Des sociétés chinoises travaillent sur une centaine de projets dans les secteurs du bâtiment, de l’énergie et des hautes technologies, chiffrés à plus de 18 milliards de dollars.
Centrales nucléaires, barrages hydroélectriques, port en eaux profondes et routes stratégiques : le Pakistan s'est tourné vers la Chine voisine pour rénover ses infrastructures en ruine, des projets qui se chiffrent en milliards de dollars et permettent d'étendre l'emprise de Pékin au "pays des purs".
Et le lancement fin novembre des travaux pour la construction, grâce à l'aide technique de la Chine, de la plus importante centrale nucléaire du Pakistan, d'une capacité de 2.200 mégawatts en banlieue de la métropole Karachi, n'est que le dernier d'une série de projets de coopération entre les deux pays.
Car les politiques à Pékin et Islamabad, qui rivalisent en métaphores pour décrire leur amitié, déjà qualifiée de "plus douce que le miel", n'hésitent pas à passer de la parole aux actes lorsqu'il est question de commerce.
Environ 10.000 ingénieurs et travailleurs chinois oeuvrent aujourd'hui au Pakistan, pays en proie à une crise énergétique sans précédent et aux attentats des talibans hostiles au gouvernement d'Islamabad accusé d'être "l'esclave" de la guerre américaine "contre le terrorisme".
Les Etats-Unis se sont engagés dans le combat contre les sanctuaires pakistanais des talibans et d'Al-Qaïda, et injectent des millions de dollars dans des projets de développement qui peinent toutefois à se traduire par la naissance d'un sentiment pro-américain ou des échanges commerciaux à la hausse.
De son côté, la Chine fait profil bas sur les questions sécuritaires mais multiplie les échanges commerciaux avec le Pakistan. Des sociétés chinoises travaillent sur une centaine de projets dans les secteurs du bâtiment, de l'énergie et des hautes technologies, chiffrés à plus de 18 milliards de dollars.
"Dans le seul secteur énergétique, des ingénieurs chinois construisent 15 centrales thermiques, hydroélectriques ou nucléaires", explique Ahsan Iqbal, ministre pakistanais du Développement et de la planification des infrastructures.
Or cette coopération dépasse les seuls projets d'infrastructures et vise en fait à créer un véritable "corridor économique" reliant le port de Gwadar sur la mer d'Arabie, aux régions occidentales de la Chine comme le Xinjiang, frontalières du Pakistan.
"Le plus important projet entre les deux pays est définitivement ce corridor qui, lorsqu'il sera créé, permettra d'accroître les échanges non seulement entre le Pakistan et la Chine, mais au sein de toute la région", de l'Inde à l'Asie centrale, espère le ministre Iqbal.
Le Pakistan a transféré en début d'année le contrôle du port en eaux profondes de Gwadar, dans la province instable du Baloutchistan, à une société publique chinoise. Une fois la route remise en état, ce port pourrait permettre de réduire de plusieurs milliers de kilomètres le trajet pour transporter le pétrole du Moyen-Orient vers l'ouest de la Chine.
Pour la Chine, investir dans les infrastructures pakistanaises est une occasion d'accroître son commerce avec le Pakistan, chiffré à douze milliards de dollars l'an dernier, mais aussi à terme d'utiliser la main d'oeuvre pakistanaise moins bien rémunérée que chez elle.
"Certains entreprises en Chine sont confrontées à une hausse des coûts de production. Le gouvernement chinois estime donc pouvoir bénéficier de la main d'oeuvre à rabais au Pakistan en y établissant des usines automobiles, voire de produits électroniques", pense Ahmed Rashid Malik, chercheur à l'Institut des études stratégiques d'Islamabad.
"Mais pour y parvenir, la Chine a besoin que le Pakistan ait de l'énergie, c'est pourquoi les investissements chinois dans le secteur énergétique pakistanais pourraient s'avérer bénéfiques pour elle dans le futur", ajoute-t-il.
Malgré des relations diplomatiques bien huilées et des échanges commerciaux en hausse, tout n'est pas rose entre la Chine et le Pakistan où certaines voix évoquent des cas possibles de corruption dans l'octroi de contrats parfois opaques.
"La question de la transparence dans tous ces projets est cruciale", note ainsi le sénateur Mushahid Hussain, directeur de l'Institut Pakistan-Chine, pourtant ardent défenseur de la coopération sino-pakistanaise. "Il y a eu des allégations de corruption contre eux par le passé, c'est donc à nous de saisir l'occasion" pour développer cette relation dans la plus grande transparence, dit-il.