Pas loin d’un accord avec l’Iran même si des questions subsistent, selon Fabius."Vive la France!", tweete le sénateur américain McCain.
La presse iranienne a tiré à boulets rouges lundi sur la France et son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, accusé d'avoir saboté les négociations nucléaires de Genève par son intransigeance.
"La France a ruiné son image à Genève", écrit le quotidien Tehran Times alors que les discussions entre les 5+1 et l'Iran ont buté selon des diplomates, sur des exigences de Paris dans la rédaction d'un accord.
"M. Fabius, on n'oubliera pas", affirme à la Une le quotidien Hafté-Sobh, en affirmant que les Iraniens "ont pris d'assaut la page Facebook" du ministre français qui participait avec ses homologues aux discussions de Genève.
"M. Fabius, les Iraniens ne vont pas oublier votre animosité. Apparemment, vous êtes devenu la marionnette d'Israël et de l'Arabie saoudite...", écrit un internaute dans un message en persan, repris par le quotidien.
Un autre dénonce "Fabius qui a soutenu Israël et laisse les Iraniens soumis à des sanctions qui les privent de médicaments et de produits alimentaires".
Selon le quotidien Iran Daily, des hommes d'affaires iraniens ont décidé de "reconsidérer leurs relations" avec leurs homologues français et trouver "des partenaires plus dignes de confiance".
Et pour le grand quotidien économique Donayé Eghtessad, proche du gouvernement, "la France est la grande perdante des négociations de Genève".
"La normalisation des relations avec l'Occident se produira tôt ou tard et le sabotage de la France desservira certainement ses intérêts à ce moment-là", affirme dans le journal l'économiste Moussa Ghaninejad.
Un autre expert, Massoud Nili, également proche de l'équipe économique du gouvernement, affirme que la France est "à la croisée des chemins". "Si à cause des obstacles mis par la France il n'y a pas d'accord, les générations futures ne pardonneront pas au peuple français et à ses élites d'être resté silencieux devant les positions coûteuses de leurs dirigeants".
Dans le quotidien réformateur Etemad, un analyste critique aussi "l'attitude non diplomatique de la France" dans une tribune, affirmant qu'"en cas de non accord, la France sera certainement perdante".
Le chef de la diplomatie, Mohammad Javad Zarif et son équipe, qui ont mené durant trois jours des négociations intensives à Genève, se sont toutefois gardés de citer la France.
Sur sa page Facebook, M. Zarif, note qu'"il était possible d'arriver à un accord avec la plupart des membres du groupe 5+1, mais (...) une des délégations avait un peu de problèmes".
Pas loin d’un accord avec l’Iran même si des questions subsistent, selon Fabius
Le lendemain du sabotage de l'accord sur le nucléaire iranien, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a estimé lundi que les 5+1 n'étaient "pas loin d'un accord" avec Téhéran sur le nucléaire iranien, même si des questions subsistent dans la négociation qui doit reprendre le 20 novembre.
"Nous ne sommes pas loin d'un accord avec les Iraniens mais nous n'y sommes pas encore", a-t-il dit à la radio Europe 1, assurant que les Six étaient "absolument d'accord" sur les termes de la négociation.
"Il y a eu des progrès c'est évident, mais il n'a pas été possible d'aller jusqu'au bout" à Genève, où les Iraniens et les 5+1 se sont séparés samedi sans accord après trois jours d'intenses discussions, a souligné M. Fabius.
"La négociation continue, il y a un texte qui est sur la table et qui a été accepté par les 5+1" (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine et Allemagne), mais "il y a deux ou trois points qui font encore difficulté", a-t-il poursuivi.
Il a cité le cas du réacteur iranien à eau lourde d'Arak, produisant du plutonium susceptible d'être utilisé pour fabriquer la bombe atomique. "Nous disons qu'il faut prendre des dispositions pour que ce réacteur ne puisse pas être activé comme il était prévu et qu'il ne puisse pas produire la bombe", a souligné M. Fabius.
