Alep, toujours sous les obus. Un retardé exécuté. Après Nabak, Yabroud. Militants et journalistes enlevés par les miliciens.
Rien ne va plus entre les deux milices Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) et Mouvement Islamique des Libres du Levant (MILL).
Après de nombreuses liquidations réciproques, les voilà plus que jamais à couteaux tirés dans les gouvernorats d’Alep et d’Idleb.
Depuis lundi, des accrochages les plus violents les opposent dans la localité de Maskana, proche de Manbajj, révèle le journal libanais AsSafir.
Auparavant, il y a eu l’évènement (rapporté par AsSafir) de la torture jusqu’à la mort infligée à « un jihadiste » d’origine belge appartenant à l’EIIL sur un barrage de la MILL, dans la région Hazano à Idleb et au cours duquel un autre milicien tunisien a été abattu et deux autres blessés, un français et un saoudien.
Cet évènement avait succédé à la mort à Hama d’un dirigeant de la MILL, Abou-Oubayda al-Banchi et à la décapitation de Mohammad Farès Marrouche, également membre de la MILL. Tous deux ayant été liquidés par l’EIIL.
Concernant le second, ses ravisseurs qui l’avaient recherché dans l’hôpital où il était soigné ont prétendu qu’il pensait qu’il est chiite !
S’agissant des accrochages de lundi, ils ont éclaté lorsqu’un milicien de l’EIIL qui traversait le barrage de la MILL a refusé d’obtempérer à la demande de livrer ses armes. Il a été abattu sur le champ. Sans tarder, la mobilisation a été décrétée dans les rangs de l’EIIL et les combats ont éclaté. 5 miliciens de cette dernière ont péri, assure AsSafir, dont le chef militaire de la région.
Dans sa version, le MILL assure que les combats ont éclaté lorsqu’elle a empêché un élément de l’EIIL qui venait de capturer un homme sous prétexte que c’est un chabbih (terme employé par les rebelles pour désigner les loyalistes au pouvoir syrien), et voulaient le trainer mains et pieds liés jusqu’à la mort.
Quant à l’EIIL, tout en indiquant que le MILL lui a tué 6 de ses hommes et emprisonne de nombreux d’autres, il a attribué cette escalade a la décision de quelques 15 des miliciens de cette dernière de rejoindre ses rangs et à l’arrestation d’un « chabbih » de la tribu Khafajah à laquelle appartiennent la plupart des miliciens de la MILL.
Selon le décompte de l’OSDH, le nombre des miliciens tués à Maskana s’élève à 12.
La relation entre les deux milices s’était également détériorée la semaine passée, lorsqu’elles ont échoué dans leur tentative conjointe de s’emparer du quartier de cheikh Saïd, dans une bataille baptisée Fateh (Conquérant).
Depuis, elles s’accusent mutuellement d’avoir causé le fiasco en retirant plus tôt que prévu leurs miliciens.
Alep, sous les obus
Les quartiers ouest loyalistes aleppins font l’objet de tirs d’obus quotidiens, souvent meurtriers, à partir des quartiers contrôlés par les miliciens.
Ce mardi, ce 15 personnes qui ont été blessés selon un bilan rapporté par le site aleppin Tahtel-Mijhar, et encore provisoire, lorsque des obus se sont abattus sur la rue Adonis.
600 mille kurdes assiégés
Dans le nord-est de la province d'Alep, les milices de l'EIIL poursuivent le siège des régions Efrine et Eïn el-Arab, où vit une majorité kurde, et ce en riposte à l'avancée des Unités de Protection du Peuple Kurde dans le gouvernorat de Hassaké.
Selon le journal syrien semi-officiel al-Watan, ce sont quelques 600 milles personnes qui subissent ce siège impitoyable pour la quatrième semaine consécutive. L'entrée des denrées alimentaires y est strictement interdite, et toute personne qui se hasarderait à le faire est menacée d'exécution. Lundi, deux personnes ont été liquidées car elles ont essayé de faire passer de l'essence d'Azzaz à Efrine!
L’exécution d’un retardé
A Sarakeb (au sud-est du gouvernorat d’Idleb), l’EIIL a exécuté un jeune vendeur de mazout pour avoir selon elle offensé Dieu.
Selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, instance de l’opposition syrienne siégeant à Londres, le jeune homme, Ibrahim Kassoum un retardé mental, a été tué d’une balle dans la tête deux jours après avoir été arrêté.
