimité et la référence religieuse. Alors que sur le terrain, tous deux pousuivent attentats et opérations militaires qui ravagent la Syrie et à massacrent les Syriens.