Le ministre a ensuite évoqué la question cruciale de l'enrichissement de l'uranium, au centre de la négociation. "Enrichi à 3 ou 5%, ça ne pose pas trop de difficulté. Quand c'est à 20%, cela permet d'aller très vite à 90%" et d'être utilisé à des fins militaires, a-t-il rappelé.
"La question qui se pose est qu'est-ce que les Iraniens vont faire du stock" d'uranium enrichi à 20% dont ils disposent déjà. "Nous sommes d'accord avec nos partenaires pour dire que ce stock soit démantelé et revienne à 5%", a-t-il détaillé.
Interrogé sur la position de la France, qui a adopté dès le début des discussions une attitude intransigeante et a été accusée par certains de bloquer les négociations, M. Fabius a estimé que "les choses ne se présentent pas comme ça".
"La France n'est ni isolée ni suiviste, elle est indépendante et travaille pour la paix. Nous sommes fermes, nous ne sommes pas fermés, et j'ai bon espoir qu'on arrive à un bon accord", a-t-il dit.
"Si nous n'arrivions pas à un accord ça poserait un problème considérable d'ici quelques mois", a-t-il poursuivi. Et d’ajouter: "l'Iran a droit à avoir l'énergie nucléaire civile, mais la bombe atomique, non".
"Vive la France!", tweete le sénateur américain McCain
En réaction à la position française, deux influents sénateurs américains, dont le républicain John McCain, ont salué dimanche la France pour avoir bloqué la signature d'un accord sur le nucléaire iranien à Genève, mais des experts s'interrogeaient sur les motivations de Paris.
"Vive la France", s'est écrié, en français dans le texte, le sénateur John McCain sur son compte Twitter. "La France a eu le courage d'empêcher un mauvais accord sur le nucléaire iranien", a-t-il déclaré au lendemain de l'annonce du report d'un accord entre l'Iran et le groupe P5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne).
Lors de trois jours d'intenses négociations à Genève, les Français ont plusieurs fois publiquement dénoncé les points de blocage et le manque de garanties dans l'accord intérimaire en préparation. Ces prises de position lui ont valu d'être accusée par l'Iran d'avoir joué les trouble-fête autour de la table des négociations.
"Dieu merci pour la France, Dieu merci pour ce refus d'un accord", a lancé de son côté le sénateur républicain Lindsey Graham sur CNN.
"Voilà des mots qu'on n'a pas entendus depuis bien longtemps, mais laissez-moi vous expliquer: ils (les Français) sont en train de très bien prendre la main au Proche-Orient", a-t-il ajouté.
Le sénateur Graham a expliqué qu'un texte bipartisane sur l'Iran était en préparation pour la semaine prochaine au Congrès, lequel a le pouvoir de décider les sanctions à l'encontre de l'Iran. Le Congrès a respecté jusqu'à présent la "pause" réclamée par le gouvernement américain, pour laisser le temps à la diplomatie avec l'Iran.
"Notre but, a fait valoir le sénateur, est d'obtenir un accord sur le long terme. Nous ne voulons pas nous retrouver avec une Corée du Nord au Proche-Orient".
Le texte de la semaine prochaine au Congrès comportera quatre exigences, selon le républicain: "l'arrêt de l'enrichissement (d'uranium), le démantèlement des centrifugeuses, l'arrêt de la construction d'un réacteur à plutonium et l'autorisation du contrôle par la communauté international de tout le cycle iranien (du combustible)".
"Si un accord remplissait ces quatre exigences, je serais satisfait", sinon "le monde le regrettera", a-t-il fait valoir, rappelant l'inquiétude d' « Israël » face à la gestion du dossier iranien par l'administration Obama.
Mais des analystes à Washington s'interrogeaient dimanche sur les motivations de la diplomatie française.
Selon certains analystes, la France s'est alliée à « Israël » et à certains pays du Golfe, en allusion à l’Arabie saoudite.