Seymour Hersh accuse les USA d’avoir caché que le front al-Nosra pouvait produire du sarin
Les Etats-Unis savaient que les jihadistes du Front Al-Nosra sont capables de produire du gaz sarin mais ont ignoré ces renseignements pour mieux accuser le régime syrien dans l'attaque chimique du 21 août, dénonce un journaliste américain.
Dans un long article publié par la London Review of Books, Seymour Hersh --récompensé dans le passé pour sa couverture du massacre de My Lai pendant la guerre du Vietnam ou encore celle du scandale de la prison d'Abou Ghraïb en Irak-- accuse l'administration Obama de "manipulation délibérée du renseignement" dans l'affaire des armes chimiques syriennes.
Des responsables de l'administration ont fait part de leur scepticisme devant cet article que des journaux américains auraient refusé de publier car ils le jugeaient insuffisamment étayé.
M. Hersh soutient que Washington a "sélectionné" les informations à sa disposition et passé d'autres sous silence, notamment celles selon lesquelles un groupe de l'opposition syrienne, le Front Al-Nosra, a les moyens techniques pour produire de grandes quantités de gaz sarin.
Il évoque notamment un rapport top-secret de quatre pages remis le 20 juin à un haut-responsable de la DIA, l'agence chargée du renseignement militaire, confirmant de précédents rapports sur les capacités d'Al-Nosra, notamment grâce à un de ses membres, Ziyad Tarik Ahmed, un ancien militaire irakien spécialiste des armes chimiques.
Selon Seymour Hersh, l'administration Obama n'avait pas repéré de signes avant-coureurs d'une attaque malgré la présence de détecteurs à proximité des sites chimiques du régime. Et les accusations de Barack Obama le 10 septembre ne s'appuyaient pas sur des renseignements interceptés en temps réel mais sur une analyse des communications a posteriori.
"Ce n'était pas une description des événements spécifiques qui ont mené à l'attaque du 21 août, mais le détail d'un processus que l'armée syrienne aurait suivi pour n'importe quelle attaque chimique", avance le journaliste.
Le 10 septembre, dans une allocution solennelle, le président américain avait détaillé ce qu’il considérait être les preuves de l'implication du régime.
"Nous savons que le régime Assad est responsable. Dans les jours qui ont précédé le 21 août, nous savons que les personnels chargés des armes chimiques d'Assad préparaient une attaque près d'une zone où ils assemblent le gaz sarin. Ils ont distribué des masques à gaz à leurs hommes", avait-il notamment soutenu.
Hersh dit avoir trouvé lors de récentes interviews auprès d’anciens et d’actuels consultants en renseignement et militaires une intense préoccupation, et à l'occasion de la colère, sur ce qui a été vu à plusieurs reprises concernant la manipulation délibérée de l'intelligence.
Un officier de renseignement de haut niveau, a taxé dans un e-mail à un collègue les déclarations de l'administration sur la responsabilité d’Assad de « ruse ». «L'attaque n'était pas le travail du régime actuel», écrit-il.
Citant un ancien haut fonctionnaire du renseignement, Hersh a révélé aussi que l'administration Obama a usé de distorsion dans cette affaire, en modifiant les informations disponibles - en termes de calendrier et de l'ordre des jours - pour permettre au président et à ses conseillers de falsifier les dates et donner l’impression que l'attaque a été réalisée en temps réel.
Cette distorsion, dit-il, lui rappelle l’incident dans le golfe du Tonkin en 1964, lorsque l'administration Johnson a inversé la séquence des interceptions faites par l'Agence de sécurité nationale pour justifier l'un des premiers bombardements du Nord-Vietnam.