Son grief est d’avoir répondu à des membres de l’EIIL qui lui avaient reproché que son fuel était de mauvaise qualité : « comment pourrai-je le savoir ? Je ne suis pas dieu pour le savoir ! ».
Après Nabak, Yabroud
Dans le Qalamoune, au nord de Damas, les forces gouvernementales bombardaient violemment mardi la périphérie de Yabroud, dernier important bastion des rebelles dans cette région stratégique.
Selon l'OSDH, après avoir pris Nabak, Yabroud semble être le prochain objectif de l'armée syrienne. Il a fait état de "pilonnages par le régime de la périphérie de Yabroud, de la région de Rima et des vergers entourant Nabak".
C’est la milice d’Al-Qaïda du Front al-Nosra qui impose son autorité à Yabroud, où vit une population mixte musulmane et chrétienne et il s'agit d'"un important fief" des insurgés, selon le chef de l'OSDH.
A Nabak, désormais entièrement sécurisée depuis lundi, deux importants dépôts d'armes ont été découverts, ainsi qu'un hôpital de fortune, le plus grand de la région, selon le correspondant de notre chaine al-Manar en Syrie.
Le pouvoir contrôle maintenant les villes de Qara, Deir Atiya, et Nabak qui s'alignent toutes sur la route stratégique Damas-Homs. Celle-ci a été fermée depuis 20 jours à cause des combats, mais les autorités se préparent à la rouvrir prochainement.
Début décembre, les rebelles ont pris le contrôle de Maaloula et sont toujours présents dans de petits villages du Qalamoun, selon l'OSDH.
Si les forces régulières parviennent à reprendre la totalité de la région de Qalamoun, elles s'assureraient une continuité territoriale sous son contrôle entre les provinces de Damas et de Homs.
Qalamoun, à la lisière du Liban, a été pendant un an la base-arrière des miliciens qui y faisaient transiter les armes destinées à leurs bastions dans la région de Damas.
Quatre militants enlevés
Quatre importants militants syriens ont été enlevés mardi matin près de Damas par des assaillants inconnus, ont rapporté les Comités locaux de coordination, un groupe de l'opposition.
"Le 10 décembre au matin, plusieurs inconnus sont entrés dans le quartier général d'un groupe enquêtant sur des violations des droits de l'Homme en Syrie, dans le secteur de Douma, dans la Ghouta orientale assiégée", ont-ils indiqué dans un communiqué.
"Les militants Razan Zeytouneh, son epoux Nazem al-Hamadi, Waël Hamada, Samira Khalil et Nazem al-Hamadi ont tous été emmenés", ont ajouté les LCC.
Mme Zeytouneh, avocate qui a reçu en 2011 le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit avec d'autres militants du Printemps arabe a été l'un des premiers militants de la contestation contre le pouvoir syrien lancé en mars 2011. Elle a depuis critiqué les violations des droits de l'Homme commis par toutes les parties au conflit.
L'enlèvement a eu lieu dans la province de Damas, non loin de la capitale, dans un secteur contrôlé par les rebelles mais assiégé par les troupes régulières.
Fares Mohamed, militant au sein des LCC, a déclaré à l'AFP qu'un groupe de l'opposition armée dans la région pourrait être derrière ce kidnapping.
De multiples milices insurgées , dont le Front Al-Nosra et l'EIIL sont présentes dans la région de Douma.
Et deux journalistes espagnols aussi
Par ailleurs, le quotidien espagnol el-Mundo a révélé que deux journalistes espagnols ont été kidnappés en septembre par un groupe radical lié à Al-Qaïda.
Le journaliste Javier Espinosa et le photographe indépendant Ricardo Garcia se préparaient alors à quitter le pays après deux semaines de reportage sur "les conséquences de la guerre sur les civils" dans la région de Deir Ezzor, dans l'est du pays, selon El Mundo.
Ils avaient été kidnappés à un point de contrôle militaire près de la frontière turque. Les ravisseurs sont membres de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe jihadiste affilié à Al-Qaïda, selon El Mundo.
Lors d'une conférence de presse à Beyrouth, quelques heures après l'annonce du kidnapping des journalistes, la femme de Javier Espinosa a appelé les ravisseurs à les libérer. Elle a indiqué que les deux journalistes s'étaient rendus une dizaine de fois en Syrie pour témoigner du conflit, au péril de leur vie.