Selon certains experts, Benjamin Netanyahu pourrait bien tenter de jouer le Kremlin contre le Maison Blanche
Benjamin Netanyahu, en délicatesse avec son allié américain sur les termes d'un possible accord sur le nucléaire iranien, poursuit sa guerre éclair diplomatique mercredi à Moscou après avoir reçu le président français François Hollande.
M. Netanyahu va rencontrer dans l'urgence le président russe Vladimir Poutine, au moment même où les négociations internationales reprennent à Genève entre l'Iran et les grandes puissances.
Le dirigeant russe a évoqué lundi "une chance réelle" de régler à Genève la question du nucléaire en Iran, des espoirs tempérés par François Hollande et par le secrétaire d'Etat américain John Kerry.
Un premier round de discussions s'était achevé le 9 novembre à Genève sans aboutir. Mais le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé le week-end dernier que les précédentes négociations avaient permis d'éliminer les domaines fondamentaux de désaccord.
"Nous voudrions que les Russes aient une meilleur compréhension de nos inquiétudes et de la nécessité d'empêcher l'Iran d'être en mesure de disposer rapidement" de la bombe atomique, a indiqué mardi à l'AFP un haut responsable israélien.
"Avec une telle capacité, les Iraniens pourraient développer des armes nucléaires quand et où ils le choisiraient", s'est inquiété ce responsable qui a requis l'anonymat.
Le groupe des 5+1 (Russie, Etats-Unis, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne) négociera à partir de mercredi avec Téhéran, qu'Israël et les Occidentaux accusent de vouloir se doter de la bombe atomique sous couvert de nucléaire civil, ce que le régime iranien dément.
Lundi, John Kerry -- engagé ces derniers jours dans une joute verbale avec "Bibi" Netanyahu -- a été très prudent quant aux espoirs d'accord.
"Je n'ai pas d'attentes particulières concernant les négociations de Genève, à part le fait que nous négocierons de bonne foi et que nous tenterons d'obtenir ce premier accord", a-t-il prévenu.
Maison Blanche contre Kremlin
M. Netanyahu s'oppose avec véhémence à un accord intérimaire qui permettrait d'alléger les sanctions contre l'Iran sans que ce pays s'engage à arrêter les travaux de construction d'une centrale de production d'eau lourde à Arak.
Lors d'une conférence de presse conjointe avec M. Hollande dimanche à Jérusalem, il s'est dit "très inquiet" au sujet de l'accord en cours de discussion à Genève.
"Je suis très inquiet que cet accord aboutisse et ne réduise d'un coup de crayon des sanctions qui ont nécessité des années pour être mises en place - et qu'en échange de cela, l'Iran ne donne pratiquement rien", s'est alarmé M. Netanyahu.
Selon lui, cet accord risque de permettre à l'Iran de continuer à faire fonctionner des "milliers" des centrifugeuses utilisées pour enrichir l'uranium.
"Et que donne le groupe 5+1 à l'Iran? Il lui offre un allègement des sanctions, ce qui pourrait conduire rapidement à l'effondrement total de l'ensemble des sanctions", a déclaré M. Netanyahu au quotidien allemand Bild mardi.
Mais le Premier ministre israélien a reconnu ne pas se faire d'illusion sur le fait qu'un accord sera probablement signé, compte tenu de la volonté de la communauté internationale à parvenir à un accord avec l'Iran.
Les médias israéliens mettent en avant le vide diplomatique créé par le refus des Etats-Unis d'engager une épreuve de force au Moyen-Orient, à la suite des revers cuisants subis en Irak et en Afghanistan.
Moscou est intéressé à combler ce vide, soulignent les analystes, en évoquant notamment la visite effectuée la semaine dernière au Caire par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, afin de renforcer les liens militaires et diplomatiques.
Selon certains experts, Benjamin Netanyahu pourrait bien tenter de jouer le Kremlin contre le Maison Blanche.
"J'espère vraiment qu'il ne va pas s'essayer à ce genre de manœuvre", a déclaré à l'AFP Amnon Sela, professeur émérite de l'Université Hébraïque de Jérusalem.
"Netanyahu a pris déjà des mesures très dommageables pour Israël avec son opposition au président Obama et en tentant de mobiliser l'opinion publique américaine, le Congrès et la communauté juive contre le président", selon Amnon Sela