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Mort du tortionnaire assumé en Algérie

Mort du tortionnaire assumé en Algérie

Ge général français Aussaresses

Le général français Paul Aussaresses, résistant pensant la Seconde Guerre mondiale avant de devenir un théoricien de la torture qu'il avait appliquée durant la guerre d'Algérie, est mort mardi à l'âge de 95 ans.
  
Ses révélations en 2001 sur le recours à la torture pendant la guerre d'Algérie (1954-1962) avait relancé la polémique sur le comportement de l'armée française pendant cette période dramatique qui reste un sujet de contentieux entre la France et l'Algérie.
  
Ancien chef des services de renseignements à Alger, il avait admis dans son livre-aveu, "Service spéciaux, Algérie 1955-1957", avoir pratiqué la torture, "tolérée, sinon recommandée" selon lui par les politiques. 
  
Pour le général, "la torture devient légitime quand l'urgence s'impose". "Il était rare que les prisonniers interrogés la nuit se trouvent encore vivants au petit matin. Qu'ils aient parlé ou pas, ils étaient généralement neutralisés", précisait celui qui posait pour les photos avec un pansement sur l'œil gauche.
  
Définitivement condamné en 2004 pour apologie de la torture, il avait été mis d'office à la retraite, exclu de la Légion d'honneur et privé du droit d'en porter les insignes.
"Je ne voudrais pas que les hypocrites qui m'ont enlevé la Légion d'honneur, distinction que, moi, j'ai acquise au combat, puissent continuer à nier l'histoire de France", disait-il, désabusé, dans son dernier livre, "Je n'ai pas tout dit", en 2008.
  
"Escadron de la mort"
  
Né le 7 novembre 1918 à Saint-Paul-Cap-de-Joux (sud-ouest), Paul Aussaresses se porte volontaire en 1941 pour les services secrets en France avant de rejoindre les Jedburghs, ces commandos britanniques de trois hommes parachutés derrière les lignes allemandes pour des actes de sabotage.
  
En 1946, le lieutenant Aussaresses participe à la création du 11e Choc, bras armé du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, l'ancêtre de l'espionnage moderne français. En tant que chef de bataillon (commandant) parachutiste, il sert ensuite en Indochine.
  
En 1957, le général Jacques Massu lui demande de rétablir l'ordre à Alger. Il se retrouve à la tête de ce qu'il appelle lui-même "un escadron de la mort", chargé de procéder à des arrestations nocturnes, suivies de tortures, avec élimination de certaines personnes arrêtées.
  
L'ex-militante du FLN Louisette Ighilahriz, qui assure avoir été torturée à la même période à Alger par des parachutistes français, a dit mercredi à l'AFP que le général Aussaresses aurait dû "exprimer ses regrets" pour son comportement de tortionnaire.
  
A Paris, Gisèle Halimi, qui avait dénoncé les tortures et défendu les militants algériens indépendantistes, a assuré qu'il "regrettait publiquement de n'avoir pu me faire assassiner et avait torturé et théorisé la torture".
   Car, le "savoir" acquis ou théorisé en Algérie a survécu à l'indépendance de l'ancienne colonie française. Aussaresses a enseigné aux Etats-Unis, auprès des fameux Bérets Verts dans leur camp de Fort Braggs (Caroline du Nord), "les techniques de la bataille d'Alger", concernant notamment la torture.
  
En 1973, il est nommé attaché militaire au Brésil, alors sous le pouvoir de l'armée, où, là aussi, il traite pour les militaires des questions de torture.

Dans les pays d'Amérique du Sud, comme le Chili ou l'Argentine, des "disciples" du général appliquent ses méthodes de "contre-insurrection", dont la torture.
"C'est efficace la torture, la majorité des gens craquent et parlent. Est-ce que ça m'a posé des problèmes ? Je dois dire que non. Je m'étais habitué à tout cela", assurait-il.
  
Il a toujours affirmé que ses actes avaient été commis avec l'aval de sa hiérarchie et de l'autorité politique: "Suis-je un criminel? Un assassin? Un monstre? Non, rien qu'un soldat qui a fait son travail de soldat et qui l'a fait pour la France puisque la France le lui demandait".
  
La parution de ses livres a contribué à modifier la perception de la guerre d'Algérie en France. Avec la reconnaissance de la torture exercée par l'armée française, ainsi que du drame des harkis, les derniers tabous officiels tombaient sur ce que les autorités ont appelé les "événements d'Algérie" jusqu'en 1999, date à laquelle les députés ont reconnu l'état de "guerre".